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A la découverte de l’écosystème entrepreneurial de La Réunion

Je dois avouer que je n’étais jamais allé en outre-mer ! Lorsque Richard Touret, CEO de Runware et membre actif de l’association Webcup, m’a proposé d’intervenir à La Réunion et d’en découvrir l’écosystème entrepreneurial, j’étais ravi de pouvoir à la fois apporter ma petite pierre à leur édifice et aussi, d’observer de près comment les entrepreneurs s’y prenaient dans ces contrées isolées et éloignées de la métropole.

J’ai donc passé cinq jours sur place entre le 29 mars et le 3 avril 2016 et y ai rencontré des dizaines de personnes, surtout des entrepreneurs établis ou en herbe. Voici donc le compte-rendu de ce séjour, accompagné de quelques réflexions sur l’entrepreneuriat en outre-mer. Par extension, elles peuvent aussi s‘appliquer aux entrepreneurs de la métropole, notamment en région. Mes photos qui sont ici émaillent cet article pour l’illustrer.

L’économie de La Réunion

L’outre-mer comprend 2,7 millions d’habitants occupant 119 394 km2. La France est le seul pays européen a avoir autant d’extensions de son territoire au-delà de sa métropole. La Réunion est la première région d’outre-mer en population, avec environ 840 000 habitants, et en poids économique. Elle est suivie par la Guadeloupe (405 000 habitants), la Martinique (402 000), la Nouvelle-Calédonie (269 000), la Guyane (250 000), Mayotte (212 000) et la Polynésie française (268 000). D’autres territoires ont une population bien plus faible comme Saint-Pierre-et-Miquelon. Au jeu de la population, La Réunion est le 25e département français, situé démographiquement entre le Finistère et l’Oise. A titre de comparaison, la Corse comprend 320 000 habitants.

La Réunion est une île de 2 512 km2 située à 700 kilomètres à l’est de Madagascar et à 170 kilomètres au sud-ouest de l’île Maurice dont la taille est voisine. L’île est montagneuse avec un sommet à 3 071 mètres (Piton des Neiges). On y trouve un volcan, le Piton de la Fournaise, et des coulées de lave anciennes et récentes au sud de l’île, dans sa zone la moins habitée. C’est un volcan actif mais non explosif, donc sans danger pour la population. L’île a la forme d’une ellipse d’environ 80 kilomètres sur 50 kilomètres. Le sud de La Réunion est la partie la plus méridionale de la France sur la planète.

Au Cap Méchand au sud de l'Ile, on peut observer de près les traces des éruptions volcaniques et coulées de lave du passé.
Au Cap Méchand au sud de l'île, on peut observer de près les traces des éruptions volcaniques et coulées de lave du passé.

Contrairement à de nombreuses zones d’outre-mer, La Réunion n’a pas été colonisée humainement avant sa découverte par des navigateurs portugais vers 1500. Ses premiers habitants étaient des Européens. Après un passage de quelques Hollandais et Anglais, des colonisateurs français sont arrivés au 17e siècle, d’abord pour établir une escale commerciale de la Compagnie française des Indes orientales puis pour développer une colonie spécialisée dans la culture du café, de la canne à sucre et de la vanille. Les Français y ont importé des esclaves provenant d’Afrique. L’île a été anglaise brièvement, entre 1810 et 1814. L’esclavage a été aboli en 1848, date à laquelle l’île a pris définitivement le nom de La Réunion. Elle a alors attiré de l’immigration de travail de nombreux pays, aussi bien de l’Inde que de l’Asie. Ainsi, la communauté chinoise est devenue importante à La Réunion. La population est un véritable melting-pot européano-africano-sino-indien très intégré et très francophone. Le créole est une variante du français parlé par les Réunionnais d’origine africaine.

La population est concentrée sur les côtes, particulièrement au nord (Saint-Denis) et au sud (Saint-Pierre). Les zones touristiques (route des plaines, volcan, grand bassin, forêt primaire de Bélouve, Hell-Bourg) sont situées au centre et dans la moitié sud de l’île. Dans l’histoire, sont notamment issus de La Réunion l’aviateur Roland Garros, Raymond Barre et Michel Debré, premier ministre du général de Gaulle entre 1959 et 1962 puis ministre de ce dernier et du président Pompidou.

Le PIB de l’île est de l’ordre de 14,5 milliards d'euros, alimenté principalement par le tourisme qui bénéficie de la richesse et de la diversité culturelle de la région. A titre de comparaison, il est supérieur au PIB de Madagascar, une île qui a la même surface que la France métropolitaine et et qui compte 22 millions d’habitants. L’économie de La Réunion s’est d’abord lancée avec un programme de construction à partir de 1946. Elle s’est véritablement développée dans les années 1970 et 1980 : création de la première université, développement du tourisme qui est maintenant un secteur économique indispensable, développement des infrastructures et des logements. En outre, l’agriculture s’est diversifiée avec des cultures maraîchères et la pêche.

