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[DECODE] Pourquoi Alibaba mise sur le Français Pierre Poignant pour s’imposer en Asie du Sud-Est

En décembre dernier, Pierre Poignant, cadre français passé par l’École Polytechnique et le MIT est devenu le CEO de Lazada, la plateforme e-commerce d’Asie du Sud-Est tombée dans le giron d’Alibaba en 2016. Co-fondateur de la société créée au sein du startup studio allemand Rocket Internet, il occupe d’abord le poste de directeur des opérations. Cinq ans plus tard, il prend le rôle de directeur de la logistique, puis celui de directeur exécutif, quelques mois avant d’en être nommé CEO.

Pierre Poignant, nommé à la tête de Lazada en décembre dernier. Crédit: Lazada.

Au cours de ces sept années, Pierre Poignant aura participé à la la création de la chaîne logistique de bout en bout, à la mise en place du service client ou encore du réseau de distribution composé notamment de 31 entrepôts répartis dans les six pays que dessert Lazada: l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam pour lesquels l’entreprise revendique 300 000 produits disponibles sur sa plateforme.

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L’un des 31 entrepôts de Lazada en Asie du Sud-Est. Crédit: Lazada.

Le poids des attentes d’Alibaba

De son côté, Alibaba a commencé à convoiter Lazada il y a trois ans, date à laquelle le géant chinois rachète 51% des parts de l’e-commerçant sud-asiatique pour 1 milliard de dollars. En 2018, il réinvestit la même somme pour monter à hauteur de 83%, puis 2 autres milliards un peu plus tard la même année, lui permettant de contrôler 90% de la société. Au total, le géant aura déboursé 4 milliards de dollars. Puis en quelques mois, ce seront pas moins de trois CEO qui se succéderont: Maximilian Bittner, placé là par Rocket Internet et co-fondateur de Lazada, est remplacé par Lucy Peng, membre fondateur d’Alibaba. Mais quelques mois après, elle sera à son tour remplacée, par Pierre Poignant. Celui qui fait figure de vétéran au sein de Lazada a su convaincre le charismatique Jack Ma.

Or, cela n’a pas dû être aisé. Ces changements à la tête de la filiale sont un signe du poids des attentes d’Alibaba. Lazada est son fer de lance pour parvenir à s’imposer en Asie du Sud-Est et assurer ses projets d’expansion. Une pression presque aussi importante que les défis à relever: diversité des langues, région où l’utilisation du cash prédomine, réseaux routiers parfois compliqués, présence d’autres acteurs déjà bien implantés et financés… Mais les perspectives de développement du e-commerce y sont tout aussi alléchantes. 

Un potentiel énorme

«Avec une population jeune, une forte pénétration de la téléphonie mobile et seulement 3% des ventes au détail de la région actuellement réalisées en ligne, nous sommes très confiants en notre capacité de doubler nos activités en Asie du Sud-Est », déclarait Lucy Peng au moment de sa prise de fonction en mars 2018.

En effet, les perspectives de développement sont plus qu’encourageantes. Au global, l’économie numérique devrait peser 240 milliards de dollars en Asie du Sud-Est d’ici 2025, selon le dernier rapport conjointement réalisé par Google et Temasek. C’est 40 milliards de plus que les dernières estimations. Quant au marché de l’e-commerce, il devrait atteindre 102 milliards de dollars à même horizon. En 2018, sa proportion avait déjà doublé par rapport à l’année précédente.

La région abrite 350 millions d’utilisateurs d’Internet et leur proportion ne cesse d’augmenter. Depuis 2015, chaque mois, plus de 3 millions de personnes, davantage que le nombre d’habitants à Paris, se sont connectés pour la première fois. À noter que l’étude couvre les 6 plus importants marchés d’Asie du Sud-Est (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) qui correspondent à ceux où est présent Lazada.

On parle aussi d’une région très « mobile-first », une caractéristique qui s’explique notamment par l’émergence d’une classe moyenne et la disponibilité croissante de smartphones à des prix abordables. Ainsi, en 2017, 72% des achats en lignes étaient déjà effectués par mobile, selon des données d’iPrice Insights, la branche analyses diPrice Group, un agrégateur de boutiques e-commerce de la région. «Les internautes d’Asie du Sud-Est sont les plus engagés au monde. Les utilisateurs indonésiens, philippins et malaisiens, qui passent environ 4 heures par jour sur l’Internet mobile figurent parmi le top 10 mondial en termes d’engagement. Par comparaison, les utilisateurs d’Internet au Royaume-Uni et aux États-Unis consacrent un peu plus de 2 heures par jour à l’Internet mobile, tandis que les utilisateurs en France, en Allemagne et au Japon passent environ 1 heure et 30 minutes par jour», note le rapport Google-Temasek. Le potentiel est donc énorme.

