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[Expert] Ergonomie éditoriale : tendances et innovations pour 2015

Le 21 novembre 2014 s’est déroulée la 5e journée de la presse en ligne, organisée par le Spiil. Les organisateurs m’ont demandé de plancher sur les principales innovations en matière d’ergonomie éditoriale. En voici la synthèse.

HAMEÇONNER LE LECTEUR… SANS LE PIGEONNER !

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Les interfaces web – désormais en responsive design – gagnent en horizontalité pour mieux exploiter le format 16-9e, mais aussi pour proposer un maximum de contenus avant l’ascenseur (cf capture ci-dessous, il n’y a plus que 32% de clics sous le premier ascenseur selon Google Analytics).

Dans cette course à l’attention, il faut “hameçonner” le lecteur le plus tôt possible, et ne surtout pas attendre qu’il fasse l’effort pour aller vers nos contenus.

clics-navigation-horizontale

Ce principe se retrouve dans la fin (bienvenue!) des menus déroulants capricieux et laborieux. Désormais le maximum est proposé en premier niveau dans des interfaces à plat, qui exploitent mieux la molette de la souris.

L’horizontalité des interfaces anticipe aussi le développement des tablettes (et phablettes) qui ont fortement progressé ces dernières années (+105% de taux d’équipement en 2013) et représentent désormais quelque 8 millions d’utilisateurs. Sur PC, la navigation peut de plus en plus se faire de manière latérale, comme sur le monde.fr ou thenextweb.com. Apparaissent alors des flèches de navigation au clic qui disparaissent sur tablette ou smartphone, remplacées par le toucher.

Les pages d’accueil déstructurées viennent animer un peu le double colonage un peu lassant hérité des blogs, ou pire les trois colonnes continues où le regard se perd et où l’on ne retrouve rien. On alterne maintenant deux et trois colonnes pour garder une hiérarchie de l’information, tout en animant la page et en proposant un maximum de contenus là où ils sont pertinents. Apparaissent des décalages verticaux et horizontaux qui améliorent la circulation du regard.

L’ARTICLE EST DEVENU LA VRAIE PAGE D’ACCUEIL DES SITES

Au niveau de l’article, de gros progrès d’ergonomie ont été effectués, notamment sur la lisibilité des textes avec des polices plus grandes, un interlignage et interlettrage plus grands, des polices à l’empattement légèrement plus fort (je sais, je dois d’ailleurs revoir les CSS de ce site !! Dès que j’ai un peu de temps, promis). Sauf les titres qui deviennent immenses et très gras, ce qui montre l’importance qu’ils ont pris chez le lecteur. La logique du “stop ou encore” est plus que jamais d’actualité. Je ne poursuis ma lecture si le premier niveau (le titre) m’a convaincu. Chaque étape doit être accrocheuse (titre, chapô, texte) et de nombreuses relances doivent être proposées : intertitres, photos, infographies…

L’article est devenu le point d’entrée principal des lecteurs que ce soit par la recherche ou via les réseaux sociaux, donc il est devenu crucial de maximiser les recirculations à partir de lui. D’où la navigation infinie qui propose un maximum de contenus du site via le chargement automatique des pages au défilement de la molette. Le clic est en train de mourir doucement, car il est devenu trop cher pour le lecteur : cet investissement de temps de plus en plus rare, sera-t-il rentabilisé ? Au moindre doute, on ne clique pas.

  • D’où l’importance de ne pas dévaluer le clic en abusant des accroches décevantes.
  • D’où la nécessité de privilégier la vitesse de chargement des pages à leur esthétisme. Avec l’augmentation des débits,certains sites retombent dans les erreurs originelles avec des interfaces chargées de lourds visuels, scripts pub et autres traqueurs de stats qui allongent les temps de chargement et font fuir massivement les internautes.
  • D’où la nécessité d’expliquer le mieux possible au plan éditorial quel sera le bénéfice lecteur, dans le titrage, dans la formulation des liens, dans les légendes des infographies etc.

 

Les titres “teasers” et partiellement énigmatiques se montrent efficaces sur les réseaux sociaux où l’on est déjà présents pour y suivre la vie de sa tribu.  Cette technique fonctionne aussi sur les pages d’accueil comme Yahoo, où l’on est obligé de passer pour aller consulter ses e-mails. Mais, à moins d’avoir une stratégie de diffusion entièrement dédiée aux réseaux sociaux et des contenus qui s’y prêtent : émotionnels, polémiques, ludiques… il vaut mieux rester sur l’informatif.

D’ailleurs, attention, car Facebook a annoncé récemment qu’il allait sanctionner les titrages racoleursqui se montrent décevants pour le lecteur (Facebook va calculer le temps passé sur l’article et le comparer au taux de clic).

