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Les académies digitales sont-elles des gadgets?

Depuis quelques années, les académies digitales se fleurissent dans les entreprises. Mais à quoi sert une académie digitale? Préfigurent-elles futur de la formation? Ou sont-elles des gadgets camouflés derrière un vernis pédagogique?

Le grand comeback de la formation

Historiquement, la formation n’est pas la première des préoccupations du top management des entreprises. Trop rares sont les groupes à considérer la formation non pas comme un coût fixe lié à une obligation légale, mais comme un investissement dans le développement des talents, ou comme un enjeu sociétal inhérent à leur rôle.

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L’obsolescence des compétences induite par le digital redonne à la formation une place stratégique. Des pans entiers de l’économie sont confrontés à la robotisation ou à la transformation des métiers. Un responsable de call-center ne travaille plus comme avant avec les chatbots; un actuaire doit se former à la data science; un formateur doit apprendre à gérer des Moocs; un intérimaire doit apprendre à utiliser des plateformes de jobbing; un commercial doit générer des prospects via LinkedIn.

Anticipant l’évolution de nombreux métiers, et dans certains cas leur disparition, les entreprises mettent en place des plans de formation et de mobilité massifs. Une directrice marketing d’un grand groupe me disait par exemple qu’elle avait nommé un plan de formation sur la publicité programmatique «Change or Die», ce qui a le mérite d’être assez clair.

Juste une question de lexique?

Le monde de la formation souffre malheureusement d’une image poussiéreuse et un peu anachronique. Les modules e-learning ressemblent encore trop souvent à des dessins animés pour enfants découpés en longues sessions de vingt minutes. Les codes du digital (instantanéité, partage, plateformes orientées utilisateur fluides, authenticité, accès en deux clics) n’ont pas encore suffisamment percé dans l’univers de la formation professionnelle. Alors que le multicanal est une réalité dans la consommation, faire des formations multicanales reste très complexe.

Ce constat ouvre un boulevard pour les start-up edtech qui bousculent les acteurs historiques. Pour toucher leurs collaborateurs et leur donner envie de se former. les entreprises cherchent aujourd’hui des solutions nouvelles. Le fait que les académies digitales soient souvent sponsorisées par des CDO explique également le renouvellement de la pédagogie et du type d’acteurs sollicités. Les CDO ne connaissent pas forcément les acteurs du marché de la formation et se tournent vers ceux qu’ils estiment pertinents pour parler de digital.

Bien plus qu’un simple lifting de la formation, le terme d’académie digitale illustre bien cette envie de transformer l’acte d’apprendre. Les académies digitales sont en effet à mi-chemin entre la communication interne autour du digital, la préparation à la conduite du changement et la formation au sens strict du terme. Les silos s’estompent. En cela, elles préfigurent ce à quoi la formation de demain pourrait ressembler.

N’oublions pas que sur le forum d’un Mooc, tout le monde est à égalité, manager, dirigeant ou salarié. Ces nouveaux moyens de former bousculent les codes.

Comment monter une bonne académie digitale?

Après s’être mis d’accord sur la bataille des mots, parlons maintenant du fond. Les académies digitales n’ont pas forcément pour objectif de certifier des compétences, même si elles peuvent contenir des cycles de formation plus poussés pour certaines cibles; elles servent avant tout à démocratiser le digital pour réduire la fracture numérique.

En effet, pour former aux enjeux du numérique il faut avant tout provoquer une prise de conscience, un déclic. Il faut frapper fort et marquer les esprits. Les KPIs utilisés habituellement pour évaluer la performance d’une formation sont donc largement obsolètes: comment évaluer le niveau de prise de conscience via une analyse du temps de connexion des collaborateurs inscrits à un cours en ligne?

Les académies digitales bousculent les pratiques pédagogiques classiques: les vidéos, les défis, le social learning y sont plébiscités, complétés par des conférences, ateliers ou programmes de reverse mentoring. Clairement, l’académie digitale doit provoquer un effet waouw, pour exister dans l’entreprise et se différencier.

La GPEC est-elle has been?

Accrochez-vous! La GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et compétences ou workorce planning en Anglais) fait partie de ces termes barbares que personne ne connaît. Pourtant, la GPEC oriente chaque année des milliards d’euros d’investissement en formation. Vous n’y voyez toujours pas clair? Imaginez que votre médecin décide de ne pas remplacer son tensiomètre quand celui-ci est cassé et calcule votre tension à vue de nez.

La GPEC est aux DRH ce que le tensiomètre est aux médecins: un outil de diagnostic servant à prescrire des remèdes. En France, les entreprises doivent obligatoirement offrir une formation tous les deux ans à leurs salariés. Inutile de dire qu’avec une formation tous les deux ans, la moitié des Français risque d’être au chômage et inemployable assez rapidement.

C’est pourquoi, apprendre tout au long de la vie devient urgent; de plus en plus d’individus n’attendent plus le plan de formation annuel de leur entreprise mais s’auto-forment, notamment via des Moocs ou des conférences. La prise en charge de ces nouveaux formats de formation par les entreprises bouscule là encore les codes et les process classiques. Certaines académies digitales proposent donc de prendre en charge des places de conférences payantes, ou des certificats de Moocs, pour inciter les collaborateurs à s’ouvrir vers l’extérieur.

Pour illustrer ce phénomène, on peut effectuer un parallèle entre les métiers de la formation et ceux de l’IT. Considérés comme des fonctions support, non créatrices de valeur sur le bilan, ces deux métiers redeviennent stratégiques aujourd’hui. Mais la «legacy», les habitudes, la compliance les alourdit et freine leur capacité d’innovation.

Beaucoup d’entreprises font alors le choix de redévelopper en agile de nouvelles plateformes à côté de leur système informatique historique (le bon vieil ERP). Le phénomène du shadow IT montre lui aussi qu’un système parallèle se développe et déborde les entreprises.

Un peu comme le shadow IT, on assiste aujourd’hui au développement du «shadow learning». Les académies digitales existent à côté du plan de formation annuel. Elles contournent la «legacy» de la formation pour atteindre plus vite leurs objectifs.

Antoine AmielAntoine Amiel est le CEO de LearnAssembly, société spécialisée dans la conception de parcours de formation digitaux (Moocs, social learning, académies digitales). LearnAssembly a notamment co-produit avec Gilles Babinet le premier cours en ligne sur le pilotage de la transformation digitale.

 

 

Lire aussi: Transformation digitale: Faut-il uberiser la chaîne de commandement?

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Un commentaire

  1. Très bien écrit, bravo. La problématique, en effet, c’est la volonté de la part des dirigeants de proposer et surtout d’accompagner le changement (sur le long-terme). La technologie seule ne saura pas faire l’affaire. Sans sponsor engagé, au plus haut niveau, la formation restera le parent pauvre car, comme il a été dit, les activités générant du bénéfice, sont le plus souvent privilégiées. Quelle perspective à court-terme !

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