Par certains côtés, La Réunion est une France en miniature avec sa nationale à quatre voies qui tourne autour des deux tiers de l’île, ses hypermarchés Carrefour, Auchan, Leclerc, Bricorama et autres enseignes nationales, ses panneaux de circulation, son architecture et sa langue. La nationale est souvent embouteillée autour de Saint-Denis et de Saint-Pierre, histoire de bien se rappeler le boulevard périphérique ou le tunnel de Fourvière. C’en est même un peu surréaliste alors que l’on est si éloigné de la métropole. Le Nord est industrieux et citadin, et le Sud-Ouest, davantage entrepreneur, plus touristique et plus chaud. Au centre, on y trouve un équivalent de l’Auvergne ou de la Normandie selon les endroits. Ce constat est renforcé par la forte part d'Européens au sein de la population. Le cadre de vie y est plutôt agréable, surtout entre septembre et mars pendant la saison sèche.

La Réunion dispose de deux aéroports, dont celui de Saint-Denis qui couvre les principales liaisons internationales. A vrai dire, Paris, Marseille, l’île Maurice et Tananarive (Madagascar) sont les principales destinations. Paris est couvert par Air France, Air Austral, Corsair et XL Airways. Les vols durent de 10 à 11 heures selon le sens du vent. Ils passent au-dessus de contrées loin d'être pacifiées, comme la Somalie et le Soudan, mais la Libye est soigneusement évitée. La piste principale de l’aéroport de Saint-Denis va même être agrandie pour être en mesure d'accueillir des A380, commandés par Air Austral. L’île dispose aussi de deux ports (Port Est et Port Ouest, à l’ouest de Saint-Denis, cf. détails).

Les atouts 

La Réunion est une porte de l’Europe sur l’océan Indien, l’Afrique de l’Ouest et le Moyen-Orient. En plus du réseau routier, les infrastructures sont aux normes européennes : sanitaires, logements, services et enseignement. L’île bénéficie d’avantages fiscaux divers, d’aides régionales et d’une TVA de 8,5%, au lieu de 20% en métropole. A noter une bonne infrastructure d’accès à Internet. Dans la région, c'est la zone avec le plus fort PIB par habitant et la démographie y est dynamique.

Les handicaps 

Comme presque partout en outre-mer, le territoire est fragile économiquement avec un taux de chômage élevé. Il est ici aux alentours de 30%, jusqu'à 60% chez les jeunes. 40% de la population a moins de 25 ans car la natalité est forte. Le chômage y est bien pire que le Maghreb au moment du printemps arabe et cela n’explose pas pour autant. Il y a 220 000 emplois, 120 000 chômeurs, 250 000 enfants scolarisés et 80 000 foyers éligibles au RSA. 250 000 personnes sont dépendantes de ce revenu. 28% de la population adulte est illettrée, soit 100 000 personnes. Pour résumer, 220 000 personnes en font vivre 620 000. Les amortisseurs sociaux et le secteur public servent d’anesthésiant mais cette réserve s'amoindrit. Autre inconvénient évoqué sur place : l’enregistrement d’une société et l’obtention de son Kbis dure des mois. Un problème que l’Etat pourrait régler sans que cela ne coûte les yeux de la tête.

L’une des forces de l’île est son environnement. Elle bénéficie à la fois d’un bon ensoleillement, d’une eau douce abondante du fait de fortes précipitations, surtout en altitude avec plus de 11 mètres (!) par an à certains endroits, et de terres fertiles d’origine volcanique. L’île est bien équipée pour le tourisme mais elle pourrait probablement accueillir bien plus de visiteurs, au prix d’efforts dans la maîtrise de l’anglais par la population qui est trop francophone (un paradoxe !) malgré ses origines ethniques très variées, dans l’amélioration du professionnalisme de l’accueil et dans les attractions. Aujourd’hui, La Réunion attire plus de 400 000 touristes par an, dont une moitié dite affinitaire, liée aux relations familiales des habitants avec la métropole et d’autres pays.

La dépendance énergétique de l’île est pour l’instant de 85%. Les énergies renouvelables sont au programme pour réduire cette dépendance, d’où l'implantation de quelques entreprises dans ce secteur, dans le solaire comme l’éolien, et une volonté politique d’atteindre l’autonomie énergétique d’ici 2030. A noter que le gasoil est à 91 centimes et se situe au même niveau dans toutes les stations-service contre plus de 1,04 euro en métropole en ce début de mois d'avril 2016. La TIPP et la TVA doivent être plus basses. Le pétrole raffiné provient de Singapour via une ou deux navettes de tankers de petit tonnage.

A noter une particularité : La Réunion, comme tous les territoires d’outre-mer, n'est pas dans l’espace Schengen. Quand on part de Roissy, on est hors Schengen et on passe le contrôle des passeports. Cela permet probablement de limiter l’accès aux migrants en situation irrégulière. Le département de Mayotte, qui est à l’ouest de Madagascar, attire en effet des migrants illégaux en provenance des Comores. Quant à l’île Maurice, elle est plus petite que La Réunion mais sa population dépasse 1,2 million d’habitants. De plus, elle doit faire face à une plus grande pauvreté. Des navires de passeurs coulent régulièrement, mais font moins de bruit en métropole que ceux des Syriens qui arrivent ou non en Grèce. Mayotte aurait ainsi près de 400 000 immigrés des Comores en situation irrégulière ou régulière, s’ajoutant aux 212 000 habitants de l’île. Conséquence directe, Mayotte devient une véritable poudrière.