 AERATION, RESPIRATION, EXPERIENCE DE LECTURE… POUR MONETISER

Les textes offrent désormais de larges réserves de blanc sur les côtés, à l’image de la fonction “zen” réservée aux abonnés payants du monde.fr. Ils s’inspirent de ce point de vue de l’expérience de lecture agréable d’applications en ligne comme Pocket. Un confort de lecture souvent oublié par les titres en ligne, comme le rappelle Elie Chevignard :

Il s’agit de fidéliser le lecteur mais aussi d’augmenter le temps passé ou le nombre de pages vues sur le site. Une donnée qualitative qu’on espère bien pouvoir monétiser bientôt, comme l’espèrent Chartbeat, le Financial Times ou The Economist.

Avec le HTML 5, d’ailleurs récemment validé officiellement par le W3C (après quatre ans d’usage par les sites !), les sites média prennent de plus en plus l’apparence d’applications et le désir de monétisation n’y est sans doute pas étranger.

Il faut s’éloigner au maximum de l’apparence classique des sites web qui signifient gratuité pour aller chercher une apparence d’application ou de logiciel pour lesquels les utilisateurs ont été habitués dès l’origine à payer. Les médias qui vendent un abonnement ou proposent un Paywall, tels Les Echos – mettent l’accent sur ce ressort psychologique.

L’usage de visuels immenses particulièrement soignés sert également ce dessein, à l’image des formats longs en parallaxe, qui se développent sur le web à l’Equipe ou encore à France TV.

TRUFFER DE BOUTONS DE PARTAGE NE SERT A RIEN, SI LE CONTENU N’EST PAS VIRAL

Là encore, le principe de l’accès en premier niveau se généralise. Fini les boutons accessibles par menus déroulant en roll-over. De plus en plus, on affiche les boutons en dur, quitte à faire des choix : la logique du “moins, mais mieux” s’impose (et de manière générale sur les contenus d’ailleurs).

Les éditeurs n’hésitent pas à proposer ces boutons de partage à plusieurs niveaux : avant et après l’article, voire de manière continue, grâce à des boutons “magnétiques” qui suivent le défilement vertical via la molette de la souris (ou le doigt sur tablette/smartphone).

Nous ne sommes pas tous faits de la même eau et n’avons pas tous les mêmes motivations. Certains ne partagent pas un article avant de l’avoir lu, d’autres partagent mais ne lisent pas (la majorité sur Twitter semble-t-il). Il faut donc prévoir plusieurs modes d’accès : ceinture ET bretelles. Et ce principe est valable pour l’usage des liens qui devront se trouver sur le titre, l’image et dans le texte, pour maximiser les taux de clic.

La course à la puissance justifie qu’on maximise la diffusion à tous les niveaux, quitte à laisser réexploiter ses propres contenus (mais en gardant au moins une page vue). Des sites américains comme Techcrunch favorisent ainsi le reblog automatique de ses articles sur WordPress par un simple clic. Les sites médias s’ouvrent ainsi à la logique des contenus socialisés qui ont fait le succès de Tumbr.com et Medium.com.

Attention toutefois : multiplier les boutons de partage ne sert à rien si le contenu n’est pas viral par nature. Le design sert avant tout une ligne éditoriale, ce n’est pas fait pour “faire joli” et cela ne compensera pas un contenu faible.

FORMATS COURTS OU TRES LONGS : LE TIEDE SE MEURT

Parallèlement aux formats longs, se multiplient les propositions éditoriales et graphiques de synthèse : New York Times Now, Brief.me… C’est l’entre-deux qui tend à disparaître : les articles trop bavards qui n’apportent pas assez d’information (mais s’échinent à préserver ces fameux 1200 signes prétendument requis par Google pour obtenir une bonne note SEO).

Une fois de plus se confirme le besoin fort des utilisateurs de gagner du temps, d’aller à l’essentiel, d’être efficace. Il y a là un grand enjeu pour les médias de parvenir à servir correctement ce besoin du lecteur. Et de réussir à concilier un format à la fois accessible et suffisamment profond.

C’est un équilibre délicat qui demande une maîtrise parfaite du sujet mais aussi de bien connaître la cible à laquelle on s’adresse : ce qui est simpliste pour les uns peut se révéler ardu pour les autres. Il faudra faire un choix, car, à vouloir plaire à tout le monde, on est sûr de ne satisfaire personne. Par ailleurs, quand il ne s’agit pas de gagner du temps, le lecteur souhaite au moins visualiser l’investissement temps qu’on lui demande. C’est le rôle de la barre de progression sur les articles de Slate, comme le note justement Alexandre Dubuisson.

 

A MACHINE AU SECOURS DE LA PERSONNALISATION

C’est sans doute de ce côté qu’il y a le plus attendre en terme de design sur le fond et la forme. Les algorithmes promettent de réussir cette promesse, ratée jusque-là, de la personnalisation de l’information. Depuis 20 ans, on propose aux internautes des interfaces où chacun peut choisir lui-même les infos qu’il veut recevoir. C’est le principe même de Twitter, lequel échoue à convaincre les masses pour cette même raison, d’où son intérêt récent pour les algorithmes.

