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[YallahBye] Les start-ups au Liban par Aline Mayard

Aline Mayard a lancé YallaBye.eu, un site qui suit le tour du Moyen-Orient qu’elle est en train d’effectuer. L’objectif : s’intéresser au changement et à la culture des différents pays. Les lecteurs peuvent aussi acheter des produits locaux qu’ils soient traditionnels ou branchés.

Ex-project manager online de la Fondation Casques Rouges puis Community Manager de Buzzcar, Aline profite de son voyage pour aller à la découverte des écosystèmes Internet locaux. FrenchWeb vous fera partager quelques-unes de ses rencontres. 1er épisode : Les start-ups au Liban. 

Est-il possible de monter une start-up dans un pays sans infrastructure digne de ce nom, un internet bancal, et le risque d’une guerre planant au dessus de sa tête ? Les Libanais ont envie de répondre oui.

Malgré une population parfaitement éduquée, fréquemment trilingue et globalement très innovante, le nombre de start-ups au Liban se comptait, jusqu’à peu, sur les doigts de la main. Il faut dire qu’en mars 2011, le Liban était classé 186ème pays en terme de rapidité d’internet, plus lent donc que des pays ravagés par la guerre comme l’Irak ou l’Afghanistan. Et il fallait compter un budget d’environ 1200$ par mois pour une connexion d’un Megabit ! A cela se rajoute les problèmes d’infrastructure : le pays connaît en moyenne 8 heures de coupures d’électricité,

Mais les choses changent : le gouvernement a fait passer une loi qui a permis d’améliorer la qualité et le prix des connexions internet et l’entrepreneuriat web and mobile prend forme. Les responsables de l’émergence de cette scène start-up : les cinq fondateurs de Seeqnce, le premier accélérateur libanais. Cet accélérateur s’attaque au problème à la source, en accompagnant les participants avant même qu’ils aient trouvé une idée et une équipe.

J’ai rencontré Maroun Najm, un des cinq fondateurs, dans les bureaux colorés de Seeqnce. Seeqnce sent bon le changement et l’esprit bon enfant. Mais, que l’on ne s’y trompe pas : le mot d’ordre est au travail. Les participants, qui ont en moyenne moins de trente ans, sont là pour créer quelque chose, pour changer le Liban. Pas de doute, il s’y passe quelque chose de grand.

Aline : Qu’est-ce que Seeqnce ?

Maroun : Seeqnce, c’est un accélérateur de start-ups. Seeqnce sélectionne 8 entreprises et les aide à créer une équipe et à monter un projet. En six mois, les projets doivent aboutir à un produit et à une entreprise. Après, les participants volent de leurs propres ailes.

Aline : Pourquoi avoir crée Seeqnce ?

Maroun : Parce qu’on avait envie de rester au Liban, et de montrer aux Libanais que c’était possible !

En 2008, il y avait très peu de start-ups web and mobile. Il y en a bien une qui a réussi à sortir du pays qui est Woopra.com.  Elie Khoury, le fondateur, a pitché son projet à des bloggeurs internationaux. Il y en a un qui a aimé et qui a investi. C’était le premier demi-succès libanais. Succès parce qu’il a réussi à monter une boite ; demi parce qu’elle était financée à l’étranger et qu’un an plus tard Elie Khoury a quitté le pays pour la Silicon Valley.

En fait, nous avons été les premiers à quitter nos jobs pour monter une boite, et à le faire au Liban. Ca se comprend, internet était abominable. Entre les prix prohibitif et la vitesse, on ne pouvait pas vraiment travailler. Aujourd’hui, cela va beaucoup mieux mais il y a toujours le problème d’électricité et on manque d’infrastructure, de sécurité. On est en retard d’environ 10 ans.

En plus de ça, les Libanais n’aiment pas le risque et il n’y a aucune structure qui leur permette de se lancer.  Au Liban, c’est bien vu de travailler dans une banque. Monter sa boite, par contre, n’a pas la côte. Ca se comprend, les grosses entreprises offrent des garanties fortes. Par exemple, certaines proposent une clause qui garantie un salaire pendant un an même si on ne peut plus travailler pour cause de guerre par exemple. Imagine, en tant qu’entrepreneur, en cas de guerre, tu perds ton salaire et ton investissement ! Tu perds presque tout.

Maintenant, avec le web et mobile, l’investissement n’est plus au Liban : on peut partir à l’étranger et continuer son activité. Ca diminue le risque.

Ce qu’on cherche à faire, c’est créer des success story pour mettre les Libanais en confiance et leur faire réaliser qu’ils n’ont pas besoin de partir à Paris. On essaie de leur prouver qu’on peut les accompagner et qu’ils peuvent lancer leur boite avec un investissement assez faible. Il ne s’agit que de 6 mois. Si ça ne marche pas, ça ne marche pas. Ils ne ratent pas toute leur vie.