Côté télécoms, le réseau mobile est assuré par Orange, SFR et Only, un opérateur local low-cost. Il n’est encore qu’en 3G mais couvre assez bien l’île, sauf quelques zones blanches isolées et peu habitées. Le réseau fixe est dominé par l’ADSL avec des débits moyens de 4 à 6 Mbits/s et la fibre est déjà en cours de déploiement dans les villes. Dans mon hôtel à Saint-Pierre, l’équipement en fibre semblait déjà installé. J’ai pu uploader en Wi-Fi une mise à jour du Guide des start-up à raison de 500 Ko/s. La fibre est cependant contrainte par le débit des deux liaisons sous-marines, dont l’une devra être bientôt renouvelée. Les temps de ping peuvent dépasser 200 ms. En métropole, ils sont compris entre 20 et 35 ms en ADSL et sont de 2 ms en fibre. Ce temps de ping peut être pénalisant pour les utilisateurs de jeux-vidéo, mais pas seulement !

A noter qu’un abonné mobile de la métropole peut utiliser son smartphone à La Réunion comme s’il était en métropole, lorsqu’il se trouve sur l'île pendant moins de 35 jours. Cela ne fonctionne pas de la sorte dans l’autre sens. Cependant, des offres spécifiques existent pour cela. Chez Only, les forfaits vont de 15 à 35 euros par mois. Le forfait à 15 euros est moins garni que son équivalent de Free en métropole. Avec une heure d’appels, SMS illimités et 1 Go de data. A hauteur de 35 euros, sont compris les appels en métropole et vers l’outre-mer.

Quid de la 4G ? Son déploiement a été annoncé par le gouvernement en février 2016 sur la recommandation de l’ARCEP. Cela passera d’abord par un appel d’offres pour l’attribution de fréquences à La Réunion ainsi qu’en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy. Les lauréats devront couvrir au moins 99% de la population. Les fréquences seront attribuées d’ici fin 2016.

L’écosystème entrepreneurial de La Réunion

Cet écosystème est structuré comme en métropole avec :

  • l’enseignement supérieur, dominé par l’Université de La Réunion qui couvre les lettres et les sciences humaines, le droit, l’économie et la gestion, les sciences, les technologies et la santé ainsi que des formations professionnelles (licences, DUT). On peut aussi citer l’Ecole supérieure d’ingénieurs Réunion Océan Indien (Esiroi) spécialisée en BTP, énergie, agroalimentaire et numérique ainsi que l’école de commerce EGC qui fait partie d’un groupe présent en métropole et en outre-mer. C’est là que je suis intervenu lors de l’une de mes deux conférences sur la dynamique entrepreneuriale en France pour Saint-Denis (mes slides). Une antenne locale de l’école d’ingénieurs en informatique Supinfo est aussi présente, tout comme Simplon.co qui est l’une des quatre «grandes écoles du numérique» avec trois établissements locaux. Les meilleurs élèves du secondaire à La Réunion ont cependant tendance à faire leurs études en métropole. 44% des bacheliers quittent l'île afin de poursuivre leurs études en métropole. Ils reviennent ou non à La Réunion une fois qu'elles sont achevées.
  • la recherche, avec divers organismes publics, à l'image du Cirad, l’IRD, l’Ifremer, le BRGM, le CHU, l’Inserm, le CNRS ou encore Météo France, comprenant au total une quarantaine d’unités de recherche et quarante laboratoires, ainsi que divers instruments scientifiques, dont un cyclotron (Cyroi) servant aux biotechnologies.
  • des clusters thématiques : Temergie (énergies renouvelables et développement durable), le pôle de compétitivité Qualitropic (ressources naturelles tropicales), le Cluster maritime et le Cirbat (Centre d’innovation et de recherche de bâti tropical).
  • côté grandes entreprises, l’innovation ouverte démarre à peine. Y sont actifs les grands opérateurs télécoms ainsi que certaines banques comme le Crédit agricole et BNP Paribas. A noter en marge une présence militaire de la France avec notamment une unité de l’armée de l’air ainsi qu’un régiment de parachutistes.
  • des structures d’accompagnement de l’entrepreneuriat comme l’Adir (Association pour le développement industriel de la Réunion), Nexa (Agence régionale du développement et de l'industrie), la Technopole de La Réunion avec ses parcs d’activité Technor (Saint-Denis) et Techsud (Saint-Pierre) et l’incubateur régional, un CRITT (Centre régional d'innovation et de transfert de technologie) généraliste. A noter également l’espace de coworking Transfo de la CCI à Saint-Pierre où avait eu lieu la formation de deux jours que je supervisais pour les gagnants du Startup Weekend organisé par l’association Webcup, soit une vingtaine de personnes. J’y suis également intervenu pour une conférence sur la dynamique entrepreneuriale en France (ainsi qu’à l’EGC de Saint-Denis).

J’ai eu l’occasion de rencontrer divers responsables de ces structures d’accompagnement.

