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Alix de Sagazan et Rémi Aubert, AB testés et approuvés

Le rendez-vous est donné à 13 heures au Derrière, ce restaurant parisien, couru et bien-nommé, puisque niché au fond d’une cour du Marais, aux allures d’appartement d’Alice au Pays des Merveilles, avec sa déco bohême-chic et éclectique : en vrac, une table de ping-pong, un canapé cosy, du mobilier formica ou Régence, des lustres baroques et des globes seventies, et une carte qui donne à lire, très graphique et pleine d’esprit. C’est une proposition d’Alix, elle aime cet endroit, particulier assurément, et sa cuisine, goûteuse et familiale.

derriere-restaurant

Alix de Sagazan et Rémi Aubert arrivent avec quelques minutes de retard, rien de vraiment signifiant à ma montre ou à l’échelle du cosmos. C’est dans ce contexte décalé qu’ils m’apparaissent pourtant, tandis que je suis installée en retrait, à consulter quelques notes, bidouiller mon enregistreur et siroter un Perrier frais. Je lève la tête, surprise, et une image précise s’imprime sur ma rétine, celle d’un homme et une femme trentenaires qui débarquent d’un bon pas, dans une même énergie.

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Ils sont dynamiques et souriants, s’excusent pour l’heure. Ce n’est pas qu’ils se ressemblent, non : elle est blonde, jolie et pétillante, de rouge vêtue, enceinte aussi, et ouvre la voie ; lui est ce grand brun dans son sillage, aux lunettes d’écailles, très smart et plus taiseux, dont on perçoit vite la galanterie et zéro besoin de tirer la couverture à lui. Non, le truc d’Alix et de Rémi, contenu dans cette première image, mais que j’ai finalement saisi à l’écriture de leur histoire, leur truc à eux – voire le secret de leur réussite si on aime les listes de type dix secrets pour réussir ta start-up –  c’est qu’ils sont synchrones, harmoniques et congruents. La congruence, dans le champ psy, c’est ce mot moche qui désigne l’alignement entre ce que tu es (ta personnalité profonde), ce que tu penses et ressens (tes valeurs, tes convictions), et ce que tu dis ou fais (tes actions). D’aucuns disent que c’est le secret de la séduction – je te le dis aussi si tu aimes les listes de type dix secrets pour choper facile – mais quand on sait embarquer 100 collaborateurs au service de 400 grands comptes en 5 ans, lever 6 millions d’euros et devenir l’une des start-ups les plus innovantes et référentes de l’écosystème français, il n’est pas vain d’explorer les ressorts intimes de l’histoire d’AB Tasty.

Une vieille histoire

On commence logiquement par le début, leur rencontre, et c’est Alix qui raconte. L’affaire remonte à l’enfance, ils sont issus du même quartier et très engagés dans la vie associative. Ce ne sont pas à proprement parler des best friends forever, mais ils s’entendent bien. Ils se perdent de vue, entament chacun de leur côté une carrière dans le web. Rémi travaille chez Keyade, et Alix chez Hi Media, tous les deux sur des sujets étonnamment connexes, autour de l’acquisition de trafic. Ils se retrouvent fin 2008, quand Rémi recontacte Alix sur Viadeo, et ils conviennent d’un déjeuner, à Levallois. Ce repas est une pierre fondatrice : plus que de simples retrouvailles, c’est une rencontre d’ambitions, une reconnaissance. Ils évoluent dans ce même milieu professionnel qui les passionne, mais ils partagent aussi des frustrations liées à des contextes d’entreprise atones, et en creux, l’envie respective de se libérer et d’en découdre. Rémi propose alors à Alix de les rejoindre chez Keyade, à la faveur d’une opportunité disponible, mais outre l’envie de travailler ensemble, parce que mus par le même élan, point déjà l’envie d’entreprendre.

Viens dans ma boîte, et plus, si affinités

ab-tasty-londresLe mail de follow-up de Rémi suite au déjeuner est à l’avenant. Alix se souvient, et à l’entendre, il y a des points d’exclamation, force enthousiasme et beaucoup de projets, aux contours encore un peu flous, mais nourris à la bonne sève du futur de l’indicatif : “C’est génial ! Viens avec nous ! On fera des choses !” Alix arrive dans la foulée chez Keyade et leur pôle dédié à leur spécialité commune, l’acquisition de trafic, tourne bien. Mais, à côté d’eux, une autre équipe attire leur attention : le pôle Analytics est en charge d’analyser les parcours client, pour optimiser la conversion. Le sujet les intéresse, le domaine est balbutiant, et aucune offre vraiment existante sur le sujet. Ils ont trouvé leur territoire de jeu. Neuf mois plus tard, en décembre 2009, ils quittent Keyade pour monter Liwio, une agence de conseil spécialisée dans l’optimisation de la conversion et s’installent dans l’un des premiers – et rares – incubateurs parisiens de l’époque. Le bon de commande de leur premier client tombe un 24 décembre, comme un signe du destin. Ceux du pôle Analytics embarqueront eux-même dans une autre success story française, l’agence de data marketing fifty-five, mais ça, c’est une autre histoire.

