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Les mythes de l’entrepreneur: les sirènes des US

Je finis à l’occasion du CES 2016 un énième article vantant l’incroyable monde de la Net-Economie US, environnement ô combien merveilleux pour les entrepreneurs du monde entier – en comparaison avec la France, ce pays si terrible avec des réglementations d’un autre âge et des mentalités a priori encore plus rétrogrades.

A lire cet extrait de l’Encyclopédie du Désespoir Français (un best-seller depuis quelques années), rendez-vous compte : aux US, un entrepreneur à la liberté d’entreprendre, vit des journées incroyables en buvant latte sur latte avec des investisseurs tous plus enthousiastes, prêts à leur donner des millions pour sauver la planète – ou uniquement les rendre millionnaires avant leur 30 ans. A lire cet article, l’entrepreneur français lui, ne peut plus boire son petit noir au comptoir, vidé de son argent et de son temps par une administration sanguinaire et déprimé par un environnement sociétal si lourd. Je me suis moi-même senti mal. Vraiment. Et puis, j’ai eu envie d’être positif.

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Non pour défendre becs et ongles la France (je crois plus que l’Europe est mon pays, certainement une question d'âge) mais pour contrebalancer ces analyses de bas étage colportant des chimères toutes plus fausses et mensongères – qui plus est, toutes prophéties auto-réalisatrices qui ne vont aider en rien, à part la vente de Prozac.

Arrêtons d’être naïfs. Les Etats-Unis ne sont pas mieux, ils sont différents. Ce n’est pas parce que Marc Zuckerberg a pu lancer Facebook là bas, que n’importe qui peut faire pareil. Combien de déceptions, de faillites pour un Facebook US? Je dirai, autant qu’en France. Voir plus: la concurrence y est plus forte.

Vous savez, les rêves de gloire Outre-Atlantique des entrepreneurs français me font penser à tous ces gamins qui dans leur chambre rêvent d’aller à Hollywood et d’être le prochain Chris Pratt (vous ne connaissez pas? Certainement encore, une question d’âge). Tout semble facile, accessible et simple dans les magazines. Dans la réalité… combien de serveurs de latte défraichis pour une star mondiale? Pareil pour l’entrepreneuriat. Ici ou là-bas.

Arrêtons avec les rêves de succès facile, arrêtons de vouloir automatiquement transposer ce qui semble fonctionner aux US en France et surtout, arrêtons à la moindre difficulté d’incriminer la France. Trop facile et (le problème est là) pas digne d’un entrepreneur. Trop facile, de courir après les excuses pour protéger son ego. Trop idiot, de passer son temps à se plaindre, plutôt que d’adapter son produit/service/société au marché qui nous entoure.

Attention, je ne nie pas les dysfonctionnements français, mais je refuse de ne voir que les bons côtés américains uniquement pour enfoncer le vieux continent.

Créer sa société en France

Car la France est pour moi l’un des meilleurs pays au monde pour créer sa société. Compliqué, la création de start-up en France? Si un peu d’administratif vous inquiète, vous n’allez pas aimer gérer une société. Risqué de créer une start-up en France? Connaissez-vous beaucoup de pays dans le monde qui vous permettent (selon votre situation, mais bon nombre en ont profité ces dernières années) de créer votre société tout en touchant, de Pôle Emploi, des indemnités de créateur d’entreprise?

Compliqué de lever des fonds d’amorçage privés pour financer le début de votre aventure en France? Oui, c’est vrai. Surtout si vous êtes sur un produit de pure innovation, vous vous apercevrez que le Capital
Risque n’est pas vraiment une réalité en France. Comment faire? C’est là que la France devient un pays merveilleux pour l’entreprenariat car savez-vous qui, aujourd’hui, pallie à cette absence d’innovation capitalistique? L’Etat, en France, ma chère madame ! Via, notamment, BPI France, formidable outil… volontaire à financer le risque. Votre service fonctionne bien, vous voulez tenter votre chance à l’Etranger? La COFACE est là pour vous y aider.

Certains diront: assistés, je répondrai non, accompagné. Et sans vous demander de renier ce qui vous fait lever le matin: les rênes de votre société, et sa répartition capitalistique. Ce qui ne sera pas le cas d’un investisseur US… qui prendra beaucoup plus de place que vous ne le pensez.