Au sein d’Innovons La Réunion, Philippe Jean-Pierre pilote la coordination du développement économique de l’île, en accompagnement de la région. Il préside le Comité régional pour l’innovation, dont le secrétariat est assuré par Nexa. Selon lui, l’économie locale est dominée par le BTP et l’agriculture, et les institutions sont stables. Malgré le chômage, il note que le climat est apaisé et que les Réunionnais ont une forte capacité d’adaptation. Il situe les opportunités économiques au minimum à l’échelle de l’océan Indien, pas à celle de La Réunion ou de la métropole. L’idéal ? Devenir le Costa Rica de la région.

Olivier Ezratty avec Philippe Jean-Pierre d'Innovons la Réunion, dans le bâtiment TechNor de la Technopole à Saint Denis.
Olivier Ezratty avec Philippe Jean-Pierre d'Innovons La Réunion, dans le bâtiment Technor de la Technopole à Saint-Denis.

Comme en métropole, on appelle souvent start-up des entreprises qui n’en sont pas. Il en dénombre au maximum une cinquantaine et très peu d’entre elles sont à l’équilibre (au prorata de la population, cela donnerait 3 900 start-up en France en tout, ce qui n’est pas absurde). Elles peinent à se développer, faute d’accès à un capital local à la hauteur de leurs ambitions. Les plus grandes levées de fonds dont j’ai entendu parler dépassent en effet difficilement le million d’euros. D’où le lancement d’un grand plan, le S3 (Stratégie de spécialisation intelligente), qui sera financé par la région et les fonds européens (Feder).

Cette feuille de route vise à aider les entreprises à rester sur place et à se développer. Elle canalisera les moyens publics sur trois axes, dont le numérique. 140 millions d'euros seront mobilisés sur cinq ans, à comparer au rythme actuel de 30 millions d'euros. Cela comprendra un fonds d’investissement de 100 millions d'euros qui devra couvrir les besoins d’une trentaine de start-up prometteuses en dilutif et non-dilutif. A noter que La Réunion prépare un dossier de labellisation French Tech, probablement autour de la thématique santé.

Chez Nexa, j’ai rencontré son directeur, Gaston Bigey, ainsi que Jenny Seibert, que j’avais croisée sur le stand de La Réunion au CES 2015 et qui m’avait aidé à documenter l’écosystème entrepreneurial de La Réunion dans le Guide des start-up à partir de l’édition 2015. Nexa accompagne les projets des entrepreneurs dans différentes facettes : leur mise au point, la propriété intellectuelle, les montages de dossiers fiscaux (Crédit d'impôt recherche, etc.), la recherche de financements, notamment auprès de banques ou de l’Europe (programme Europe 2020 et Fonds européen d'investissement, la filiale de la Banque européenne d’investissement), et le marketing. L'agence gère aussi l’aide PPI (Premier projet innovant).

Jenny Seibert et Gaston Bigey de l'agence de développement économique Nexa.
Jenny Seibert et Gaston Bigey de l'agence Nexa.

A noter le cas d'Outre-Mer Network, un réseau d’entrepreneurs ultramarins qui propose un programme d’accélération. Il est notamment soutenu par Xavier Fontanet, l’ancien directeur général d’Essilor. Leur concours Innovation Outre-Mer comprend six prix thématisés. Lors de la dernière édition 2015, quatre de ces prix ont été gagnés par La Réunion (Solar Trade, Oscadi, etc.). Ils prévoient l’installation d’un accélérateur à Paris dédié aux start-up de l’outre-mer pour amplifier leur développement commercial. Leur rêve ? L’installer à la Halle Freyssinet ! Xavier (Niel), à mettre dans tes tablettes !

L’objectif de Nexa dans le cadre du secrétariat du Comité régional pour l'innovation est également de rationnaliser l’ensemble des actions publiques destinées aux entrepreneurs et aux start-up à La Réunion. On peut en effet constater un phénomène aussi répandu en métropole : la multiplication des structures (une trentaine) et des actions qui frôle la saturation. On se demande parfois s’il n’y a pas plus de personne dédiées à l’accompagnement que de start-up !

J’ai rencontré Philippe Arnaud qui préside Digital Réunion, la principale association réunionnaise des acteurs du numérique. Il est aussi entrepreneur du numérique avec sa société Medialight. L’association professionnelle est affiliée au Syntec Numérique. L'entrepreneur est aussi administrateur de la branche locale du Medef. Selon lui, le numérique représente 540 entreprises à La Réunion et 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires, soit tout de même 9% du PIB, ce qui intègre les télécoms. Il comprend 4 600 emplois selon la définition de l'OCDE. L'embauche dans les télécoms a baissé ces dernières années, notamment à cause de Free Mobile qui n’est pas commercialisé sur l’île. Le secteur s’est consolidé autour de SFR par le biais de rachats du groupe Altice (Izi, Outremer Telecom). Le chiffre d'affaires du secteur est passé de 960 millions d'euros en 2008 à 610 millions d'euros aujourd'hui, ce qui a d'ailleurs redistribué du pouvoir d’achat aux Réunionnais. En parallèle, l’économie des services s’est bien développée, au point de compenser cette baisse. L’association planche sur l’animation de la filière, la transformation digitale des collectivités et la pédagogie numérique auprès des PME. Elle est financée à hauteur de 140 000 euros et pour une part de 55% par des fonds privés. Ils ont créé le FUN (Forum des utilisateurs du numérique) et travaillent sur la formation. D’autres projets existent comme NxSE, une plate-forme pour investir en Afrique via la Réunion qui prendra l'allure d’un événement en septembre 2016. A noter dans ce cadre un lien entre La Réunion et le French Tech Hub du Cap en Afrique du Sud. L’entreprise Power Time, qui vend de l’électricité prépayée et compte 75 personnes, s’y est déployée.