 


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De l’agence de conseil à la solution technologique

Il faudra deux ans pour pivoter de l’activité de conseil à l’idée qui fait sens : la création d’un outil qui redonnerait la main au marketing pour tester des hypothèses sur un site, facilement, en autonomie, sans avoir à sonner une direction technique pas toujours disponible pour tester une accroche, décaler un bloc ou changer la couleur d’une têtière. Quiconque a travaillé dans le marketing web sait de quoi je parle, possiblement secoué de rires nerveux. Pour les autres, l’A/B testing est cette discipline proche du gymkhana numérique et qui, pour reprendre une définition académique, permet de mesurer « l’impact d’un changement de version d’une variable sur l’atteinte d’un objectif (clic, validation, remplissage d’un formulaire, etc..) ». Peut-être que si j’écris Soldes de Folie en jaune fluo sur ma home page, j’obtiendrais de meilleurs clics, et donc possiblement plus de ventes, qu’en écrivant Tout doit disparaître, en Comic sans MS rouge. Mais pour le savoir, encore faudrait-il pouvoir essayer et mesurer. Tu vois l’idée. AB Tasty est cette solution technologique qui permet de tester, analyser et valider des scenarii divers sur des segments de ton choix, au gré de tes intuitions marketing. Et ceci sans solliciter à tout va tes ressources techniques, ce qui est une avancée absolument priceless, non seulement pour ton taux de conversion, mais aussi pour la réconciliation des directions marketing vs. technique et in fine, la paix des organisations. Deux ans de chemin oui, parce que quand on est affairé au quotidien dans le développement d’une activité, en l’occurrence l’agence de conseil, ce n’est pas forcément évident.

D’ailleurs, le conseil commence à leur peser : il faut sans cesse chercher des clients, maîtriser son offre dans une activité parfois aléatoire, souvent volatile, et rien de pérenne n’est vraiment bâti. Bâtir, construire reviennent en écho dans leur récit. La lassitude gagne, Alix admet ouvertement que c’est une période difficile pour elle, et on imagine sans peine qu’il doit être ardu pour ce tempérament vif de ramer sur une mer d’huile. Il y avait bien cette intuition autour de la solution technologique. Ce qu’il y a de bien avec la solution techno, c’est qu’elle est à même de générer un business model récurrent (licences, abonnements, etc…) et offre un territoire d’expression et d’innovation à explorer.  L’intuition s’incarna d’abord via un tableau de bord, qui vécut rapidement. Il manquait le mouvement et l’action, mais ils ne le savaient pas encore. Il fallait un outil qui autorise l’action, là où le tableau de bord est statique, un outil qui permette à son pilote de tester et de prendre des décisions. Après l’abandon du tableau de bord, ils se reconcentrent et partent à Deauville pour un séminaire de la dernière chance.

Deauville : rien ne va plus, faîtes vos jeux (et sortez votre power point)

Ils partent à trois, avec le mari d’Alix, et ce n’est clairement pas pour aller se cramer au casino. Il s’agit là d’un vrai séminaire stratégique, façon grande boîte, avec son power point qui va bien. Le mari d’Alix endossera les habits du consultant / coach / sparring partner. Et l’idée, la précieuse idée, apparaît enfin, celle qui sonne comme une évidence a posteriori, mais aura mis trois ans à se synthétiser et sédimenter sur une plage normande. Rien de tel n’existe sur le marché, sauf un outil Google très technique et peu commode d’accès. Eux veulent justement une solution simple, dont on peut s’emparer aisément, et qui donne à n’importe quel marchand l’agilité marketing d’un Amazon.

Je demande : sait-on, sent-on, au retour de Deauville, qu’on a trouvé la killer application ? Pas forcément, répondent-ils, mais en tout cas on revient gonflés à bloc, avec la ferme volonté de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour réaliser l’idée. Ils se définissent tous deux comme impulsifs, ce qui est souvent considéré comme un défaut, mais s’avère ici une grande qualité. Se saisir de l’idée et l’exécuter. Now.