Oui, les sirènes US sont fortes: tout semble possible. Je pense juste que l’écosystème n’est pas du tout le même: le système de capital risque aux US valorise plus le buzz que votre produit peut opérer que la valeur intrinsèque de votre produit. Je ne critique pas: ce sont les règles du jeu. Régulièrement donc, quelques élus voient leurs idées folles valorisées. Et régulièrement, ces idées folles disparaissent. J’avoue, c’est génial : cela peut faire émerger de vraies innovations. Attention tout de même au principe de la start-up jetable: ça ne marche pas, on fait autre chose, et on glorifie l’échec, comme étant passage obligé, l’épreuve qui fait de vous un homme.

Débile. Vous demanderez à un commandant de bord si un crash fait de lui un homme? L’échec, c’est quand on ne réussit pas. Rien de dramatique c’est sûr, mais de là à en tirer des vertus … 100% des boites qui ont du succès, ont du succès.

La bonne nouvelle avec ceci, est qu’en France: l’écosystème vous oblige à avoir un vrai bon produit, un vrai business model, et de vrais clients. Je trouve ça plus sain de courir derrière des clients, que derrière des investisseurs, pas vous? Ma dernière (toute jeune) start-up a deux ans, et elle va bien, merci. Elle a de vrais produits, un vrai business modèle, est rentable, et de superbes clients. Et oui, elle se développe aux US, car le marché est important, à l’instar de la Chine: mais elle y sera d’autant plus forte qu’elle aura été créée, en France.

Être entrepreneur, ce n’est pas rêver de faire. C’est faire ce dont vous rêvez. Et cela commence par comprendre et vous adapter à l’environnement qui vous entoure. Et je vous prie de me croire, l’environnement français n’est pas si mal. Aller, j’y retourne, mon café Latte made in France refroidit.

Paul-Louis-BelletantePaul-Louis BELLETANTE est le fondateur de la start up Betterise Health Tech (11 collaborateurs) fondée en 2014, qui propose des services digitaux d’accompagnement santé intelligents et personnalisés. Leur produit principal: Betterise.me.

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6 commentaires

  1. Merci mille fois pour ce témoignage plein de recul et objectif. Cela manque par les temps qui courent

  2. On est d’accord sur le fait qu’il faut arreter de toujours critiquer la France. J’ai géré un incubateur a Paris, je vis dans la Silicon Valley, j’ai vu les deux cotes. Aux USA, tu montes ta boite, tu ne recois rien de l’état, pas un centime. Pire: tu perds ton assurance maladie. Pas d’indemnités chômage non plus. Et pourtant beaucoup tentent l’aventure.

    En France, certes, on peut ramasser des sommes significatives auprès de partenaires semi-publics. Les sommes sont juste assez fortes pour qu’on ne veuille pas s’en passer. Mais soyons réalistes: les « juges » publics sont incapable de faire la difference entre une startup a potentiel et une boite de service sans intérêt. Ils ont un budget annuel a dépenser aux startups, et ils en donnent un peu a chacun. Donc oui, c’est plus facile pour les projets faibles de lever un peu d’argent, mais pour ce qui est d’accélérer les quelques projets qui peuvent vraiment exploser, il n’y a personne. Ce n’est pas une critique, c’est la situation actuelle. Ca a du pour et du contre.

  3. Très bonne analyse; j’adhère complètement à ce discours. Globalement n’importe quel marché aux US est en moyenne 10 fois plus gros que le marché français : il est donc logique de vouloir s’y développer, un jour. Mais la règle est simple et beaucoup de startups ou éditeurs de logiciels français se leurrent sur le sujet : un produit et modèle pourris en France seront aussi pourris aux US. Commençons donc par développer une offre et un parc client qui tiennent la route en France et Europe avant d’aller aux US ou ailleurs. Et si le marché domestique est en déclin, c’est peut-être parce que le produit l’est lui même. Et ce n’est pas une virée aux US qui va masquer ces défauts. Continuons à innover pour tous nos clients où qu’ils soient, et soyons tous bien conscients qu’il n’y a aucun autre pays comme la France qui aide autant les entrepreneurs à innover et se développer.

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