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Clic and Walk : RELAXÉE. PAS DE TRAVAIL DISSIMULÉ ! ou comment j’ai (sur)vécu à ces 2 dernières années…

Par Frederique Grigolato, CEO chez Clic and Walk

Ce sont mes mots, ceux d’une chef d’entreprise décidée à parler (enfin !)

J’ai (sur)vécu pendant 2 ans… « Sur vécu » car j’ai vécu 2 fois plus intensément qu’à l’ordinaire, l’enjeu était de taille : un procès et la légitimité de Clic and Walk . Ceci est mon témoignage.

L’histoire

Il y a 6 ans, j’ai fondée Clic and Walk.

Une start-up, lauréate de LMI et Réseau Entreprendre Nord, dont l’accélération a été financée ( 4,3 M d’€) par Bpifrance et 2 autres fonds d’investissement privés, Breega et CITA , au terme d’analyses économiques et juridiques de notre modèle.

Clic and Walk, start up reconnue en 2014 comme l’une des 10 start-ups les plus innovantes au monde par netexplo, observatoire de l’UNESCO et saluée par de nombreux autres prix.

La mission de Clic and Walk est d’animer une communauté de consommateurs, les ClicWalkers, qui, en contrepartie de quelques € peuvent collecter librement et en temps réel des données Terrain, en prenant des photos et en répondant à des questions, afin d’aider des sociétés à améliorer leurs prix, leurs services ou leurs produits.

Ex : En 48h, cette communauté peut collecter des informations dans 300 points de vente. Ce modèle innovant a été rapidement « copié », en France et à l’étranger et a inspiré d’autres modèles du genre.

En 2016, ma société, leader du marché du CrowdMarketing ®, présente dans 5 pays européenscomptait 35 salariés et plus de 350 000 utilisateurs de son application . Nous avions une centaine de clients, dont certains « prestigieux » avec lesquels nous avions signé des contrats mondiaux, les premiers du genre entre ces grands groupes et une start-up .

Le jour où tout bascule

Le 21 juin 2016 : 9h00tout bascule…

Ma société est perquisitionnée par une dizaine de gendarmes « armés » de l’OCLTI ( Office Central de Lutte contre le Travail dissimulé), au motif d’une suspicion de travail dissimulé entre 2015 et 2016 des 350.000 ClicWalkers.

Les gendarmes viennent de la région parisienne. Nous sommes basés à Roubaix. Je crois à une mauvaise plaisanterie, mais hélas ce n’en est pas une.

Le jour même, 8 de mes collaborateurs sont emmenés au poste de gendarmerie et sont auditionnés. Je le suis également, à 2 reprises.

Dans les mois qui suivent…

Mes clients sont à leur tour, convoqués et auditionnés, quelques-uns prennent peur et nous quittent : Certains contrats mondiaux sont rompus. Ils nous annoncent « ne plus vouloir travailler avec Clic and Walk » et s’adressent à d’autres start-ups , qui font « presque » la même chose que nous (mais qui, elles, ne sont pas inquiétées par la justice).

Certains concurrents en profitent pour nous faire une « jolie » réputation et nous désavouer. C’est facile d’enfoncer la tête de quelqu’un qui est déjà sous l’eau.

Heureusement, beaucoup de clients continuent à nous accorder leur confiance car nous leur rendons un service fiable et de qualité. Je les remercie tous les jours d’avoir cru en la légitimité de notre modèle.

Des ClicWalkers, surpris, sont convoqués et auditionnés, eux aussi… sans conséquence heureusement.

Mes collaborateurs, au contraire, sont effrayés… Certains quittent la société .

Mes actionnaires sont interloqués… Je le suis tout autant qu’eux.

Je me questionne : Mais qu’avons-nous fait pour mériter une telle attention ? Je suis sonnée.

Il n’y a pas eu de plainte

Pas de plainte de nos clients (Nous travaillons avec des marques, des distributeurs, des cabinets d’étude…), ni des ClicWalkers, ni même de l’Urssaf. La justice s’est auto saisie. C’est son droit.

Mon Combat

La suite : Entre 2016 et 2017, tout s’enchaine.

Contrôle CNIL, contrôle DGCCRF, contrôle URSSAF qui finissent par un redressement global de 1400 € ( Pour des conventions de stage mal rédigées …) et quelques recommandations.

Clic and Walk serait-il en règle ? C’est une évidence et d’ailleurs aucune interdiction d’exercer ne nous est opposée.