Un recrutement idéal

Un ami d’ami de Rémi les met en relation avec un jeune homme polonais, non pas plombier mais ingénieur-développeur de son état, ne parlant pas un mot de français mais cherchant à l’apprendre. Le jeune homme se révèle un Mozart du développement, et on sent chez Alix et Rémi une véritable reconnaissance à son endroit. La compréhension entre Rémi qui porte la vision produit, et Pawel qui le développe, est parfaite. Il n’était pas forcément question de le garder, mais très vite, Rémi et Alix s’aperçoivent que s’il y a un collaborateur dont il convient de s’assurer les services, c’est bien Pawel. Six ans après, Wolfang Amadeus Pawel est désormais CTO d’AB Tasty, en charge d’une équipe de 30 personnes.

AB TASTY alix remi pawel

On arrive à une première mouture d’AB Tasty, un MVP (comme Minimum Viable Product), que l’on peut donner à tester aux clients. Ceux-ci font de premiers retours enthousiastes, remontent leurs remarques pour améliorer le produit, et réclament de s’en emparer. La création d’une surcouche utilisateur arrive très vite.

Et au fait, pourquoi ce nom ?

72094_10150119632297289_4752795_nLeur agence de conseil s’appelait Liwio, vaguement inspiré par un chaman bolivien. Ils racontent ça en rigolant, il était question de guérir des taux de conversion en souffrance, mais on les sent eux-mêmes peu convaincus de la blague. AB Tasty est issu d’un brainstorm autour de quelques bières au Vintimille, pendant lequel classiquement, on aligne les propositions les plus farfelues sur une page blanche. Bon, l’option AB Tasty avait déjà une longueur d’avance sur ses concurrents, car Rémi était arrivé avec la proposition en tête et, comme le caractère structuré qui me parle, le nom de domaine déjà en poche. C’est un jeu de mots sur la discipline, qui peut aujourd’hui parfois leur apparaître comme étroit au vu du potentiel promis à leur activité. Il y a décidément de l’appétit. Mais les gens aiment le nom, et son côté fun, pétillant va avec l’état d’esprit de la boîte.

Où l’on cause Sainte Rita, business angels et premiers contrats

Début 2012, la solution est prête et il est temps de la vendre. Il s’agit maintenant de se faire connaître : on recrute une compétence marketing, on fait de la communication, on se diffuse sur les blogs spécialisés. Pour la commercialisation, on imagine de proposer des packs en ligne et d’attendre les appels entrants. C’est ce que Rémi qualifie en riant de “l’utopie du self-service à l’américaine”. Mais les choses ne se passent pas exactement comme prévu. Des appels entrants il y en a oui, mais à l’autre bout du fil, ce sont de grands comptes auprès desquels il convient de se déplacer en rendez-vous. Il faut se jeter à l’eau, faire la démonstration du produit et surtout, pas forcément le plus simple, donner un prix à une solution qui n’a pas d’équivalent par ailleurs. C Discount, Bouygues Telecom, Etam… La confiance de ces groupes les surprend agréablement. Un premier contrat tombe en avril 2012. Un autre contrat avec Bouygues à 10K euros par mois leur permet de se renforcer de façon significative. L’état d’esprit est bon, la confiance est revenue.

 

AB TASTY liwio 2

Comment tient-on financièrement jusque-là ? Alix et Rémi ont coutume de dire qu’AB Tasty a eu trois business angels : leur activité de conseil, ainsi qu’un comparateur de prix développé par Rémi, Pôle Emploi – même si flotte vite sur la deuxième année le drapeau sombre de la fin de droits – et Sainte Rita. Sainte Rita ? Rita de Cascia elle-même, patronne de l’Impossible et icône du quartier en sa chapelle de Pigalle. Ils furent logés pendant deux ans dans des locaux qui n’avaient de paroissiaux que le bail, puisque que nous parlons ici d’un atelier à grande baie vitrée, façon lupanar d’artiste époque Moulin Rouge, pour à peine 400 euros par mois, autant dire une bénédiction en termes d’Opex.

