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[Expert] Digital: faut-il adopter les plate-formes de travail collaboratives ?

Comme je l’ai déjà dit, il y a un problème avec la collaboration sociale. Dans ce billet je voudrais plus spécifiquement revenir sur un point vraiment problématique qui est un frein au déploiement et à l’utilisation des plateformes collaboratives sociales dans l’entreprise.

Lors de la mise en place de telles plateformes on peut classer les utilisateurs en trois catégories selon leur réactions.

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• Les neutres. « J’irai…j’irais pas…. ça dépend de la masse des autres ». Ceux là suivent le centre de gravité de l’entreprise et importent peu dans le cas qui m’intéresse.

• Les opposants. Ils peuvent l’être pour différentes raisons, l’une d’entre elles étant « ça va être entre plus le foutoire, ça va me faire perdre du temps, c’est fouilli et compliqué ».

• Les croyants. Parmi eux on trouve ceux qui y croient simplement parce que c’est nouveau, ceux qui pensent vraiment qu’on peut travailler mieux autrement (et qu’il le faut) et ceux qui étaient sceptiques au départ mais ont fini par se laisser convaincre en regardant et écoutant les autres.

Je ne m’attends jamais à des miracles du coté des opposants. Quoiqu’un opposant « retourné » est souvent le meilleur des ambassadeurs. Les « neutres », ils suivent. Donc tout repose, on s’en doute, sur une masse critique de croyants et une dynamique forte de leur coté. Et ce qui m’inquiète le plus c’est de voir des « croyants » lâcher prise, non pas dans les premiers temps, mais au bout d’un, deux ou trois ans d’utilisation intensive. Leur raison ? On perd du temps, c’est fouillis, ça complique tout. Au final certains finissent avec le discours des opposants.

Comment des outils supposés rendre les choses plus simples, fluides, à favoriser les contacts et la collaboration sans intermédiaires en arrivent ils à produire les effets exactement inverses à ceux attendus ? Simplement parce qu’ils sont mal utilisés et déployés de manière inaboutie.

Traiter tous les échanges en asynchrone est une terrible erreur

Par définition les outils de collaboration sociale sont asynchrones. On écrit et les autres réagissent quand ils ont le temps. Au départ on a vu ça comme un avantage car cela permet d’avoir des interactions en dépit des contraintes de temps individuelles. Très pratiques pour de grandes équipes transverses ou des personnes sur différents fuseaux horaires. Très pratiques pour les communautés : la conversation et l’échange étant l’objectif il n’y a pas de question de livrable ou de deadline donc les choses avancent au gré des disponibilités et des envies des uns et des autres. Très pratique pour la capitalisation car ce qui a été partagé ou démarré un jour peut être réutilisé, repris, peut redémarrer un an après.

Par contre pas pratique du tout dès lors qu’il y a une deadline ou qu’une décision doit être prise.

On dit souvent que l’email est l’endroit où vont mourir les bonnes idées mais on peut en dire autant du réseau social. Qui ne s’est jamais retrouvé dans la situation d’attendre une décision, une validation finale, une réponse pour pouvoir avancer dans son travail ? Et, surtout, ne jamais rien recevoir ? Comme quelqu’un me disait dernièrement « avant on faisait une réunion, on se déplaçait pour voire quelqu’un, on passait un coup de fil…maintenant on converse et ça prend un temps fou ». Vous me direz que c’était pareil avec l’email et vous avez raison. Je ne dis pas qu’on a régressé, simplement que sur certains points on n’a pas progressé. La faute à la technologie ? Peut être pour 20%. Aux usages ? Surement, à 80%.

Quand le réseau social se retrouve avec les mêmes tares que l’email

Les mauvaises habitudes sont connues et, peu importe l’outil, ont la vie dure.

1°) On veut tout faire en asynchrone alors que pour certains besoins il n’y a rien de tel qu’un échange de vive voix.

2°) La plupart des solutions de réseau social sont centrées sur la conversation et pas sur les tâches. On perd le sens de l’urgence, du livrable, de la deadline et on finit en conversation de salon de thé.

3°) A part dans quelques cas précis il n’est pas possible de clore une conversation. Donc une décision peut continuer à prêter à discussion une heure, un jour, une semaine après avoir été prise. Il y a des moments où il faut clore une fois pour toute le débat et cesser de remettre en cause ou d’améliorer ce qui a été décidé.

4°) Sur un réseau social les conversations peuvent visibles d’un public plus ou moins large. Ce qui peut pousser certains à modérer leurs prises de positions, d’être moins critiques alors qu’ils n’en pensent pas moins. Soit ils ouvrent alors une discussions parallèle par email (ce qui complique les choses) soit ils ne se dévoilent pas mais ne font rien pour qu’une décision allant dans un sens qu’ils ne cautionnent pas ne soit prise.