Non, madame Michu n’a ni le temps, ni l’envie, ni la compétence pour effectuer ce tri en amont. En revanche, si la machine peut faire ce tri pour elle, sans effort, alors là, c’est très différent. C’est ce qui fait le succès de Netflix ou Facebook.

La technologie nous promet de gros progrès en nous permettant de recevoir automatiquement ce qui nous plaît le plus (par l’analyse de ce que l’on clique et du temps passé sur les contenus). Ou de ce qui plaît le plus à nos amis (fonction de socialisation qui fait le succès de Facebook et qu’a ajoutée Deezer, pour ne citer que lui). Mieux, le mobile permet déjà de nous servir les bons contenus au bon endroit, au bon moment grâce à la géolocalisation et la temporalisation (le matin, c’est l’info de socialisation, le soir plus de divertissement ou de découverte par exemple.)

Le design de demain permettra peut-être justement d’en finir avec le design, comme les cookies menacent les “règles du référencement”. Mais l’enjeu de cette personnalisation sera aussi et surtout d’éviter l’écueil de l’enfermement en proposant toujours de la découverte, de l’aléatoire, de la sérendipité. La recherche d’efficacité ne doit pas conduire au rétrécissement de nos vues, comme la recherche qui a commencé à tuer le cyber-flâneur.

cyrille frankCyrille Frank est journaliste. Co-fondateur de Askmedia (dataviz, infographies pour Le Parisien Magazine, Paris Match… ).

Il est aussi formateur aux techniques rédactionnelles plurimédia, au marketing éditorial et au data-journalisme ainsi que consultant en stratégie éditoriale (augmentation de trafic, fidélisation, monétisation d’audience) et en usages des réseaux sociaux (acquisition de trafic, engagement…).

Retrouvez Cyrille Frank :

 

Crédit photo: Fotolia, banque d’images, vecteurs et videos libres de droits
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9 commentaires

  1. Un très bon article et un point de vu que je partage utilisant le HTML5 et le Responsive Design depuis leur balbutiement ;) Par ailleurs le Parallax Design est très joli et dynamique, je le recommande !

    1. Merci Francis !

      Oui le parallaxe est visuellement sympa. Attention toutefois à ne pas trop allonger les temps de chargement et à préserver la qualité éditoriale. L’emballage ne suffit pas à faire acheter le biscuit :)

      1. parallaxe en terme d’utilisation c’est pas pratique on a aucun contenu pour une page super marketing ça correspond à certains besoin on va dire… mais on perd pour moi plus qu’on gagne peut être moins sur des périphériques portable mais sur pc ça sent plutot la pauvreté de contenu derrière ou peut être vous avez des exemples concret pratique de parallaxe pour un site de contenu pas un site marketing de film ^^

        pareil dans les nouveaux concepts perso, je trouve il y a souvent à en jeter par exemple gizmodo, leur nouvelle version est juste infâme sur un écran d’ordinateur.. c’est ioli ect mais en réalité c’est tout sauf pratique sur un écran d’ordinateur..

        1. Bonjour lecon,

          Tout dépend des contenus servis, de la qualité des photos, des animations, de l’histoire elle-même ! Le format aussi moderne soit-il ne remplace pas le fond, je suis bien d’accord… L’Equipe Explore fait des choses jolies et pertinentes, je trouve http://www.lequipe.fr/explore/la-data-revolution/

          Mais parfois, en effet, rien ne vaut un article simple en mode texte…

          Merci pour votre commentaire ^^

  2. Des tendances de fond en effet. Pour ce qui concerne les boutons de partage, c’est vrai que ce n’est pas toujours simple. De notre coté, on a fait le choix des positionnements haut et bas d’article + magnétique. Il faut que je fasse le suivi pour le positionnement latéral, mais pour haut et bas, la répartition est respectivement 1/3 – 2/3. Cela reste le minimum à mon humble avis. Merci pour cet article en tous cas.

  3. Le contenu est devenu primordiale pour attirer les internautes, mais également pour le référencement naturel. Google valorise à la fois la notoriété d’un site Internet, mais également la qualité de se site selon différents critères. J’ai également remarqué également que le Web devenait de plus en plus accessible. Il existe des solutions pour avoir un site presque gratuitement comme sur la plateforme Wix (http://fr.wix.com/). Bon c’est vrai, pour le coup cela nécessite un minimum de savoir sur le Web.
    Sinon, il existe aussi la location de site Internet. L’agence Wikileet le propose (http://wikileet.fr/) et c’est également accessible à tous.
    Bientôt, tous le monde possédera un site à son nom, à l’instar d’un blog.

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