Dans ce tour de l’écosystème public, j’ai aussi rencontré David Lorion, vice-président de la région et adjoint au maire de Saint-Pierre. Nous avons discuté de l’attractivité de La Réunion. Il évoquait l’intérêt de faire de l'île un terrain d’expérimentation de nouvelles solutions, tirant parti de la diversité ethnique du territoire. Oui, pourquoi pas, surtout si ce n’est pas limité aux grands groupes français. Sinon, il faut résolument se tourner vers le monde.

Enfin, évoquons l’association Webcup qui m’invitait à La Réunion. Elle organise les Startup Weekends de La Réunion et facilite leur mise en place dans la zone, comme à Madagascar en 2012 et à l’île Maurice d’ici mi-2016. Webcup proposait aux finalistes des Startup Weekends de Saint-Pierre et Saint-Denis, organisés en septembre et décembre 2015, de participer à une formation de deux jours sur l’entrepreneuriat dont j’étais l’animateur. Ils l’avaient déjà effectuée par le passé avec de bonnes connaissances : Didier Tranchier (IT Angels) et Michel Safars (à l’époque chez IT-Translation et dans le MBA d’HEC). L’association organisait avec la Cité des métiers de Saint-Pierre un atelier de coding gratuit du 14 au 18 mars 2016. Juste avant, le Startup Day pour les femmes entrepreneuses permettait à douze d'entre elles de pitcher leur projet. Eux aussi veulent développer le rôle des femmes dans le numérique. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai pu photographier trois entrepreneuses qui intégreront l’initiative «Quelques femmes du numérique !». ll s’agit d'Anne-Laure Payet (BeamJobs), Jaëla Devakarne (eKoal) et Raissa Sornom-Aï (ABey).

Start-up rencontrées

Passons maintenant aux start-up que j’ai pu rencontrer pendant cette semaine passée à La Réunion au cours de laquelle je n’ai pas du tout chômé ! Elles sont très diverses avec quelques pôles spécifiques : dans la santé, les objets connectés, les logiciels métiers et l’énergie. Le reste couvre de l’intermédiation de services assez classique.

Santé

Runware est une start-up spécialisée dans la santé créée en 2009, au départ avec un cardiofréquencemètre. Elle est actuellement dirigée par Richard Touret, arrivé dans la société en 2011. En 2012, la société a pivoté pour s’intéresser au diabète, la maladie chronique la plus courante. Il y a 100 000 diabètes (majoritairement de type 2) à La Réunion, soit 17,5% des 30-70 ans, et trois millions en France. La maladie serait générée en grande partie par le stress social et la sédentarité croissante. Il y a cinquante diabétologues sur l’île et une bonne part du suivi des patients est gérée par les 1 200 médecins généralistes. Cela constitue donc un bon terrain d’expérimentation. L’idée est de créer une gamme d’objets connectés et une application ChecKit permettant le suivi de la glycémie, de la tension, du rythme cardiaque, de l’activité physique et de l’alimentation (par le biais d’une balance connectée, voir ci-dessous). La société a obtenu une aide de 500 000 euros dans le cadre d’un projet d’investissements d’avenir (PIA). Elle était présente au CES 2015.

Oscadi

Créée par Olivier Sautron, la start-up a conçu un appareil d’échographie portable associé à un iPad qui s’installe dans une coque idoine. Il permet de faire de la télémédecine et d’améliorer la prise en charge de malades dans les services d’urgence (pompiers, Smur, Samu). C’est un outil de diagnostic de terrain utilisable dans de nombreux domaines comme la pneumologie ou l’obstétrique. Il peut être aussi très utile pour les vétérinaires. C’est le seul produit médical disposant de l’agrément MFI d’Apple. La start-up s’est fait remarquer à plusieurs reprises, notamment lors de la finale de Techcrunch Disrupt London en 2014. Pour l'heure, le produit est encore au stade de prototype. Son prix s'établit autour de 12 000 euros, remplaçant des produits portables existants à 40 000 euros. La société, qui fonctionne avec 12 personnes et a levé des fonds locaux, est à la recherche de financements plus importants pour produire son engin en série et le commercialiser.

Torskal 

C'est un projet de la biologiste Anne-Laure Morel qui vise à traiter des cancers. Le procédé consiste à associer des traitements à des microparticules d’or, injectées dans le sang et réchauffées localement par un rayonnement pénétrant dans le proche infrarouge. Cela permettrait de détruire localement les cellules tumorales. L’équipe associe un chimiste des matériaux, un juriste en propriété intellectuelle et un phytochimiste. L’idée est aussi de valoriser la biodiversité de La Réunion en exploitant deux plantes endémiques et d’autres bioressources. L’équipe, qui est encore en phase d’amorçage, prévoit de licencier sa technologie générique pour différents cancers. Le projet est issu du GIP Ciroi, la plate-forme de recherche et d’innovation en biotechnologies de La Réunion.