L’action en justice se poursuit. Je me bats, je lutte pour sauver ma boite et continuer à satisfaire mes clients, mes salariés et la communauté qui compte désormais plus de 500 000 utilisateurs.

L’anxiété est devenue ma compagne. Mais je suis certaine d’être dans le juste. La détermination devient ma meilleure alliée.

En 2017, je refuse de « négocier » avec le procureur qui me demande  de plaider coupable contre une peine allégée.  Non, nous ne sommes pas coupables. Oui, ce que nous faisons est juste.

Le procès au pénal

Le 29 mars 2018, le procès débute au tribunal correctionnel de Lille.

8 000 pages de dossier d’enquête dont une centaine concernent mes biens personnels et mes comptes bancaires…. J’imagine que le fait de posséder 2 voitures a dû être un sujet de suspicion : Ma Picasso de 12 ans et ma Corolla Verso de 10 ans sont des biens précieux.

Dans mon cas, ce sont mes biens les plus précieux puisque le reste, je l’ai investi dans Clic and Walk. Je n’ai pas d’économie.

Le procès : Mon équipe est présente, mes proches aussi.

2h d’interrogatoire par le président du tribunal, 4 heures de plaidoirie .

6 heures aux termes desquelles le procureur requiert à l’encontre de ma société, 10 000 € d’amende et 3000 € d’amende avec sursis pour moi.

Je m’interroge. Des centaines de milliers d’euros dépensés pour une enquête digne d’un grand criminel pour une réquisition aussi « symbolique ». Mais quel est le sujet au fait ?

Le sujet : Travail dissimulé ( Méthode « pour les nuls »)**

En résumé : Travail dissimulé = Faire travailler des gens sans contrat de travail. Pour qu’il y ait contrat de travail, il faut qu’il y ait un lien de subordination entre les 2 parties.

Le lien de subordination = Il n’y a pas de définition dans le code du travail mais des jurisprudences qui le caractérisent comme étant : « l’exécution d’un travail qui se fait sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements du salarié. »

Exemple ( à ne pas prendre au pied de la lettre, méthode « pour les nuls ») : « Je demande à mon voisin (à lui et pas à un autre) de garder mon chat et de le nourrir pendant 1 mois ( je pars en vacances*), pour la modique somme de 5€ par jour. Je lui fournis les croquettes et lui donne des instructions précises sur les horaires des repas et ce que mon chat doit manger matin, midi et soir . Bien sûr, je lui donne la clef de mon domicile et demande à mon voisin de noter ses entrées et sorties. En cas d’urgence, je lui laisse un numéro de téléphone pour me prévenir au cas où il ne pourrait pas honorer ses engagements (Certificat médical à l’appui)… Le mois se passe… je rentre de vacances…

Si mon voisin n’a pas donné à manger à mon chat, correctement comme je lui ai demandé et que je m’en aperçois après avoir contrôlé ses entrées et sorties de mon domicile, ET qu’à ce titre, j’ai le droit de le sanctionner en lui interdisant de venir prendre l’apéro chez moi pendant les 6 prochains mois, ET bien sûr en ne lui versant pas les euros promis, alors c’est un contrat de travail . Il y a un lien de subordination car j’ai donné des ordres, j’ai contrôlé l’exécution et j’ai sanctionné ** »

C’est donc de cela dont la société et moi étions « accusées ». Clic and Walk aurait eu 350 000 salariés entre 2015 et 2016

Je reste sans voix.

N.B : Je n’ai ni chat, ni voisin

* 1 mois de vacances est la preuve que cet exemple est de la pure fiction

** Je présente mes excuses à mes avocats et à tous les Hommes de lois pour cette parabole

Le délibéré : ON A GAGNÉ !

Le 24 mai 2018, le président du tribunal nous annonce que la société et moi-même sommes relaxées au motif, dit-il, qu’il n’existe pas de lien de subordination entre la société et les ClicWalkers.

Je fonds en larmes. 2 années de vie et de combat. Je félicite mon équipe d’avocats ( je leur fais de la pub, ils le méritent ) :

@Ingrid Chantrier et @Valentine Reberioux, du cabinet Proffit et Chantrier à Paris, @Arthur Millerand, et @Michel Leclerc du cabinet Parallel à Paris et @Anne Policella, du cabinet Policella et Coisne à Lille . Tous 3 sont convaincus de ma bonne foi et de la légitimité du modèle.