AB TASTY premiers locaux

De l’importance des valeurs

Je les interroge sur la dynamique de leur paire, la question continue de m’intriguer. Les histoires de duos sont souvent narrées sur le refrain de la complémentarité parfaite, la petite chanson du yin et yang. Or, je les trouve étonnamment semblables de nature – je n’ai pas encore identifié mon concept génial de congruence synchronisée à fort potentiel harmonique. Comme tous les êtres naturellement mobiles, la minute introspective les surprend. Alix se saisit de la parole, en bonne commerciale / marketing du binôme, et déroule son propos avec l’énergie de celle qui est toujours partante. Déjà, ils sont très complémentaires en compétences : même si Rémi est aussi de formation commerciale, c’est surtout un bidouilleur autodidacte avec, selon Alix, une grande vista. En termes de caractère, Alix peut être sujette à l’ivresse des montagnes russes, tandis que Rémi se révèle plus calme et constant. Pour les motivations profondes, Alix identifie chez elle un esprit d’aventure certain, la volonté de se dépasser. Rémi, qui goûte moins l’exercice d’auto-analyse, livre sans conviction des éléments qui, à mon sens, sont pourtant éloquents : un père fonctionnaire, et sans doute de nature inquiète comme beaucoup de parents, puisqu’il dit à son fils lorsqu’il quitte sa boîte pour entreprendre que c’est « une connerie », une mère qui a travaillé trente ans dans la même entreprise, une période d’échec scolaire… Pragmatique, il associe surtout son initiative à la frustration vécue dans sa boîte d’avant. Alix complète : “Rémi est un génie créatif qui a besoin d’accoucher ses idées.” Ils se retrouvent sur un point : être aligné sur les valeurs. Pour eux, l’essentiel se joue surtout sur le rapport à l’argent, au travail, à l’être humain. Nous rebouclons logiquement sur l’enfance et l’engagement dans la vie associative, et je ne suis pas mécontente d’aligner enfin mon point Freud.

« Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends »

Ensuite ? Le cercle vertueux est enclenché : ils engrangent de nouveaux clients, remportent des prix, suscitent les encouragements nourris de leurs partenaires et la reconnaissance de l’écosystème tech. On les sent sincèrement touchés par ces marques d’intérêt et de bienveillance ; Rémi se souvient par exemple d’Olivier Binet chez Paypal : “Parfois, on avait l’impression qu’ils y croyaient même plus que nous”. Car outre sa capacité à générer du business récurrent et son potentiel évolutif, la solution technologique a pour elle sa forte capacité démonstrative, appelons-ça si vous le voulez bien le facteur CQFD, ce qui fait démonstration. Si bien exécuté en rendez-vous, à l’instar d’un triple lutz piqué, le facteur CQFD est à même d’induire chez le client le fameux effet waouh – l’expression est galvaudée et figure en bonne place dans toutes les grilles de bullshit bingo édition entreprises du numérique, mais ici on a le droit. Et c’est un effet par lequel le prospect, pris de spasmes, est susceptible de se saisir d’un stylo pour signer un contrat certes, mais aussi de gratifier l’entrepreneur de waouh-waouh suraigus procurant chez ce dernier un extra-shoot de fierté et de motivation bien utile à la poursuite de son chemin.

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Pour embrasser et soutenir la croissance, il faut se renforcer et se structurer : un directeur commercial, un directeur client, un directeur RH rejoignent AB Tasty… Enfin, ce sont d’abord des gens de talent en charge de, et qui sont toujours là aujourd’hui, récompensés de leur investissement et fidélité par la fonction. Ils s’accordent sur l’importance cruciale de bien s’entourer. Et on perçoit une vraie satisfaction à l’être, à avoir fait grandir ces talents au rythme de leur entreprise et réussi à les fédérer autour de valeurs communes, malgré l’hyper-croissance. Au début, ces valeurs n’ont pas à être définies et posées en tant que telles, car on s’entoure naturellement de profils qui sont alignés. Et puis, à partir de 25 ou 30 personnes, on se rend compte qu’il faut les écrire, ces valeurs, les poser solennellement presque, les hisser au rang de vertus cardinales, pour qu’elles restent et infusent dans une structure en fort développement sans jamais risquer de se diluer.

« AB teste ! »

Alors, quelles sont-elles chez AB Tasty, ces grandes valeurs ? La satisfaction client, l’agilité, l’enthousiasme, l’esprit d’équipe, la bienveillance. Des valeurs actionnables, mais aussi des valeurs humaines, dont on ne s’interdit pas qu’elles évoluent avec le temps. L’agilité est une qualité intéressante, car elle incarne finalement la promesse de l’outil dans chaque collaborateur qui, par un drôle d’effet d’abyme, devient son propre sujet d’expérience. Chacun est ainsi encouragé à l’initiative, à tester sans cesse et sans crainte ses idées et hypothèses : le gimmick ici, c’est « A/B teste ! », comme qui dirait « Essaie donc pour voir ! », le tout sous le haut-patronage de Nelson Mandela dont le sourire éclaire la citation affichée comme un mantra dans leurs bureaux : “Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends.”

