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Food Reporter, le réseau social de la photo gourmande

Prendre une photo d’un bon petit plat et la partager sur les réseaux sociaux est un véritable phénomène de société puisqu’on parle d’1 milliard de clichés échangés chaque mois dans le monde !

Food Reporter surfe depuis quelques mois sur cette vague et se présente comme un « photo guide social localisé ». Les photos sont réalisées aussi bien à la maison qu’au restaurant et sont enrichies de critiques de leurs auteurs puis de commentaires des visiteurs. Grâce à la localisation, le site propose une base de données de plus en plus pertinente pour découvrir à proximité un bon hamburger ou les meilleurs sushis. Il est même possible de réserver directement sa table via le système d’affiliation de La Fourchette.

Food Reporter travaille en ce moment aux côtés d’une sociologue à une étude (à lire ci-dessous) de cette nouvelle tendance lourde de la « Foodtography » et lance aujourd’hui une nouvelle version de son site. Son application iPhone a déjà été téléchargée plus de 60 000 fois. Des versions Android et Windows Phone sont annoncées pour le mois de juillet.

Entretien avec Cyril Benhamou, CEO de Food Reporter.

Food Reporter ou l’expression de la Foodtographie

Frédérique Giraud, Monitrice en sociologie à l’Ecole normale Sup Lettres et Sciences Humaines, Lyon

Les Français, qui avaient mis de côté pendant un temps les conseils et les recettes de grand-mère, se ruent sur les nouveaux modes de transmission du savoir-culinaire. S’imposant de façon massive comme une technologie multiforme de communication interpersonnelle, Internet bouleverse les habitudes culinaires de chacun.

I. Le besoin de partager ses aventures culinaires

Le lien intrinsèque à la blogosphère, à la culture internet et aux réseaux sociaux

Les interprétations du développement des pratiques de blogging insistent sur la dimension individualiste de cette forme inédite d’expression publique en la rattachant à diverses manifestations d’exacerbation de la sensibilité à soi et de quête de reconnaissance publique. A cette dimension d’affirmation de soi se greffe une dynamique relationnelle. La production de soi en ligne est indissociable d’une exigence communicationnelle, d’échanges et de dialogues avec des tiers.

Véritable support de l’identité personnelle, le réseau social permet de se définir dans ses cercles d’amis. Les activités en ligne sont des prolongements du soi, qui permettent de se représenter et de contribuer ainsi à une estime subjective de soi. Les réseaux relationnels sont devenus des opérateurs centraux de l’existence et de la visibilité des individus.

Les réseaux relationnels sont devenus des opérateurs centraux de l’existence et de la visibilité des individus. Les goûts, les textes, les photos ou les vidéos que l’on aime ou que l’on a faites constituent de puissants instruments de reconnaissance et d’affiliation aux autres. Les petites phrases de commentaires, les photos postées permettent la mise en récit de soi.

Les utilisateurs s’habituent rapidement à utiliser les fonctionnalités sociales du site, et se prennent au jeu des formes d’« amitié » et de notoriété proposées par Food reporter : ensemble par affinités culinaires, ils peuvent partir à la recherche du meilleur tournedos…

Découvreurs culinaires : Food Reporter est le lieu de la construction et de l’objectivation d’un capital social et culinaire

Sur le mode de la cuisine passion, les foodphotographes rendent la cuisine esthétique et utilisent la photo pour mettre en avant leurs talents culinaires ou leurs compétences de ‘découvreurs’.

Le dispositif même de Food Reporter, en affichant des indicateurs publics en nombre de « miams », de suiveurs incite les membres à poursuivre leur activité et à se soucier de leur propre notoriété, matérialisée publiquement par quelques chiffres : nombre de miams, nombre de commentaires, nombre d’abonnés, nombre de plats.

Quand il s’agit d’apparaître comme un « expert » des restaurants, les Food Reporters mettent également en valeur leur compétence photographique. Pour conseiller un plat ou un restaurant, l’image est importante. Elle doit être alléchante. Il en est de même si l’on prend en photo un plat confectionné par ses soins. La photo doit permettre aux autres personnes d’imaginer le plat, sa texture. Le cadre de la photo, la présentation du plat sont très importantes. C’est pourquoi nous pouvons parler d’esthétisation de la cuisine. Il ne manque que l’odeur !

Les Food Reporters sont à la recherche d’un capital symbolique/social basé sur la compétence à découvrir des bons restaurants, des bonnes adresses. Cette tendance est indissociable de la participation à une consommation de masse, dont le premier élément est l’utilisation d’un téléphone portable nouvelle génération.

Qui sont les Food Reporters ?

Les statistiques d’utilisation laissent apparaître une légère sur-représentation féminine. Sur la page Facebook 52% des utilisateurs sont des femmes et 22% ont entre 18 et 24 ans. Il faut voir que cette sur-représentation des jeunes illustre surtout leur forte présence dans les réseaux sociaux.

Food Reporter permet de présenter soit un plat fait maison, soit un plat servi au restaurant. Ces deux usages traduisent deux profils d’utilisateurs distincts.