Qweety Inc.

Actuellement en phase d'amorçage, l'application smartphone utilise le serious gaming et des leviers motivationnels, basés sur les paris, pour le sevrage du tabac. Sorte de Betclic du sevrage, elle utilise des paris de l’entourage. Les gains associés sont des objets issus de marques qui peuvent se faire valoir en cadeaux. La solution pourrait être déployée dans les lycées et les entreprises. Les développeurs travaillent avec l’Inserm sur la mesure d’efficacité du procédé.

Poz’Eat

Porté par Françoise Lichardy que j’ai rencontrée lors de la formation à Saint-Pierre, c'est un serious game permettant d’apprendre à manger de manière équilibrée tout en retrouvant les bonnes sensations de faim et de satiété. C’est une alternative aux régimes à répétition.

Logiciels métiers

Orika 

C'est un éditeur de logiciels de caisse pour le retail bien établi, créé en 2001 et composé d’une vingtaine de personnes. Il a été créé par Fouad Mazouz, un ancien ingénieur informaticien d’IBM et Bull ayant travaillé en région parisienne. Sa suite logicielle complète intègre un ERP. Parmi ses coups retentissants : les magasins Simply Market d'Auchan en Bourgogne, 6 000 caisses en cours d’équipement en Italie, 70% du marché de la grande distribution de La Réunion sauf Leclerc. Il est aussi numéro un au Maroc avec 100% de la grande distribution, via un partenariat avec Atos. Il en a un autre avec NCR.

Orika

MediaLight

Dirigée par Philippe Arnaud qui préside aussi l’association Digital Réunion, la start-up emploie douze personnes. Elle a été créée en 1992. Elle fournit des applications à base de logiciels open source dans les secteurs bancaires et touristiques. Partenaire d’Amadeus, la société développe des applications destinées aux tablettes pour les PNC (Personnel navigant commercial). Elle est en train de réaliser la transition (jamais évidente) d’entreprise de services du numérique à celui d’éditeur de logiciels. La start-up planche sur une plate-forme logicielle de gestion de destinations touristiques. Elle a bénéficié de la première génération d’échanges de La Réunion avec le Québec qui est une belle tête de pont pour conquérir l’Amérique du Nord.

Ansamb

Créée par Didier Hoarau et Fany Lo, la société propose Places, une solution de communication, de travail collaboratif et de partage de documents sécurisée sur Internet. C’est une application conçue comme une sorte de Dropbox crypté où l’on peut partager ses documents, gérer leur version, les commenter, partager un agenda et des listes de tâches et discuter via une messagerie et un système de visioconférence cryptés. Elle tourne sous tous les systèmes d’exploitation de bureau ou mobiles du marché, y compris plusieurs dizaines de distributions de Linux. Les codes sources sont même fournis aux clients pour qu’ils puissent vérifier qu’il n’y a pas de backdoor (ce qui n’est pas évident pour autant car prouver qu’un élément n’existe pas est quasiment impossible…). Places est actuellement en bêta privée. Le logiciel sera commercialisé au prix de vingt euros par mois, avec une version iPhone à deux euros pour toucher le marché grand public. L’idée est en tout cas de faire payer la cryptographie et non le stockage car ce dernier est de moins en moins cher.

La société cible les professionnels qui doivent protéger leurs informations, comme les avocats ou les journalistes (avec l’affaire «Panama Papers», c’est d’actualité). Elle a un bureau avec un salarié à Asnières (Hauts-de-Seine) et est en passe de créer une équipe de business development, marketing et support pour l’Europe. La start-up prévoie aussi de s’installer dans l’antenne de San Francisco de la French Tech. La startup a pas mal investi pour se rendre visible : Techcrunch Disrupt 2013 (stand, peut-être un peu trop tôt mais c’était un moyen de surfer sur l’affaire Snowden), WebSummit 2014 et The Next Web New York où ils ont gagné le vote du public puis CES 2016 (pas un bon investissement, ils sont trop b2b). La société fait 18 personnes et a été financée par le fonds StarInvest qui a des filiales dans tout l’outre-mer.

L'application Places d'Ansamb permet de lancer une visioconférence à partir de son micro-ordinateur vers un smartphone, le tout en en crypté.
L'application Places d'Ansamb permet de lancer une visioconférence à partir de son micro-ordinateur vers un smartphone, le tout en en crypté.

logiCells 

C'est une société de développement d’applications métiers qui est aussi en train de faire sa mue vers l’édition de logiciel. Créée par Anil Cassam Chenaï (un polytechnicien), elle est en train de mettre au point un “ERP sémantique” qui rassemble les fonctions d’un ERP (entreprise resource planning), d’un ECM (content management) et d’un CRM (relation client), le tout s’appuyant sur la capacité de gérer les données structurées et non structurées et de les exploiter pour identifier via du machine learning les déviations par rapport à la normale, les clients à risque ou à problèmes, ou pour segmenter les clients. Le tout avec un système d’auto-apprentissage. Cela a l’air prometteur sachant que le concept n’est pas évident à vulgariser. L’équipe de la société est répartie sur La Réunion, l’île Maurice avoisinante, Montpellier, Bordeaux et Paris.

