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Ces différences de mentalité entre la France et les Etats-Unis

Cela fait plus de 6 ans que je travaille pour des sociétés américaines, je me suis toujours demandé pourquoi les Sales américains faisaient en moyenne 3 fois plus de chiffres d’affaires que les Sales en France. Je me suis d’abord dit que c’était dû à la taille du pays et son économie gigantesque (même s'il est vrai que le fait d'avoir dans un rayon de 20km le siège monde de Facebook, Linkedin, Salesforce «and co» peut aider le business…) et puis j’ai finalement demandé à mon PDG de m’envoyer quelques semaines sur place pour comprendre le phénomène.

J’ai donc eu l’opportunité de suivre nos équipes Sales basées en Californie et au Texas pendant plus de trois semaines. L’objectif était de capturer des bonnes pratiques, échanger sur leurs enjeux et surtout, dresser un bilan concret des différences entre le sales «Made in France» et celui «Made in America». Cet article n’a pas pour but de faire du «French Bashing» ou l'éloge des Américains mais d’apporter quelques pistes de réflexions…

Je ne veux voir personne au bureau: En discutant avec notre VP West US, j’ai très vite compris que faire «acte de présence» au bureau ne faisait pas partie des coutumes locales. Le rapport présence au bureau / productivité est complètement inversé dans les mentalités américaines. Le Sales doit passer son temps avec ses clients et partenaires afin de faire vivre les collaborations. Le «Work from Home», qui est encore trop souvent perçu en France comme une menace, devient un véritable équilibre entre la vie pro et perso aux US… le bureau devient donc uniquement un point de passage administratif.

Accompagner les nouveaux arrivants: Le cursus d'arrivée dans l'entreprise du salarié va définir son histoire dans la société. Là où un programme standard sera commun en France, l'accent est mis aux US sur des sessions personnalisées et des cas pratiques directement sur le terrain en clientèle. Un coach est délégué au sein de l'entreprise pour accompagner cette période de transition, jusqu'à l'autonomie totale du nouvel arrivant. Des suivis sont fréquemment réalisés pour s'assurer que l'employé est dans la bonne direction. En France, le manager a souvent l’habitude «d’envoyer le petit nouveau en training» sans forcement se soucier du contenu et de la dynamique d’apprentissage.

La positivité du message: «Awesome»-«Great Question»-«Amazing»- Tant d'enthousiasme pour des propos banals qui nous font souvent sourire en France. Et pourtant… ça peut sembler surfait, mais la dynamique positive qui en découle va impacter tout un groupe. Cet état d'esprit est aussi directement ressenti par le client, au plus grand profit de tous. La positivité, c'est comme le bonheur, c'est contagieux.

Leadership: Le contraste entre les «speakers» américains, d'apparence ouverts et détendus, et des speakers français, plus conventionnels, est souvent saisissant -on y voit l'incitation donnée dès l'Ecole à parler en public. L’un de mes collègues basé à Los Angeles me disait avoir préparé sa fille de 5 ans, le dimanche soir, car le lundi matin, elle devait parler devant la classe et expliquer ce qu’elle avait fait le week-end. Prendre la parole en France est souvent source de crispation, devenir un excellent «speaker» ne se fait pas du jour au lendemain.

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On peut se tutoyer?: Tu, vous, you? Le tutoiement permet de se rapprocher de vos clients en les traitant comme des individus et non pas comme des rôles, cet avantage linguistique se révèle précieux dans les premiers rendez-vous. En France, on est limite content lorsqu'on tutoie un de nos clients… J'ai l'impression qu'on aurait ainsi plus de facilités aux US à échanger avec le PDG d'une société de 500 millions qu'en France avec votre voisin de palier.

Attention à ne pas se rater: Ce n'est pas une nouveauté, aux US, l'échec est perçu d'une manière radicalement différente -sur le modèle de certaines start-up de la Silicon Valley qui recrutent uniquement des personnes qui ont échoué dans la création de leur business. Un homme qui a tenté et échoué, c'est quelqu'un qui a une experience, une histoire et qui peut la modifier dans un nouvel environnement… «Qu'avez-vous raté dans votre vie?» et surtout «vous en avez tiré quelle(s) leçon(s)?» c'est une des questions qui revient le plus souvent dans les entretiens d'embauche aux US… légèrement plus intéressante que la célèbre question à un million posée par des centaines de recruteurs en France… «Madame/Monsieur, bonjour, quels sont vos points forts/points faibles?».

La rigidité de la législation: On aura beau partir le plus loin possible, le cliché du Français syndiqué-gréviste buvant son café en terrasse nous colle à la peau. Excessif? Oui, certainement, mais ce contrat de travail français très rigide fait peur aux sociétés internationales qui souhaitent investir en France. Du fait de cette complexité, les processus de recrutement en France sont plus longs et plus coûteux pour l'entreprise… Un directeur Sales d'une société dans le Cloud m'a dit: «il faut qu'il arrive à se mettre dans la tête que plus d'un recrutement sur deux est une erreur de casting. Avec cette souplesse du droit du travail américain, on se laisse l'option de se séparer si cela ne convient pas et cela marche dans les deux sens.»