Food Reporter au restaurant
L’utilisation de Food Reporter comme un moyen de faire découvrir des restaurants correspond d’abord à un mode de vie particulier qui semble convenir particulièrement aux jeunes adultes, urbains, diplômés, familiers de l’informatique, mêlant célibat et vie sociale active. Le 1/3 des Food Reporters sont parisiens. Leur sociabilité est d’abord festive et s’exporte sur les réseaux sociaux : ceux-ci sont un prolongement et une continuation de leur sociabilité. Les réseaux sociaux constituent pour eux une mémoire virtuelle, mais participent également d’une véritable stratégie de présentation de soi.

Food Reporter-maison : qui sont-elles ?
Les Food Reporter « maison » sont quant à elles plus âgées, et sont nombreuses à être femmes au foyer. Les plus actives d’entre elles ont plus de 55 ans. Il semble que la Foodtographie-maison permet d’abord aux femmes de valoriser des activités culinaires traditionnellement passées sous silence. Le bon petit plat confectionné pour sa famille sort du silence et traduit le besoin de reconnaissance d’une compétence culinaire. Pourtant, les hommes manifestent aussi le souci de se faire reconnaître comme des « chefs » : on doit voir là un phénomène nouveau parallèle à la montée des émissions type « Un dîner presque parfait » qui valorisent la cuisine comme un lieu d’épanouissement personnel aussi bien masculin, que féminin.

Cette émission en particulier façonne des attentes tant gustatives, que de mises en scène. L’importance accordée à l’ambiance du repas, à la décoration, à la présentation des plats conduisent les acteurs à modifier leurs pratiques. Aujourd’hui, pour être « bonne », la cuisine se doit d’être belle. L’utilisation de la photographie amplifie ce phénomène. L’utilisation de l’appareil photo, qui devient un ustensile de cuisine, au même titre que la casserole, le fouet ou la sauteuse, ne va pas sans mise en scène.

Parce que l’offre en matière culinaire est abondante, les consommateurs ont besoin de se faire aiguiller dans leurs choix. Ce rôle, autrefois dévolu, à nos amis, parents, mais surtout aux guides culinaires comme le Michelin, le Guide Pudlo ou encore le Guide du Routard, est aujourd’hui déporté sur le net. De nombreux sites sont en effet dédiés à la notation des restaurants.
De ce point de vue, Food Reporter répond à une attente et à un besoin : il permet de partager des avis sur des bons plats, des bonnes adresses…. Le consommateur se fait aider dans ses choix, à la fois pour être sûr de faire le bon et pour se rassurer en s’appuyant sur des expériences déjà vécues par ses proches.

II. La quête du « bon» produit

Le «  bon petit plat », un produit singulier
Nous pensons que les produits culinaires peuvent être considérés comme des «produits singuliers». Lucien Karpik, Professeur à l’Ecole des Mines, a développé une théorie économique des biens qu’il appelle « singuliers ». Ils ne répondent pas à une analyse classique de l’offre et de la demande, car ils ont des propriétés qui les différencient. Ils sont caractérisés par des constellations de qualités ou de dimensions : tels sont bien les « plats » que l’on mange au restaurant. Ils échappent à toute hiérarchie objective car aucun point de vue ne s’impose irrésistiblement à tous, et aucun accord unanime n’existe sur le classement.

Avec l’alimentation, et en particulier, la recherche du meilleur pain au chocolat, œuf mimosa ou tout autre chose, le consommateur recherche un «bon» produit singulier, singulier au sens où chaque consommateur va définir le « bon» à sa manière. C’est par le recours informel aux renseignements dont disposent les relations personnelles – amis, camarades, membres de la famille, mais aussi plus largement le réseau virtuel – qui chacun choisit désormais un restaurant, un plat, ….

Si jusqu’à présent, ces dispositifs pouvaient être représentés par des guides papier, comment Internet change-t-il la donne ?

Les Food Reporters, nouveaux experts gastronomiques ?

Dans le domaine du jugement culinaire, on attend d’un guide qu’il soit réactif, actualisé. C’est là tout l’enjeu de Food Reporter selon les utilisateurs de l’application : la photo permet de matérialiser, d’incarner ce qu’est « un bon plat ». La photo permet mieux qu’un descriptif de dissiper l’opacité du marché. Donnant à voir, elle permet de dissiper l’incertitude qui règne toujours en matière d’alimentation. Mais elle permet aussi de se souvenir. Le souvenir gustatif est ainsi matérialisé : une photo, une note, un lieu et des appréciations d’autres personnes

Attirés vers Food Reporter par leur enthousiasme pour l’art culinaire et leur désir de le partager avec autrui, les utilisateurs de la plateforme représentent une nouvelle forme d’intermédiaires, à la fois consommateurs mais aussi producteurs de la culture culinaire, qui souligne, à l’heure de « l’ère de l’information » une redistribution des pouvoirs au sein de la société contemporaine en réseaux. Parlant de leurs trouvailles et de leurs recherches, affichant leur statut de consommateurs-éclairés, ils participent à la production symbolique de la « bonne cuisine », relayant, voire concurrençant les critiques établis et autres intermédiaires culinaires traditionnels.

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