SOGEXIS

Créé par Thomas Laurent, a développé Carooline, c'est un ERP en mode SaaS pour les vendeurs de pièces détachées automobiles. C’est à l’origine un prestataire de services développant et intégrant des solutions d’ERP pour les PME, s’appuyant principalement sur des briques open source telles que les ERP Compiere et Odoo. Lui aussi cherche à devenir éditeur de logiciels en s’attaquant à un marché vertical.

Cirrus Software

Cette start-up développe des logiciels métiers pour les compagnies aériennes qui sont distribués notamment par IBM Services. Ils ont notamment Singapour Airlines comme clients, parmi une trentaine de compagnies. La société a été créée en 1991. Elle a une filiale à Maurice, Maureva, qui gère une partie de l’activité “human intensive” de services aux compagnies aériennes.

Datarocks 

C'est une start-up en amorçage qui propose une solution de création de tableaux de bord ergonomique et performante. Elle fonctionne en local et sera bientôt en cloud, utilisable via un navigateur web. Elle a été créée par deux anciens consultants en Business Intelligence, qui se partagent le développement et l’infrastructure. La solution est déjà déployée chez quelques clients dans divers secteurs d’activité (éducation, industrie, tourisme).

W3A 

C'est une autre start-up en amorçage, rencontrée comme la précédente dans le Technopole de Saint Denis. Elle est spécialisée dans le big data et gère la collecte de données disparates. Elle s’appuie aussi sur du machine learning. pour l’extraction d’informations et leur classification. Ils s’appuient notamment sur Pyhton et Apache Spark.

Enfin, citons la société de conseil et services aux entreprises Globalliance, que je n’ai pas rencontrée. Elle occupe plus de 60 personnes et fait plus de 4m€ de CA. En plus de La Réunion et de Maurice, elle est établie à Lyon. Sa filiale Pyx4 éditeur une solution de BPM (Business Process Management). Elle vient de lever 3m€ auprès d’investisseurs de la métropole (OTC, AGC Management).

Dans l’énergie

Reuniwatt 

Cette société propose une solution de prévision de production solaire par énergie photovoltaïque qui exploite des sources de données diverses comme la météo et les caractéristiques techniques des installations. Elle s’appuie sur la solution de logiCells que nous venons de voir plus haut. La solution d’adresse aux fournisseurs d’énergie lorsqu’une forte proportion de solaire PV est mise en œuvre. Ils visent notamment le marché allemand qui est très avancé dans l’usage du solaire PV. Leur solution exploite aussi du machine learning, entre autre via logiCells.

Sunny Shark 

C'est une start-up en amorçage qui vise à optimiser le chauffage des piscines en tenant compte de l’inertie thermique de l’eau qui permet de la chauffer lorsque l’électricité est la moins chère. Elle tient aussi compte de la météo et de la fréquentation de la piscine. La solution exploite un boitier raccordé au chauffage de l’eau, un thermomètre, un serveur et l’accès à la météo. La Réunion est une bonne plateforme de test. La fiabilité des prévisions météo est meilleure en plaine qu’en montagne et des dizaines de micro-climats cohabitent sur l’île.

Objets connectés

TEEO 

C'est une spin-off de l’entreprise de génie électrique pour entreprises Corem, créée en 2009 par Dominique Vienne. Elle propose une solution logicielle de gestion de gestion de la consommation d’énergie conforme à la norme ISO 50001. Elle agrège les données issues de capteurs de mesure de consommation d’énergie. L’idée est de permettre aux entreprises de comprendre leur consommation d’énergie et leurs sources d’économies, généralisant la notion de “nega-watts” qui diminuent les opex. La solution couvre tout le champ fonctionnel de la consommation d’énergies. Elle identifie les patterns anormaux de consommation, les facteurs influents et les sources d’économies, souvent de l’ordre de 10% à 30%. Leur logiciel en cloud est hébergé chez OVH. Ils recommandent d’allouer 10% des dépenses d’énergie des entreprises pour les gérer et éviter les dérives. 5900 entreprises françaises doivent faire un audit 50001 ! Leur développement commercial se porte bien avec le déploiement en cours du siège de Schneider Electric à Rueil-Malmaison ainsi que chez EADS et Generali Foncière Immeubles. Ils s’appuient sur des prescripteurs comme l’AFNOR et EDF Grands Comptes Défense. Teeo expérimente évidemment les réseaux M2M Sigfox et LoRa. D’ici peu de temps, un réseau Sigfox sera déployé à La Réunion, Maurice et Mayotte par un opérateur local sous licence (SNO : Sigfox Network Operator). Prochaine étape : développer leur réseau de vente.

Autres domaines

IOBlast, sous la houlette de Philippe Bertiaux, développe un jeu de rôle exploitant des drones, imaginé pendant le Startup Weekend de Saint Pierre en septembre 2015. C’est une approche dans la lignée des laserquest, jeux de paintball et courses de kart qui sont proposés au grand public et aux entreprises par des opérateurs de services. Le jeu pourra fonctionner en intérieur et en extérieur. Il combinera des drones de combats quadcopters et des armes de poing permettant de tirer sur les drones dans un parcours consistant à chercher un drapeau. L’équipe rassemble déjà cinq personnes et le produit est en gestation. Il sera vendu en franchise à des opérateurs de jeu avec un business model s’appuyant sur un pourcentage de l’exploitation. Modulo les capex que cela va engendrer !

