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Et si l’ubérisation n’avait pas attendu l’émergence des plateformes digitales?

La croissance des plateformes digitales, célébrée par les consommateurs, décriée par certains acteurs traditionnels, inquiète tous ceux qui leur reprochent de détruire des emplois et de les remplacer par des formes d’activités «précaires». Ces détracteurs de la nouvelle économie oublient pourtant deux réalités.

La première est le potentiel de création d’emplois (directs et induits) et de richesse associé à ces plateformes.

La seconde renvoie aux secteurs économiques dans lesquels se développent ces plateformes: transport de personnes, services de livraison, hébergement et restauration, etc. Voici quelques exemples d’activités que touche le phénomène d’«ubérisation». Dans ces secteurs, le travail atypique est d’usage depuis longtemps et parfois même la norme. Les plateformes n’ont donc pas inventé, loin s’en faut, le modèle dérogatoire au CDI à temps plein. Mieux, elles pourraient au contraire jouer un rôle décisif dans l’invention du modèle social de demain, favorable à l’emploi et respectueux des personnes.

Un levier pour l’emploi

L’«ubérisation» définit les situations où les intermédiaires historiques se voient concurrencer par des plateformes numériques qui mettent en relation directe «le consommateur» avec «le producteur». L’intermédiation ne disparaît pas, mais change de nature : une infrastructure coûteuse et relativement intensive en main-d’œuvre est remplacée par un service semi-automatisé, qui tire parti des innovations technologiques des dernières années.

Certes, cette dynamique pose un défi de transformation considérable pour les intermédiaires traditionnels et une partie de leurs métiers. Toutefois, contrairement à certaines prédictions alarmistes, les créations d’emplois ou d’activités font bien plus que compenser les pertes d’emplois potentielles.

L’appel d’air créé par l’émergence des plateformes est manifeste dans les services de transport aux particuliers: la montée en puissance des services de véhicules de tourisme avec chauffeur a permis la création de dix mille emplois ces trois dernières années. De même, les services de livraison rapide, souvent assurés par des coursiers à vélo, se développent de façon exponentielle dans les grandes villes. Néanmoins, ils ne se substituent à aucun emploi existant et offrent des sources de revenus immédiats et nouveaux à des populations qui ne veulent ou ne peuvent pas travailler à temps plein. Aux Etats-Unis, les étudiants comptent ainsi pour 25% des collaborateurs de ces plateformes.

De manière générale, près de 200 000 auto-entrepreneurs français recourent déjà aux services des plateformes pour trouver des missions. Face à un chômage endémique et à la crise du modèle salarial classique, le développement du travail indépendant et les missions offertes par les plateformes sont une solution avant d’être un problème. 90% des emplois créés au Royaume-Uni en 2013, en sortie de crise, n’ont-ils pas bénéficié à des indépendants?

L’uberisation des emplois avant Uber

Les détracteurs de la nouvelle économie reprochent également aux plateformes de substituer des emplois précaires à des emplois stables. Cette deuxième idée reçue, plus répandue, invite au rappel de quelques fondamentaux.

Penchons-nous sur les secteurs «ubérisés» ou susceptibles de l’être. Malgré leur diversité apparente, ces activités de services ont un point commun: le caractère fluctuant, imprévisible ou cyclique de la demande des clients y impose depuis toujours des formes d’organisation du travail très éloignées du CDI à temps plein classique. Deux exemples:

  • Dans l’industrie des taxis, quatre statuts différents sont accessibles aux chauffeurs, mais 80% optent pour le statut d’indépendant, 3% seulement sont salariés.
  • Dans la coiffure également, la disparition de 10 000 salariés depuis 2002 a presque été entièrement compensée par le développement du travail indépendant. Et si lui aussi se voyait touché demain par l’uberisation?

 

Les plateformes, terreau d’innovations sociales

Dans cette histoire, les plateformes marquent donc moins une rupture qu’un changement d’échelle. Cette situation est selon nous une chance à saisir. Les métiers ubérisés pouvaient vivre autrefois dans une zone juridique grise, à l’abri des innovations sociales et économiques majeures. Il s’agissait en outre souvent de secteurs dans lesquels prospéraient des pratiques à la limite du droit.

Ce n’est plus possible aujourd’hui. Les plateformes, par leur taille croissante, l’uniformisation des pratiques qu’elles autorisent, peuvent servir de tremplin à la mise en place de protections et d’un accompagnement sur mesure pour les travailleurs indépendants. Notre conviction est que cette responsabilité sociale des plateformes sera la clef de leur développement et de leur pérennité future. L’enjeu majeur est donc de trouver un juste équilibre entre liberté d’entreprendre, développement de l’emploi, protection des personnes et respect des comptes sociaux. Voici quelques règles qui nous semblent concourir à cet objectif:

  • Eviter de vouloir faire rentrer à tout prix la diversité des nouvelles formes d’activités dans les habits étroits du salariat; introduire, sous des conditions à définir, une présomption de non-salariat pour les collaborateurs des plateformes.
  • Définir des principes de protection (politique de formation, assurances, etc.) plutôt que des règles uniformes.
  • Etablir un système simple de collecte des cotisations sociales, qui pourrait par exemple être géré par les plateformes elles-mêmes, devenant ainsi des tiers de confiance.

 

Notre écosystème de startups est un des plus dynamiques au monde: donnons-nous clairement les moyens d’exploiter les potentialités inédites de la nouvelle économie, en termes d’innovation et de croissance!

 

tribune-uberisation-sept2016-2Benjamin Chemla est fondateur de Stuart, un service de livraison à la demande pour les entreprises, et membre de l'Observatoire de l'ubérisation. 

 

Grégoire Leclercq est président de la fédération des autoentrepreneurs, et co-fondateur de l'Observatoire de l'ubérisation

 

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2 commentaires

  1. Comme souvent, on confond dans cet article l’économie de plateforme qui (de mon point de vue) a les vertus décrites dans cet article, et les dérives de la déréglementation et de la concurrence déloyale portées par certaines plateformes, dont Uber est l’emblême. Nombre de chauffeurs Uber cumulent sans la déclarer leur activité avec les ASSEDIC ; nombre de chauffeurs Uber ont obtenu un agrément en ayant seulement répondu à un QCM de 1h30 ; nombre de chauffeurs Uber conduisent 12h par jour, 6 à 7 jours par semaine, ce qui pose la question de la sécurité … la liste est longue des griefs que l’on peut reprocher à Uber, et qui rend légitime (de mon point de vue) la colère des chauffeurs de taxi. N’oublions pas que l’objectif premier d’Uber était de généraliser UberPop, ce qui aurait fait disparaitre 90% des taxis et vtc.
    L’économie de plateforme : OUI, mais dans un cadre de concurrence libre ET non faussée.

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