Benoit RaphaelBusinessLes ExpertsMedia

Le bilan de Hugo Travers, 19 ans, YouTubeur de la campagne présidentielle

Il a suivi la présidentielle pour des dizaines de milliers de jeunes sur Youtube. Je lui ai demandé comment il avait vécu la campagne et ce qu’il avait pensé de son traitement par les médias traditionnels.

Hier j’ai croisé Hugo Travers à l’occasion de la réunion du jury de «Reporters d’Espoir», dont nous faisons partie tous les deux (très belle initiative au passage). J’en ai profité pour discuter un peu avec lui. Après cette campagne présidentielle folle dont tous les médias vont sortir complètement assommés, j’avais envie de connaître les impressions de ce jeune Youtubeur de 19 ans, dont c’était la première élection présidentielle. Enfin, première, façon de parler: 2012, il n’avait que 14 ans, mais il se passionnait déjà pour les médias. Il avait créé «Radio Londres», média citoyen pour les jeunes et sur la politique.

Pour sa première élection en tant que «citoyen majeur», donc, Hugo est passé un cran au dessus. Youtube, Snapchat, Twitter et même télévision.

Sa chaîne Youtube, «Hugo décrypte», affiche aujourd’hui 143.000 abonnés. C’est moins que Norman, mais c’est plutôt très bien, presque le double du mois de septembre.

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Au pays des adultes, Hugo a fait pas mal parler de lui aussi. D’abord parce qu’il a lancé sur sa chaîne une série d’interviews des candidats, à sa façon. Mais surtout parce que LCI lui a proposé un partenariat pour diffuser ses vidéos à l’antenne. Le passage sur LCI ne lui a rapporté aucun abonné, normal, mais il lui a permis de jouer le «jeune» de service pour la télévision.

Ce qui est intéressant dans la démarche de Hugo, c’est qu’il aurait pu faire ce qu’un patron de média attendrait normalement du traitement de l’élection par un jeune sur Internet: qu’il fasse des vidéos marrantes avec des smileys partout en se foutant de la gueule des candidats. En fait, Hugo a fait tout le contraire.

D’ailleurs, quand je lui demande ce qu’il a pensé de la campagne. La première chose qu’il répond, c’est: «je reste quand même sur ma faim. On a très peu parlé du fond.»

Ça pourrait paraître un discours de circonstance, mais pas vraiment. «J’ai eu plus de demandes d’internautes pour du décryptage que pour des polémiques. D’ailleurs ce sont ces vidéos qui ont le mieux marché.» Comme celle sur le programme d’Emmanuel Macron, vue plus de 280.000 fois.

Tout fout le camp, disait Finkielkraut, les jeunes font dans le simplisme et le mimétisme. En fait, Alain, c’est peut-être plutôt le contraire, en tout cas pour les 140.000 jeunes qui ont suivi les vidéos de Hugo. «Beaucoup de jeunes veulent aller à l’essentiel. Ils sont dégoûtés des politiques, mais prennent la politique au sérieux. Moi j’ai vu des jeunes de 12–13 ans se passionner pour la campagne.»

Autre parti-pris de Hugo: l’objectivité et la transparence. Parler du fond, sans juger, même du FN, pour laisser son audience se faire son opinion par elle-même. «C’était une vraie demande. A chaque fois que je pouvais donner l’impression de prendre parti, on me le reprochait aussitôt dans les commentaires.» A chaque fois, Hugo explique sa volonté d’objectivité absolue à son audience. Et ça marche. Et comme il ne représentait que lui-même et pas un groupe média, c’était plus facile de lui faire confiance. Comme pour les politiques, «il y a une vraie défiance envers les médias traditionnels.»

Que faire alors? Pour les politiques, Hugo ne sait pas trop, mais pour les médias, il a son idée. «Il faut changer le traitement de la politique par les médias. Cette année c’était vraiment frustrant. Il faut plus de fond. C’est faux de dire que parler du fond c’est chiant. C’est aussi ce qu’on attend.»

Pour Hugo, qui a aussi vu un peu l’envers du décor, «les médias ont du mal à faire ce pas. C’est difficile pour eux de sortir de leurs vieux réflexes.» Et comme la télévision est vue en majorité par des «vieux», ça ne les aide pas à changer. «Pour beaucoup de jeunes, la télévision n’est plus le média naturel pour s’informer.» Le problème c’est que «les télévisions, même quand elles vont sur YouTube ou sur Facebook, elles ont du mal à faire autre chose que de la télé.» On dit que les jeunes s’abstiennent plus que les autres, mais il faudrait peut-être comprendre pourquoi.

Comment changer ça? «Bah, il faudrait qu’ils demandent aux jeunes de proposer des formats et des nouvelles approches.»

La soirée électorale du premier tour, Hugo a choisi de la faire sur sa chaîne plutôt qu’à la télé. Plus d’audience. Et d’audience jeune surtout. Un live de 15h à minuit sur YouTube. Plus de 170.000 vidéo-spectateurs. Mais surtout un traitement différent. Autour de la table, que des jeunes ou des YouTubeurs. On y parle du fond, mais aussi de la façon dont les candidats ont mené leur campagne, notamment sur les réseaux. Et, surtout, «on a misé à fond sur l’interactivité.» Toutes les 5 minutes, dans le chat, Hugo posait une question aux internautes. Plus de 1000 réponses toutes les cinq minutes. Les résultats étaient donnés en temps réel. «Ils ne le faisaient pas forcément pour passer à l’antenne, mais plus pour participer. Il y a une grande envie de participer.»

Participer, aller au fond. Quelques leçons à retenir de cette campagne politico-médiatique assommante dont on sait à l’avance, quel que soit le résultat, que l’on se réveillera au lendemain du deuxième tour avec une grosse gueule de bois. Et le sentiment de ne pas tout avoir saisi.

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Après la campagne, Hugo va partir à l’étranger, dans le cadre de ses études à Sciences-Po. Comme un appel d’air. Ou une suite logique. Un nouveau projet à suivre…

benoitraphaelBenoît Raphaël est expert en innovation digitale et média, blogueur et entrepreneur.

Il est à l'origine de nombreux médias à succès sur Internet: Le Post.fr (groupe Le Monde), Le Plus de l'Obs, Le Lab d'Europe 1.

Benoît est également cofondateur de Trendsboard et du média robot Flint.

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