Aline : Comment en êtes-vous arrivé à lancer Seeqnce ?

Maroun : Seeqnce a commencé quand j’ai rencontré d’autres entrepreneurs et qu’on s’est rendu compte qu’au lieu de bosser chacun sur nos propres projets, on pouvait partager un bureau et réduire nos coûts. Au début, c’était juste ça. Et puis, on a commencé à s’entraider en fonction de nos compétences. On en a tiré des bonnes pratiques et on a commencé à faire ce qu’on a appelé « des interventions ». Chaque semaine, on se retrouvait et chacun expliquait ses problèmes. Et puis, on a invité des gens pour avoir leur feedback. Au bout d’un moment, les gens ont commencé à nous dire, j’aime le concept, est-ce que je peux m’installer avec vous ? C’est là que tout a commencé.

On est parti de ces best practices pour tirer le programme qu’on propose maintenant.

Aline : Quel est l’intérêt de participer à Seeqnce ?

Maroun : Seeqnce offre non seulement une infrastructure (un espace ouvert 24/24 avec des salles de réunion, de travail etc, internet etc) et un accompagnement mais aussi un investissement de départ pour que ces participants puissent être à 100% sur leur projet. Pour ce cycle, il s’agit d’un investissement de 76 000$ (la moitié en liquide, l’autre en prestation) contre 30% des parts de l’entreprise finale.

L’accompagnement aussi n’est pas négligeable. En tout à nous cinq, on a cumulé une expérience de 15 boites. Du coup, on sait ce qui marche et ce qui ne marche pas parce qu’on est déjà passé par là. Nous, on est là pour dire aux participants ce qu’il ne faut pas faire. Ce qu’il faut faire par contre, c’est leur travail. C’est leur boite, c’est leur projet.

Aline : Qui sont les investisseurs au Liban ? Recevez-vous des aides ?

Maroun : Il s’agit de particuliers qui ont une certaine fortune et qui n’ont pas peur de prendre ce genre de risques pour  participer au développement du Liban.

Le gouvernement peine à assurer l’électricité 24/24 donc on n’est pas une priorité. Ils sont plutôt sympa mais ils ne peuvent pas vraiment nous aider.

Aline : Mais il doit bien y avoir des avantages à se lancer à Beyrouth ?

Maroun : Les jeunes ont de très bonnes formation et vivent chez leurs parents jusqu’à un certain âge donc ils n’ont pas vraiment besoin de se faire de l’argent tout de suite afin de payer leur loyer etc. Ca c’est positif. Mais, par contre, les familles s’opposent souvent à une telle prise de risque.

Sinon, en terme de particularités, le Liban n’est pas un marché. C’est un pays trop petit avec un pouvoir d’achat trop faible. Donc les start-ups libanaises pensent dès le début au marché régional ou global. On a même un start-up qui se concentre uniquement sur les Etats-Unis.

Aline : Où en êtes-vous de votre accélérateur ? Combien de start-ups ont déjà profité de votre aide ?

Maroun : Le projet a un an et demi. On a mis un an pour tout mettre en place : trouver l’espace, l’investisseur pour le local, trouver des investisseurs pour les projets, tester le programme sur des projets, faire la promotion du projet puis la sélection des membres.

En mai, on a commencé la sélection du premier cycle public, et le cycle à proprement parler a commencé en août avec un programme bien défini qui prendra fin en mars.

La sélection a duré 3 mois. On est passé de 450 personnes à 28 personnes.  Sur ces 450 personnes, 40% venait de l’étranger ! Pas mal d’Egypte, un peu d’Europe de l’Est et quelques uns des Etats-Unis. On a d’abord fait des entretiens personnels, puis des « mixers » pour que les gens se découvrent et voient s’ils pourraient travailler ensemble.

Le programme Seeqnce en 4 étapes :

1. Mise en place d’une large campagne de communication pour faire découvrir l’entrepreneuriat web & mobile et inviter les Libanais et étrangers à participer à la sélection, et ce même s’ils n’ont pas d’équipe ou de projet.

2. Organisation de challenges, ateliers et autres activités pour tous les candidats afin de les préparer à l’accélération.

3. Accompagnement des candidats pour qu’ils puissent construire des équipes autour d’un concept. A partir de là, Seeqnce sélectionne huit équipes qui pourront le plus apporter au programme.

4. Les 6 mois chez Seeqnce : aide à la création du produit et de l’entreprise, et préparation à la levée de fonds post-programme.

La prochaine sélection commence en avril. Tenez-vous prêt !

 

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