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Le gorille à cacahuète

Ecrire ses valeurs, c’est bien, les vivre, c’est mieux. Rémi et Alix accordent une grande importance au bien-être au travail.  Cliché peut-être, mais comme beaucoup d’entrepreneurs de leur génération, ils sont intimement convaincus qu’il s’agit d’un vrai levier de performance. Ils vont prochainement obtenir la labellisation Great Place to Work, s’attachent à pourvoir un environnement de travail agréable à leurs collaborateurs – céréales et fruits à disposition, cours de yoga, petit-déjeuner tous les mercredis, formations à venir… Ils ne boudent pas leur plaisir quand on leur dit que les gens ont l’air d’être heureux de travailler chez AB Tasty.

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Ils s’attachent à stimuler cette ambiance en rythmant la vie d’entreprise avec des initiatives qui leur ressemblent, bon esprit et dynamiques. Le gorille à cacahuète par exemple, qui sonne à l’oreille comme le nom d’une télé-réalité d’enfermement, n’est pas non plus une technique de management d’inspiration naturaliste : c’est le best-practice avéré de ce dernier mois de janvier. Un tirage au sort détermine des binômes gorilles / cacahuètes et tout le mois durant, le gorille doit multiplier les gestes de bienveillance à l’égard de sa cacahuète – cette dernière ne sachant évidemment pas sa nouvelle condition kafkaïenne d’arachide. Certes, les cacahuètes ont été exposées à un risque inédit d’embonpoint, croulant sous les attentions à forte densité calorique, mais plus sérieusement, Rémi a été “halluciné” de l’ampleur prise par l’initiative, la qualifiant de “démentielle de bienveillance”. Un channel sur Slack (un outil collaboratif) a été ouvert où chaque cacahuète postait les bienveillances reçues. Pour février, ça sera le « lunch roulette », un tirage au sort pour organiser des déjeuners à trois au restaurant, afin que chacun continue de se connaître au fur et à mesure du développement de l’entreprise.

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Et la qualité de leurs échanges à eux ? Je leur demande si leur relation n’a pas pâti de la croissance hyper rapide d’AB Tasty. Ils déjeunent ensemble tous les lundis, pour ne pas s’écarter, mais n’éprouvent plus le besoin de débriefer tous les soirs comme au début. Confiance, respect mutuel et alignement des caractères sous-tendent la réponse, la colonne vertébrale est solide, pas besoin d’en faire des caisses.

Hyper-croissance et levées de fonds

Fin 2013, bien qu’autonomes jusqu’alors, un premier besoin de financement externe se fait sentir, pour gagner en vitesse et puissance. La concurrence se structure, des acteurs américains apparaissent sur le marché, il ne faut pas perdre la main. La première levée se fait assez naturellement, auprès de XAnge Private Equity et Kima Ventures : AB Tasty est rentable, l’outil existe et tourne, les clients sont là. Ce sont les investisseurs qui viennent à eux. D’abord 1,1 million d’euros sont levés en 2014, consacrés à préparer un déploiement à l’international, à investir massivement en recherche & développement, et à consolider l’activité France, puis 5 millions d’euros en janvier 2016, auprès d’Omnes Capital et de leurs investisseurs historiques. Pour convaincre un investisseur, à la lueur de leur expérience, l’équipe, l’ambition, l’environnement concurrentiel, ce qui a déjà été réalisé, importent finalement plus que le produit per se. L’exercice est chronophage certes, mais oblige aussi à se poser pour réfléchir, ce que l’intensité de l’activité quotidienne ne permet pas forcément. Ils considèrent avant tout l’argent comme un moyen, pas une fin en soi. Ils font partie de la famille de ces entrepreneurs-faiseurs qui prennent plus de plaisir à développer leur produit, par opposition aux entrepreneurs-financiers qui visent la revente court-terme.