Je remercie le président. Il me conforte dans l’idée que la justice est juste et qu’il faut se battre pour ses droits. Que la justice existe et qu’il faut garder confiance, même si le combat a été rude.

Le modèle de Clic and Walk est légitimé . Ce verdict me rassure : la justice française vit avec son temps et s’adapte. Les modèles innovants ont leur place en France

Clic and Walk va donc pouvoir poursuivre son activité. Sereinement. Justement. Comme il se doit.

Ce procès m’a beaucoup coûté, tant personnellement que professionnellement.

Personnellement car, durant cette période, je n’ai pas été connectée à ma famille, à mes amis, à mes collaborateurs… J’ai commis des erreurs, et j’espère qu’ils me pardonneront un jour.

Car durant cette période je n’ai pas pu partager pleinement les derniers instants de ma mère, décédée 3 mois avant le procès, étant tenue d’organiser la défense de la société et la mienne. Ce moment a été le plus dur de ma vie. J’espère que j’arriverai à me pardonner.

Professionnellement, car les frais de justice sont des coûts importants pour une « petite start-up », qui doit sans cesse innover. Car des clients perdus sont difficiles à remplacer.

Ce procès a eu un coût pour Clic and Walk et pour moi. Et vous comprendrez alors que ce verdict a d’autant plus de valeur. Il marque sans doute aussi un tournant positif dans l’économie collaborative.

La suite

Le 5 juin, nouveau rebondissement : le parquet fait appel de la décision.

Je suis censée repartir pour 2 ans de procédure – les juridictions sont engorgées – avant de comparaître devant la Cour d’appel.

Pourquoi cet acharnement ? J’ajouterai pour quoi ? Pour 10 000 € d’amendes ? Ou parce que le modèle de Clic and Walk « dérange » ?

La France est t-elle en manque de symboles et de martyrs? La prise de conscience d’une nouvelle économie doit-elle passer par le sacrifice de certaines entreprises innovantes?

Si oui, pourquoi les financer ? Comment « action start-up 2018 » peut-elle les aider au quotidien et dans des situations complexes?

Nous sommes les seuls acteurs du « crowdmarketing » (ou crowdsourcing) à avoir démontré la légitimité de notre modèle devant la justice.

Combien de fois faudra-t-il le faire? Clic and Walk veut et va vivre, à l’instar de ces concurrents français et étrangers (nullement préoccupés par la justice). Je n’abandonnerai pas le combat. Mais je pense qu’il y a des combats plus justes et plus utiles aujourd’hui que ceux qui détruisent de l’emploi, détruisent l’innovation et la création de valeur et coûtent des centaines de milliers d’euros aux contribuables, en engorgeant nos tribunaux.

Je me suis tue pendant 2 ans, car j’ai foi en la justice de mon pays.

Mais aujourd’hui, je veux parler et agir.

Clic and Walk est innovant, oui! Et si notre modèle pose questions c’est à vous, mesdames et messieurs les Hommes de loi, de combler le vide juridique, s’il existe. Et je suis prête à proposer mon aide en partageant mon expérience.

Je sais ne pas être le seul chef d’entreprise à vivre ou avoir vécu ce genre de situations . Je reçois chaque jour des témoignages.

Ma proposition collaborative

Parce que je vis et je pense collaboratif depuis toujours. Preuve en est, depuis la naissance de Clic and Walk, nous n’avons eu cesse d’organiser (bénévolement) en collaboration avec des acteurs publics et privés des actions innovantes en faveur sur le territoire : Hackathons (happyhackingdays), rencontres entre grands groupes et start-ups (Pitch Days), Partenariat avec des associations…

Je propose donc de réfléchir utile et collaboratif !

En organisant des tables rondes, avec des start-ups dont les modèles peuvent « poser question », en compagnie de femmes et d’hommes politiques, de lois, d’économistes.

Ouvrons ces tables rondes à tous celles et ceux qui souhaitent trouver des solutions positives pour notre pays, à tous ceux qui souhaitent réfléchir à ce que la « nouvelle économie » a de positif et ce qu’elle peut créer comme valeur. A tous ceux, qui ne la comprennent pas ou qui en ont peur aussi . J’y participerai, comptez sur moi !

Conclusion

Cette histoire peut sembler ridicule. Et le ridicule tue contrairement au dicton populaire.

Mais le ridicule ne tuera ni ma volonté d’entreprendre, ni ma motivation. La poursuite de Clic and Walk et Whasq (Avis aux talents cachés !), notre nouveau produit, en est la preuve.

