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Quand la génération Y prend le pouvoir sur les codes marketing de l’industrie du luxe

Le luxe est en train de connaître une nouvelle révolution. Entre l’avènement du digital, de nouvelles zones géographiques et l’arrivée de la Génération Y, le luxe ne se consomme plus de la même manière et les marques doivent absolument s’adapter à ces évolutions.

Avec une multiplication par 3 sur les 20 dernières années du nombre de consommateurs du luxe, le secteur du luxe est en croissance. Mais derrière ce chiffre se cache une réalité complexe à gérer pour les marques du secteur.

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Géographique d’abord, puisque cette croissance est principalement due aux « nouveaux » marchés comme la Chine (30% du marché global du luxe) ou le Brésil. Générationnelle ensuite, car les nouveaux consommateurs, qu’ils soient occidentaux, orientaux ou latins ont une relation au luxe très différente des précédentes. Pour les marques de luxe, il est donc essentiel d’évoluer avec cette nouvelle génération au risque de  se voir mise sur le banc de touche.

Pour mieux comprendre la relation que les « jeunes » entretiennent avec les marques de luxe, j’ai eu le plaisir de discuter avec Eric Briones, dît Darkplanneur, et auteur de « Génération Y et luxe ».

Je vous propose donc ici une retranscription de cette discussion.

Le luxe, c’est avant tout le pouvoir de dire « non »

Darkplanneur: L’idée que le luxe soit principalement lié au prix est répandue mais elle n’est pas précise. Il y a beaucoup d’éléments qui caractérisent une marque de luxe mais j’aime à me concentrer sur 3 : la rareté, le savoir-faire et le pouvoir de dire « non ».

Ce pouvoir de dire « non » s’exerce partout tout le temps dans les marques de luxe. Par exemple, une vraie marque de luxe fixe l’offre et n’adapte pas ses capacités de production à la demande.

C’est particulièrement vrai si cela peut nuire à la qualité du produit. Attention toutefois, ce pouvoir de dire « non » peut avoir des conséquences malheureuses…. Ainsi, on voit des marques qui disent « ne pas croire dans le digital », ou d’autres qui refusent de vendre en ligne…

La Génération Y : une génération de hacker

Darkplanneur: La génération Y est profondément différente de celle de ses parents (la génération X) pour de multiples raisons. J’aime à décrire la génération Y comme une communauté de hackers. Ce que j’entends par là, c’est qu’ils ont développé un art de détourner le sens originel des choses pour les mettre à leur service. C’est une manière pour eux de lutter, de se battre contre l’injustice ambiante car ils savent que le monde ne tourne pas vraiment rond.

On dénombre 9 grandes formes de hacking chez cette génération (narcissisme, prix, culpabilité…). Par exemple, avec le développement des réseaux sociaux et du concept répandu du « quart d’heure de célébrité », on a tendance à penser qu’il s’agit d’une génération très narcissique, pourtant, il ne s’agit pas d’une bonne clef de lecture.

Derrière cette façade, on trouve une fierté générationnelle avec un sentiment d’appartenance très fort que l’on peut symboliser par le « je, c’est nous » (Lea Fredeval – Les affamés). Ils veulent être source de fascination, ce qui est vraiment différent.

De la même manière, ils « hackent » la culpabilité, ils désirent le luxe qu’ils soient fortunés ou pas et ne supportent aucun jugement sur la question. Ils vont mixer les pièces passant du plus basique au plus cher dans une même tenue ou aller faire du shopping chez un hard discounter avec un sac hors de prix. Ils vont mettre en scène le luxe car cela leur permet de s’affirmer au monde mais ils vont systématiquement le tordre pour ne pas avoir l’air « bling bling ». Instagram fait alors office de juge de paix en fonction des likes et autres commentaires.

Le mauvais marketing a virusé l’industrie du luxe

Darkplanneur : la génération Y connaît tous les ressorts du marketing et de son écosystème, c’est bien plus difficile de la piéger. Or, la tendance du « Masstige » associée au non respect du consommateur a eu des conséquences fortement négatives dans le secteur du luxe. Quand tout prend une posture « Luxe » alors presque plus rien ne l’est.

Le « Masstige », est vécu comme une forme d’arnaque pour cette génération. Désormais la génération Y est méfiante  vis-à-vis des marques de luxe et les remet en question. D’un coté, les hommes challengent le rapport qualité prix et de l’autre, les femmes cherchent à faire des affaires (vente-privées, location, seconde main…).