AB TASTY groupe seminaire

Ils sont passés de 25 à 100 salariés en deux ans, comptent 400 clients en portefeuille, ouvrent des bureaux à l’étranger, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne d’abord et aujourd’hui, c’est l’aventure américaine qui leur tend les bras. Autant de jalons posés et d’obstacles franchis, qui donnent à Alix l’occasion de se pencher sur la notion d’hyper-croissance : “Vu de l’extérieur, on se dit c’est chouette, mais quand on est dedans, c’est intense.” C’est dit pudiquement, mais entre les mots, on sent bien la vibration de la lessiveuse. Définir des process, bien recruter, bien accueillir et intégrer les salariés – bien “on-boarder” dans le jargon – accueillir les challenges aussi, qu’ils soient techniques ou commerciaux, tenir la ligne de crête à haute cadence. Je risque une analogie avec la crise d’adolescence, le corps change, la voix mue, et il convient de faire avec cet organisme qu’on habite et qui se développe à toute vitesse, dans tous les sens, et dont on essaie de diriger et stimuler le développement, sans en entraver le potentiel – car ils ont en commun le goût de tendre vers l’efficacité maximum, dans le travail, les procédures, l’organisation. Ils réfléchissent quelques secondes, approuvent et filent même la métaphore : “Sans les boutons”.

La fréquentation de l’écosystème tech leur a été d’une aide précieuse : ils se sont évidemment nourris de leur propre bagage empirique – « A/B teste ! » – mais aussi multiplié les rencontres et les occasions sociales pour bénéficier des retours d’expérience de leurs pairs, tous azimuts. Aujourd’hui, avec la croissance, ils vont directement vers ceux susceptibles de leur apporter une expertise sur des problématiques données, tout simplement parce qu’ils les ciblent mieux. Un coach les a par exemple récemment aidés sur la question RH.

L’international

L’organisation est différente, il faut savoir recruter des personnes qu’on ne côtoiera pas au quotidien. Rémi a récemment passé deux mois et demi aux Etats-Unis dans le cadre d’un programme d’accélération, dont le pitch l’a interpellé : accomplir en 10 semaines ce qu’on ferait en 10 mois. L’expérience l’a visiblement marqué : parce qu’on appréhende un autre marché, mais on découvre aussi son marché domestique de l’extérieur, on fait une autocritique qui contribue déjà à des actions concrètes, par exemple installer un système de visioconférence. Et puis, apprendre, c’est exaltant. Au début d’une entreprise, on change de métier tous les 6 mois : recruteur, marketeur, développeur, leveur de fonds, commercial… Les Etats-Unis lui redonnent ce nouveau souffle et cette stimulation. Ils connaissent leur chance d’évoluer sur un territoire à fort gisement : outre la conquête commerciale en France et à l’étranger, le machine-learning, l’intelligence artificielle ouvrent à leur technologie de vastes perspectives. Craindraient-ils l’ennui ? Ils répondent par l’affirmative, comme un seul homme. Rémi rajoute qu’effectivement, s’ils avaient monté un site d’e-commerce, le côté plus statique leur aurait certainement pesé. Pendant 10 ans, on a encore de quoi faire chez AB Tasty – et beaucoup s’y amuser.

AB TASTY international

Et maintenant ?

AB TASTY nycRémi part s’installer aux Etats-Unis pour y diriger le développement de l’activité. Ils ont créé un Comex structuré pour déléguer la prise de décision. Je leur demande si c’est une difficulté justement, que de déléguer. Au contraire, là où les membres du Comex réclament encore leur aval sur les questions stratégiques, eux ont suffisamment de recul pour oser formuler l’idée que les fondateurs peuvent être malgré eux un frein au développement, et que cette mise à distance permet justement à autrui de s’autoriser de nouvelles choses.

Rémi : « Les gens nous prêtent plus facilement un attachement qu’on n’a pas nécessairement. On ne s’interdit rien. Par exemple, sur la question du nom, pourquoi ne pas en changer si ça se justifie ? Ce n’est pas un nom trouvé après trois bières qu’on va garder 200 ans. »

Le chemin d’un entrepreneur est de toute façon parsemé de petits deuils successifs, ça aide au lâcher-prise.

Notre entretien touche à sa fin, un autre rendez-vous les attend déjà. Tandis que son dessert arrive, Rémi en propose spontanément une moitié à Alix. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a sans doute un gorille et une cacahuète qui s’ignorent sur la banquette qui me fait face.

Les adresses d’Alix et Rémi

– Au P’tit Douai, 38 rue de Douai, 75009 : « Notre cantine pendant 3 ans »

– Le Vintimille, 1 place Adolphe Max, 75009 : bar où ils ont acté le nom « AB Tasty »

– Au Xème, 22 rue de Mazagran, 75010 : « Le bar de tous les excès ».

– Un Zèbre à Montmartre, 38 rue Lepic, 75018, et son camembert rôti


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