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Considérations micro-économiques sur le capital-risque

Le capital-risque est une « niche » dans le monde de la finance. Représentant au niveau mondial bien moins de 100 milliards de dollars d’investissement, il pèse très peu macro-économiquement: 0,4% du PIB pour le champion Israëlien, 0,3% pour le leader incontesté à savoir les Etats-Unis et 0,03% pour la France (source OCDE/2014). C’est pourtant grâce au "venture capital" (en Français, capital-risque)  que des leaders globaux ont émergés pour ensuite se financer sur les marchés boursiers et compter parmi les plus grosses capitalisations boursières de la planète.

Le capital-risque a de fait vocation à rester marginal : son rôle est de détecter, de sélectionner, de financer et d’accompagner des sociétés en hyper-croissance. Les opportunités de construire des nouveaux leaders nationaux, continentaux ou mondiaux ne sont pas infiniment nombreuses…  Les cycles de transformation économique étant de plus en plus courts, ceux qui sortent vainqueurs de ces transformations étant souvent plus puissants que ceux qu’ils ont « disruptés », le capital-risque est un accélérateur à fort effet de levier. Capable d’apporter des montants importants en capital (et non en dette), il apporte aux entreprises une grande flexibilité dans leur croissance, la capacité d’enregistrer des pertes importantes (souvent inévitables lorsqu’il y a hyper-croissance) et une rapidité d’exécution indispensable lorsqu’il s’agit de revendiquer un quelconque leadership.   

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Notre pays (fier de ses fleurons économiques issus de l’économie de « rattrapage » qui caractérise les 30 glorieuses) a longtemps eu du mal à appréhender ces nouvelles règles du jeu : cycles courts, financements par l’endettement inopérants et… compétition très risquée puisque la création de valeur sera in fine fortement concentrée sur les gagnants.

La prise de conscience a eu lieu récemment. Quelques belles histoires (Criteo, Blablacar…) ont montré que c’était possible. Un (jeune et talentueux) Ministre de l’Economie s’est même récemment passionné pour le sujet !

ISAI, le fonds des entrepreneurs internet (que je dirige), a investi son premier fonds de « post-amorçage » dans 12 sociétés entre mi-2010 et fin 2014. Parmi ces 12 sociétés figure la « star » Blablacar ainsi que d’autres belles sociétés. Le portefeuille compte également quelques sociétés en échec ou à faible potentiel. Les graphiques présentés reconstituent le cumul des situations de ces 12 startups au 31 décembre des années allant de 2009 à 2015. Ces éléments permettent de mieux comprendre les mécanismes micro-économiques sous-tendant le fonctionnement du monde du venture capital (VC).

Le capital-risque repose sur une syndication systématique des investissements

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La figure 1 montre (en rouge) les montants levés par les différentes startups avant qu’ISAI n’y investisse : des sommes modestes (mais décisives) apportés par des business angels. Elle présente (en vert) le montant cumulé investi par ISAI au fil des tours de financement des startups et (en bleu) le montant apportés par d’autres VCs lors de tours ultérieurs. La tendance est extrêmement spectaculaire du fait des gros tours de table de Blablacar (2014 & 2015) mais totalement représentative du modèle de base du VC à savoir une succession de tours de table dont les leaders successifs sont des nouveaux entrants (qui font le prix) et auxquels les VCs existants participent (par défaut, au pro-rata de leur participation).

Cette syndication systématique permet une mutualisation des risques en permettant à chaque VC d’avoir un portefeuille diversifié de participations minoritaires. Elle permet également de tester et faire parler le marché à chaque étape de développement: si aucun nouvel entrant ne souhaite investir ou si la valorisation proposée est décevante, les actionnaires en place doivent savoir en tirer les conclusions…

Elle induit aussi une « moutonisation » des comportements des acteurs de la chaine de financement. Si ISAI, investisseur « early stage », sait que les VCs « mid stage » n’ont pas d’appétit pour tel ou tel type de startup, il hésitera à financer. Si ISAI constate que les multiples de base de la valorisation appliqués par les VCs « mid stage » sont revus à la baisse, il baissera ses multiples en « early stage »…    

Le capital-risque finance des trajectoires d’hyper-croissance

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Les figures 2 et 3 montrent la progression des effectifs et du chiffre d’affaires net (CA) (par opposition à volume d’affaires dans le cas des places de marchés nombreuses dans notre portefeuille) avant et après l’entrée d’ISAI au capital des startups. Une trajectoire proche de 100% de croissance annuelle du CA et de 50% des effectifs (essentiellement en CDI) est constatée. S’agissant d’une moyenne incluant quelques startups peu performantes, il s’agit de chiffres convaincants qui sont fortement pondérés par les sociétés les plus dynamiques. 