A la recherche de «l’Early Adopter»: La physionomie des salariés s'est scindée en deux ces dernières années: d'un côté les traditionnels (qui ont peur du changement) et de l'autre, les «Early Adopters» (qui osent et testent de nouvelles solutions sans se soucier du «legacy»… des vrais disrupteurs). Les Américains adorent ces profils, qu'ils débauchent à prix d'or en leur offrant structure et moyens pour faire fructifier cette créativité. De plus en plus de sociétés en France construisent des «Labs» pour détecter et tester des innovations et se transformer, nous sommes dans la bonne direction!

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En parlant de disruption, c'est bien connu que les américains adorent les belles histoires… la preuve en est avec cette émission de Télé réalité «Shark Tank» qui a pour but de détecter de l’innovation et montrer à tout un peuple que rien n’est impossible.

Heureux d'avoir votre point de vue sur le sujet… La France reste un pays fantastique avec des talents reconnus au niveau international mais il serait temps de changer quelques bonnes vieilles habitudes.

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Après quelques années dans le cabinet Forrester à accompagner des sociétés du CAC40 sur la transformation numérique, Nicolas Capitoni rejoint Masergy pour prendre en charge l'Europe du Sud. Il est actuellement basé à Londres et est membre du comité transformation digitale du MEDEF à Paris.

 

Lire aussi: Moins d’un Américain sur cinq en capacité de se former en ligne

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6 commentaires

  1. Pertinent. On dit que le diable est dans le détail. La, l’ensemble des « détails » fait à l’évidence la différence. En résumé, n’attends pas les leads, va les chercher!

  2. Cet article fait écho avec un livre très pertinent « la semaine de 4 heures  » ou l’on oppose le sacrifice personnel à la productivité individuelle…focus on essential !

  3. Ces 8 points font certes partie des différences les plus flagrantes.
    Je nuancerais la question du tutoiement, par contre. Bien sûr, le « tu » n’existe pas en anglais, mais la distinction tu/vous (et les valeurs et signaux qui vont avec) ne disparait pas pour autant.
    Elle est transmise par les nuances inhérentes à la communication vocale et non verbale et, en cas d’écart, engendre des réactions pas si éloignées de celles que nous pouvons avoir en France (« pour qui il se prend? »; « On n’a pas élevé les poules ensemble. ») En étant tutoyé, il nous faut jauger le degré de familiarité réel émis et attendu en retour, car notre culture française risquerait de nous induire en erreur, percevant une intimité et/ou une confiance pas encore acquise!

  4. Interessant, Merci. Pour avoir oeuvré au sein de grosses structures Américaines Saas en Californie en vente (4 ans et demi), j’ajouterais que le role des ventes est pris bcp plus au sérieux et évalués avec des critère de methodo scientifique (avec toute ses dérives)

    Les ventes de techno aux US sont caractérisées par bcp beaucoup plus de professionnalisme, usant des methodologies et des temps de préparation plus important qu’en France, en terme de technique de présentations – public speech (c’est le pays de Toastmasters après tout) -certes mais également en terme de technique de qualification des besoins clients (réels ou perçus), de connaissance de l’industrie et du marché visé, et de creation de proposition de valeur pertinente.
    La vente a toujours fait l’objet d’études sérieuses visant à établir des methodo de ‘value selling’ très efficaces (Huthwaite, Sandler’s,etc..) , d’investissement de la part des entreprises (Sales Productivity Team, Sales Onboarding, et la pléthores d’outils qui vont avec) et l’effort de cabinets de conseil et de recherche.
    En France malheureusement on continue trop souvent de penser que c’est un talent plus ou moins acquis, ou que les ventes complexe sont subalterne à la qualité des produits.

    Point fort : le côté analytique Francais qui permet de traiter bcp plus vite les paramètres qui rentrent en compte dans un cycle de vente, et d’en déduire des systèmes d’actions. En tout cas c’est mon experience.

  5. Témoignage très révélateur effectivement des différences de culture. On a encore beaucoup à apprendre.
    Merci pour le partage.

  6. j’ajouterais la différence de perception sur ce qui fait la valeur des hommes
    En France (Pays que j’adore) si vous n’avez rien fait d’exceptionnelle mais que votre cursus est cohérent et linéaire (grandes écoles, poste A, puis B …) vous rassurez et êtes crédible.
    Par contre, si vous avez un parcours hétéroclite, sans grand diplôme et dans des domaines très différents, vous n’êtes pas crédible (dixit un chasseur de tête ami), alors que c’est justement les réussites de ce parcours qui font qu’a 40 ans, vous n’avez plus l’obligation financière d’aller bosser….

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