Beam Jobs est porté par Anne Laure Payet, une ingénieure ESIEA. Il s’agit d’un service de rencontre pour l’emploi qui met en relation des entreprises à la recherche de talents et des candidats à la recherche du job qui leur va. Ce n’est évidemment pas la seule tentative de traiter ce besoin sur le marché. Il a du sens lorsque que les métiers sont complexes et où il existe une symétrie de l’offre et de la demande ou encore, lorsque l’offre d’emplois est supérieure à celles des demandeurs, comme dans le développement logiciel.

StoryEnjoy est un projet issu d’un Startup Weekend, piloté par Caroline Lopez, originaire de Montpellier. C’est une solution destinée à rapprocher les grands-parents vivant loin des leurs petits-enfants. Elle permet aux grands-parents de choisir un livre numérique et de se filmer en racontant l’histoire. L’enfant consulte l’histoire sur une tablette. Ca me rappelle dans l’esprit le projet MamyStory du Startup Weekend de Sophia Antipolis en 2011 (cf moncompte-rendu de l’époque).

Réflexions sur l’entrepreneuriat en outre-mer

L’entrepreneuriat en outre-mer rappelle en version réduite ce que l’on trouve en métropole. Dans le numérique, il est dominé par des prestataires de services (entreprises de services numériques, web agencies, etc). Une minorité d’entreprises sont lancées dans l’esprit de créer une véritable startup (produit, scalable, internationale). Quelques entreprises de services cherchent à sauter le pas vers le produit. Elles ont une meilleure capacité à se financer que les startups mais moins l’état d’esprit et les compétences.

La tentation est forte pour les startups de La Réunion d’utiliser l’île comme premier marché, puis celui de la métropole. Se pose comme en métropole la question de la manière de mener son expansion géographique. Faut-il commencer par les pays limitrophes (l’Europe pour la métropole, l’océan indien pour La Réunion) ou attaquer directement les marchés les plus structurants du marché mondial comme le sont les USA, voir les grands marchés asiatiques (Inde, Chine, Japon) ? Il n’y a pas de réponse unique à cette question. Cela dépend de l’offre et de l’ambition de la startup.

Les French Tech Hubs qui se sont créés un peu partout sur le globe permettent de se développer à l’international sans passer par la case métropole et grands comptes français. Cette approche méritera d’être testée de manière extensive par toutes les régions de France et par La Réunion en particulier. Elle permet probablement de gagner du temps !

En général, l’ambition est corrélée par les financements, ou tout du moins, par les financements que l’on pense pouvoir obtenir. Quand ces financements augmentent, via le public ou le privé, les rêves et ambitions peuvent augmenter en proportion. Dans le cas de La Réunion, les financements publics peuvent servir à boostraper un écosystème entrepreneurial qui une fois lancé, peut s’auto-alimenter. C’est ce qui s’est fait en Israël dans les années 1990 pour le financement d’amorçage. Maintenant que les “exits” y sont courantes, le financement public y est moins important.

Le développement international passe par un point de passage obligé : la maîtrise de l’anglais. C’est un point faible en France qui est un peu plus marqué à la Réunion. Il faut donc favoriser les échanges internationaux dès l’enseignement. Comme les îles environnantes sont francophones, il faut aller un peu plus loin comme en Inde ou dans les Emirats pour atteindre des zones non francophones.

Le corollaire de l’ambition internationale est la notion d’écosystèmes et de partenariat. Une startup doit développer des partenariats par cercles concentriques pour se faire connaitre. Dans certains cas, les entreprises de la Réunion peuvent s’entre-aider et être partenaires entre elles, comme nous l’avons vu avec Logicells. Dans d’autres cas, des partenariats peuvent être noués avec des entreprises de la métropole. Puis avec des groupes étrangers. Nous avons vu que c’est possible, comme avec IBM pour Cirrus Software.

La Réunion peut aussi et surtout investir en compétences, comme dans le développement logiciel. Cette compétence est rare dans le monde et, d’où qu’elle vienne, elle est la bienvenue. Et le développement logiciel est plus facile à réaliser à distance que de nombreux autres métiers. L’enseignement supérieur doit aussi travailler au rapprochement des disciplines et encourager, par exemple, les projets de fin d’étude associant filières commerciales, design et techniques.

Lors de la soirée Startup & Beer à Saint Denis organisée par Ken Tsisandaina, j’ai croisé une entrepreneuse, Laetitia Novau, venue avec sa fille de 12 ans (ci-dessous). Que faisait-elle là ? Elle a 17 de moyenne en 6ième, est déjà geek dans l’âme et rêve de faire de l’informatique et du développement. C’est un très bon signe ! La relève se prépare déjà !

Billet publié à l'origine sur le blog Opinions Libres d'Olivier Ezratty.

Olivier-EzrattyOlivier Ezratty est consultant en nouvelles technologies et auteur d’Opinions Libres, un blog sur les médias numériques (TV numérique, cinéma numérique, photo numérique) et sur l’entrepreneuriat (innovation, marketing, politiques publiques…). Olivier est expert pour FrenchWeb.

 

 

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