Shopee, Tokopedia… et Amazon en embuscade

Mais Lazada n’est pas seul. La plateforme doit faire face à deux autres principaux acteurs. Il y a le singapourien Shopee, propriété du groupe Sea Limited, listé sur le Nasdaq et qui a récemment levé 1,35 milliard de dollars en Bourse. Sea compte utiliser ce montant pour financer l’expansion de ces différentes activités, et aucun doute que cela concernera aussi sa plateforme d’e-commerce qui opère dans les six même pays que Lazada, avec Taïwan en plus. À noter que Sea Limited est détenu par un autre géant chinois, Tencent, à hauteur de près de 35%. Le troisième principal acteur est Tokopedia. L’indonésien valorisé 7 milliards de dollars en a levé 2,4 milliards depuis sa création en 2009 et compte SoftBank mais aussi… Alibaba parmi ses investisseurs. Cela permet au groupe fondé par Jack Ma de posséder plusieurs pions pour poser ses marques en Asie-du-Sud-Est.

«Les trois plus grandes entreprises d’e-commerce de la région, Lazada, Shopee et Tokopedia, ont joué un rôle crucial dans le développement du secteur. On estime que leur croissance a été multipliée par 7 fois depuis 2015, bien au-dessus du reste du secteur. En proposant des dizaines de millions de produits, une expérience utilisateur mobile de haut niveau, des promotions fréquentes pour les consommateurs et des réseaux logistiques étendus, ils ont été les principaux moteurs de la croissance spectaculaire de l’e-commerce en Asie du Sud-Est», note le rapport Google-Temasek.

Cela ayant été dit, qui s’en sort le mieux? En Indonésie, Lazada se fait pour l’instant distancier par ces deux principaux rivaux. Alors qu’il s’agit aussi du marché le plus prometteur. Il abrite la plus importante base d’utilisateurs d’Internet (150 millions en 2018) de la région. Selon les données d’iPrice, au 4e trimestre 2018, c’est Tokopedia (qui opère uniquement dans ce pays) qui a attiré le plus de visiteurs uniques par mois (168 millions), suivi par un autre acteur local Bukapalak (116 millions), puis Shopee (67,7 millions) et vient en quatrième position Lazada (58,3 millions). Tokopedia ne sera pas facile à détrôner. Le leader indonésien s’est déjà bien implanté, surpassant les défis logistiques d’un pays composé de plus de 17 000 îles et poursuivant sa diversification. La plateforme livre 93% des districts du pays et propose la livraison le jour même pour 25% des clients. Le groupe s’est également diversifié dans les services financiers et propose une offre de paiement en ligne, de comptes d’épargne, d’assurance et de cartes de crédit.

Toujours selon les données d’iPrice, Lazada domine pour l’instant en Malaisie, Philippines et en Thaïlande, à chaque fois devant Shopee. Tandis que ce dernier le dépasse au Vietnam et que les deux sont distancés par l’e-commerçants Qoo10 (anciennement GMarket) à Singapour. On ne peut en revanche pas les comparer sur le chiffre d’affaires ou les bénéfices, Alibaba ne fournissant pas ce niveau de détails pour ses plateformes.

Mais ce qui est sûr, est que le chemin est loin d’être tout tracé pour qu’Alibaba parvienne à s’imposer en Asie du Sud-Est via Lazada, comme il est parvenu à le faire en Chine. D’autant plus qu’Amazon veut aussi sa part du gâteau. Le géant américain a fait une première incursion dans la région en juillet 2017 avec le lancement de son service Prime Now, qui permet d’être livré en deux heures, à Singapour. Depuis, il s’est également lancé au Vietnam.

Le précieux appui d’Alibaba

L’appui et l’expérience d’Alibaba, dont sont puissant écosystème, seront des éléments précieux pour que Pierre Poignant parvienne à imposer Lazada dans la région, mais la plateforme possède déjà des bases solides dont une centaine de partenaires dans la logistique pour transporter ses livraisons en avion, camion, vélo ou encore scooter, la possibilité de payer la marchandise en cash à la réception et des livraisons le jour même dans certains pays comme aux Philippines ou encore à Singapour.

Parallèlement, Lazada continue à avancer ses pions. La plateforme vient par exemple d’annoncer l’intégration, à partir de ce vendredi 15 mars, de RedMart, une épicerie en ligne acquise en 2016, dans la marketplace singapourienne. Cette intégration devrait permettre de fidéliser et recruter des clients mais aussi d’en récupérer de façon organique puisqu’à partir de cette date ceux qui utilisaient déjà RedMat n’auront d’autre choix que de passer par Lazada. Le service sera lancé dans au moins un autre pays au cours de la deuxième partie de l’année.

L’e-commerçant s’inspire aussi largement de ce qui a fait le succès d’Alibaba, comme la fameuse journée de promotions Singles’ Day, dont le géant chinois est le chef de file. En organisant l’événement sur ses six plateformes en novembre dernier, l’e-commerçant sud-asiatique déclare avoir enregistré un record de 1,3 milliard de visites cumulées sur deux jours.

Même si Alibaba garde une assise financière confortable, avec un chiffre d’affaires de 17,5 milliards de dollars au dernier trimestre 2018 pour un bénéfice de 4,9 milliards de dollars, le géant chinois a vu ses ventes ralentir en Chine. L’international fait donc partie de ses relais de croissance. La question est de savoir si Lazada arrivera à relever le défi pour l’Asie du Sud-Est.

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