Ces réflexes propres aux marques premium sont désormais déportés sur les marques de luxe. Parmi les plus connues, seules Chanel et Hermès sont considérées de manière différente car elles n’ont jamais commis d’accroc dans le contrat de confiance. Quand j’achète du luxe, cela doit être l’achat parfait, à contrario de la tendance « fast fashion ». Quelque part, acheter du luxe devient un acte militant en soi puisque c’est anti gaspillage.

La fascination comme clef de compréhension de la génération Y

Darkplanneur: Beaucoup de marques se sont érigées contre le digital et en particulier contre le web social, prétextant que la proximité n’était pas le propre des marques de luxe.
Ainsi, elles y sont allées à reculons et avec des usages impropres puisque par exemple la majorité d’entre elles ne suivent personne.

C’est une incompréhension des marques de luxe et un décalage par rapport à la génération Y. Elle ne doivent pas nécessairement être distantes, mais générer de la fascination. C’est ce que cherche à générer chaque personne quand elle publie sur les réseaux sociaux.

Dans ce cadre, les cas de Jonathan Anderson pour Lowe ou d’Olivier Rousteing pour Balmain sont particulièrement intéressants. Jonathan Anderson adore le digital parce qu’il lui permet justement de dialoguer avec un public plus large mais la condition posée est qu’il soit culte auprès de sa génération. Dans le cas d’Olivier Rousteing, il dit également aimer converser, aimer la pop culture pour ce qu’elle a de populaire…nous sommes loin de la distance que l’on prête au luxe.

Toutefois, il est intéressant qu’il considère la cliente Balmain comme une femme de pouvoir et qui, par conséquent, fascine elle aussi. Ce créateur n’a pas peur du web social puisque, comme il le dit lui même, il est né avec Facebook, Twitter et instagram, il lui semble donc totalement logique de les intégrer dans la stratégie de la marque.

Plus que cela d’ailleurs, il dit considérer Instagram plus puissant que les magazines.
D’ailleurs, c’est particulièrement intéressant de regarder le poids d’Instagram dans la réussite du renouveau de Balmain.

La marque a su également utiliser des figures fortes des réseaux sociaux, comme Kim Kardashian ou Rihanna, ce qui ne fait qu’amplifier la puissance de la marque sur ces réseaux. Au final, comme le remarque le journaliste dans l’interview, même si Balmain est une petite maison comparativement à d’autres marques,  la part de voix que la marque possède est immense et cela a un coût particulièrement réduit. D’une certaine manière, le digital a sauvé Balmain.

Les marques de luxe doivent vraiment s’intéresser à la génération Y

Darkplanneur : La relation aux publics que les marques de luxe  entretiennent avec leurs publics doit absolument évoluer. C’est assez effrayant de voir que pour beaucoup de jeunes créateurs, le concept de luxe est devenu caduc. Ils remettent totalement en cause le « luxe à papa » c’est-à-dire le luxe par le matériel qui représente un luxe mis sous cloche.

Aujourd’hui, ils valorisent beaucoup plus l’expérience, le temps ou l’espace. La nature dans une certaine mesure devient luxe également. Comme Olivier Rousteing, ils ont une compréhension plus large du luxe et nécessairement plus ouverte.

Le luxe en 2015 est principalement immatériel, il s’agit d’une vision expérientielle – vivre une expérience est potentiellement « luxe ». C’est généralement assez mal compris par les marques du secteur.

Après 60 conférences auprès de marques de luxe, j’ai eu l’occasion de discuter avec des « Y » qui restaient après l’intervention m’expliquant  « c’est terrible car je comprends toutes ces problématiques mais on ne m’écoute pas, je ne fais que du reporting ».

Si les marques de luxe sont prêtes à entendre le discours, la mise en place est plus fastidieuse. En réalité, les marques de luxe ont d’ores et déjà les ressources en interne pour relever le défi de la génération Y mais ils n’y prêtent quasiment aucune attention.

Ainsi, les jeunes ont très peu de pouvoir dans le secteur alors qu’ils devraient avoir un rôle moteur avec des managers pour canaliser et amener encore plus loin leurs réflexions. Encore beaucoup de chemin à parcourir donc…

pouy

Gréogory Casper, co-auteur, professeur à l’ISCOM.

Twitter : @GregoryCasper

Grégory Pouy est le fondateur de LaMercatique, un cabinet de conseil de transformation digitale axé sur la partie marketing. Basé entre New York et Paris, il est « expert » marketing pour Frenchweb.fr. Pour suivre ses écrits et échanger avec lui :

Son blog: http://www.gregorypouy.fr

Son compte sur Twitter: @gregfromparis

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