La progression plus rapide du CA que celle des effectifs est le signe d’une convergence économique. Les salaires constituent une grosse partie des coûts fixes d’une startup. Dans la phase initiale, les efforts portent essentiellement sur la conception du produit, le CA est minimal et les pertes très importantes comparé à ces coûts fixes ou au CA. Au fil du temps, la matérialisation du CA permet progressivement d’améliorer les ratios « pertes / coûts fixes » et « pertes / CA ».

Le capital-risque change le paradigme emploi/croissance

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La figure 4 compare les trajectoires d’emplois créés, de chiffre d’affaires et de capital « brulé ». Malgré les lourds investissements réalisés depuis 2014 par Blablacar dans son expansion au-delà de l’Europe Occidentale, la progression du CA annuel est plus forte que celle du capital cumulé utilisé. On constate à nouveau une convergence économique: le besoin marginal en capital pour financer la croissance diminue progressivement…

La comparaison entre croissance des effectifs et capital utilisé est intéressante car elle permet de calculer le coût en capital d’un emploi pérennisé. Une simple règle de trois conduit à une fourchette de 50 à 70k€ ce qui peut paraître élevé mais qui finalement pour des emplois qualifiés correspond à 12-18 mois de salaire chargé. Un salarié de startup est donc en moyenne « auto-financé » durant son 3e semestre dans une startup… 1 milliards d’euros de capital-risque injecté chaque année dans un écosystème permet la création de 15.000 à 20.000 emplois directs pérennes (pour la plupart qualifiés) et très certainement – mais nous ne disposons pas ici de données précises – de nombreux autres bénéfices en termes d’emplois indirects moins qualifiés (ex: chauffeurs de VTC) voire de pouvoir d’achat pour les consommateurs (ex: partage des frais sur Blablacar).

La comparaison des courbes des effectifs et du CA montre que la création d’emplois précède la croissance ce qui est le propre d’une économie de l’offre et qui va à l’encontre du poncif « le retour de la croissance va créer de l’emploi ». Certes ce changement de paradigme est « local » à des écosystèmes encore modestes dans leur poids économique mais il ne fait que confirmer l’inférence entre investissement et emploi qui ensemble génèrent de la croissance. C’est la faiblesse de l’investissement (financé ou auto-financé) qui empêche certainement notre pays de recouvrer un meilleur taux d’emploi et, par conséquence, une croissance dynamique…

Le capital-risque Français pourrait mieux faire

De façon générale, l’écosystème Français des « VC backed startups » a fortement progressé qualitativement et connait une forte croissance mais celle-ci est moins forte que celles connues par nos pairs Britanniques ou Allemands. Cette moindre croissance s’explique très simplement par la relative rareté du capital tricolore prêt à prendre de tels risques combinée avec un droit social limitant la prise de risques en termes de ressources humaines alors même que l’écosystème est en « chômage négatif » du fait de sa croissance.

D’autres écosystèmes étrangers connaissent des trajectoires plus agressives en termes de capital déployé et de création d’emplois. Si le capital est « moins cher », les talents (au sens expérience/compétences) plus nombreux et le code du travail moins contraignant, prendre des risques en embauchant plus (en étant sans doute moins sélectif) est plus aisé (quitte à ajuster les effectifs un peu plus tard si les résultats financiers ne sont pas au niveau attendu).

Si, comme nous le croyons fortement, investir plus sur les ressources humaines entraîne mécaniquement une trajectoire financière plus ambitieuse, il y a moyen de faire plus et mieux…

Notre (jeune et talentueux) Ministre l’a parfaitement compris mais il n’a pas encore convaincu la majorité de nos compatriotes et visiblement ni ceux qui gèrent l’épargne abondante des Français ni ceux, encore nombreux, qui pensent qu’il faut protéger les travailleurs de l’affreux capitaliste (que je suis) ;-)

Jean-David-Chamboredon-ISAI-France-digitale-2016

 

Jean-David Chamboredon est CEO de ISAI et co-Président à France Digital.

 

 

Lire aussi : 430 millions d’euros levés par des entreprises françaises de la Tech au premier trimestre

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