5°) Quand un réseau social d’entreprise est relativement actif il est encore plus facile que dans une boite mail de voir un message important disparaitre dans les limbes du flux d’activité. Et il est en général beaucoup plus difficile de l’y retrouver que dans sa boite mail. Une situation d’autant plus fréquente que pour l’essentiel des collaborateurs ce qui se passe dans le réseau social d’entreprise est moins critique que ce qui se passer dans le mail ou dans la messagerie instantanée. Donc on suit moins, on laisse les choses stagner plus longtemps.

6°) Parce qu’on peut régler tous ces problèmes par l’adoption de bonnes pratiques partagées. Et c’est le problème de toute solution qui ne vaut que par son utilisation collective : si on est deux à bien l’utiliser mais que les autres continuent à mal l’utiliser c’est tout le groupe qui l’utilise mal. Les leçons de l’email n’ont pas été apprises.

Le réseau social peut même être pire que l’email

Pour les tâches et interactions critiques le réseau social n’a donc pas solutionné les problèmes de l’email et ce pour une bonne raison : ça n’est pas un problème de technologie (ou si peu) mais un problème d’usage. Quand on a de mauvaises pratiques on les a quel que soit l’outil. Mais le réseau a en plus un handicap : pour 80% des utilisateurs un message critique doit passer par l’email. Si ça n’est pas dans l’email ça n’est pas critique.

Aujourd’hui les gens ont peu de temps et, en plus, « multitaskent » plus que de raison. Le peu d’attention qu’il leur reste est capté par l’email. Ce qui reste va – entre autre – aux outils tiers et notamment de collaboration sociale. Vous pouvez donc toujours attendre que votre boss valide la présentation que vous avez partagée…la prochaine fois elle ira dans un mail avec statut « très urgent ». Très mauvaise pratique mais elle a le mérite de souvent mieux fonctionner et votre objectif c’est d’entretenir une conversation ou d’envoyer la présentation au client dans les délais ? Le choix est vite fait.

Bien sur il y a les notifications. Mais comme elles viennent du réseau elles sont considérées comme « moins critiques » qu’un « vrai » mail. Ensuite peu de personnes les paramètrent bien : soit on rate des choses soit on en reçoit tellement qu’on ne lit plus (soit l’outil n’est pas pratique de ce coté là et ça joue également). Et certaines personnes forcent tellement souvent la notification aux autres participants pour n’importe quel sujet que lorsqu’ils font pour un sujet important…personne ne le lit. Comme les mails « urgent »…sauf que l’email est vu comme plus critique donc sera toujours traité avant le réseau…enfin quand il l’est.

Sombre mais lucide constat. Par contre il y a moyen de s’en sortir à condition de bien avoir conscience de la réalité du problème et de ne pas se lancer dans le déploiement d’un tel outil avec un optimisme béat et en croyant que tout va s’auto-réguler.

1°) Etablir des bonnes pratiques : quand c’est important quelqu’un s’en occupe et est responsable de mener la chose à terme.

2°) Quand une décision doit être prise il peut y avoir des discussions préparatoires sur un outil asynchrone mais on prend la décision finale en réunion ou au téléphone.

3°) Mentionner des deadlines et les faire respecter. « Sans retour d’ici telle heure je considère que le « go » est obtenu ».

4°) Ne pas tomber dans l’utopisme conversationnel et choisir des outils qui sont capables de gérer des tâches, de transformer un commentaire en tâche, et de suivre, in fine, le « qui doit faire quoi pour quand ».

5°) Intégrer davantage le réseau social avec les outils métiers critiques.

6°) Ramener la collaboration sociale là où l’utilisateur va jeter le peu d’attention qu’il lui reste. Dans l’email ? Et bien oui. Et je vous parie que ça va être la tendance des années à venir.

Mais surtout ne blamez pas la technologie et ne la jetez pas aux oubliettes, elle n’y est pour rien. Elle ne résoudra pas les problèmes d’usages, ne se passera jamais d’un minimum de règles auxquelles on ne peut déroger. Croire que c’est simplement un problème d’outil mal adapté ou peu convaincant ne résoudra jamais le problème : il existe depuis longtemps et sera reproduit partout si on ne s’occupe pas des comportements.

BeCapture d’écran 2015-01-07 à 16.48.12rtrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.

Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.

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Un commentaire

  1. Article intéressant qui rappelle en tant que de besoin le poids de l’humain dans l’entreprise. Je cherchais un conseil sur ce problème et l’ai trouvé. Merci

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