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Clic and Walk a été relaxée. Le modèle est légitime. C’est ce que je retiens. Et c’est ce que l’histoire retiendra.

Le contributeur :

Frederique Grigolato, CEO chez Clic and Walk

Après un parcours de plusieurs années dans la Grande Distribution, Passionnée par L’Innovation et par l’Etude des Nouveaux Comportements , je me suis orientée très naturellement vers l’Écoute et la Vision Clients en créant:

– Clic and Walk , la solution qui permet aux Entreprises d’être en prise directe avec leurs Clients ET la vraie Vie .
Par un concept innovant et l’utilisation de nouvelles technologies, Clic and Walk répond efficacement à vos demandes professionnelles.

Je vous invite à découvrir Clic and Walk en images …

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18 commentaires

  1. Bravo et merci pour l’exemple que vous donnez. Merci aussi pour votre bienveillance qui vous protège du poison de la haine. J’avoue que je dois avoir plus « la haline » que vous contre tous ceux qui vous ont mis des bâtons dans les roues !!

    1. Merci à vous pour votre message !
      Je n’ai pas de haine en effet .. De la colère (mais c’est passé ) et aujourd’hui des questions qui restent sans réponse : Pourquoi et Pour Quoi ?

      Frederique

  2. Bravo Fred pour ton courage et ta détermination à défendre un modèle innovant, performant, vertueux… et légal !
    On souhaite un succès phénoménal à Click and Walk !

  3. C’est juste incroyablement fatigant de subir l’archaïsme et parfois la malfaisance d’un système, constitué qui plus est de bien pensants pour qui ce qui est nouveau est mal sauf quand il vient des Etats-Unis ou de sociétés du CAC40…

    Cela me rappelle il y a une 15aine d’années quand un entrepreneur avec qui je devais m’associer a été condamné pour avoir crawlé des annonces immobilières sur des sites de petites annonces pour ensuite les classer en mettant un lien vers l’annonce originale. Quand il a expliqué au juge qu’il n’y avait aucun préjudice et que c’était un peu comme ce que faisait Google, ce juge lui a rétorqué que Google était différent car il était « d’utilité publique ». Il a perdu son entreprise et des années de travail.

    Cette personne a quitté le pays pour entreprendre ailleurs sous des cieux plus cléments et plus lucides.

    Je vous soutiens et j’aimerais savoir comment nous pourrions vous aider. Existe-t-il une pétition quelque part ?

    Envisagez-vous de porter plainte et exiger des dédommagements ?

    Sincèrement,

    Jerome

    1. Bonjour Jérôme

      Mon témoignage est en effet le reflet du quotidien de certains chef d’entreprise . il est vrai que ma proposition collaborative cherche à mobiliser TOUS les acteurs de l’economie Pour faire bouger les lignes . La pétition n’enfaisait Pas parti mais c’est une idée à creuser
      J’ai toujours foi en la justice ( le verdict rendu en est la preuve )
      Et il est vrai que cela a eu un coût ma société et moi Meme … je n’ai pas porté plainte car je souhaite que ma lettre ouverte est une portée plus rapide pour faire bouger les lignes :)
      Merci de votre message
      Frederique

  4. L’histoire est édifiante, surtout que ce n’est pas la seule plateforme collaborative. Un acharnement du au genre et à la couleur de la peau du CEO ? Ce serait encore plus triste. Heureusement il y a un happy end. Frédérique : je vous soutiens à 100%

  5. Bravo Frederique pour ton courage d’avoir tant lutté pour ta société, pour la tenir debout, pour te tenir debout et pour également le courage d’avoir rédigé cet article.
    Click & Walk survivra et elle en ressortira grandie, appel ou pas, la justice te sera enfin rendue.
    BRAVO MILLE BRAVOS
    Gilles

  6. Wow bravo! Cette histoire est un exemple de courage et de ténacité! Une belle inspiration. Merci donc et bonne continuation!

  7. Bravo pour votre pugnacité et votre combat contre cet acharnement absurde.
    je vous admire et vous soutiens. Comment la justice peut- elle s’autosaisir de cette manière, sans aucune limite ?
    Tout pouvoir doit être controlé.

    1. Bonjour Hugues ,
      Merci pour votre message et votre soutien !
      Nous avons en France la chance d’avoir une justice indépendante . Ce qui signifie qu’elle a tous pouvoirs pour s’autosaisir d’un dossier . Et sans contrôle

      Frederique

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