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Les FinTechs : quelles leçons pour les banques ?

Par Pascal de Lima et Fabien Cournée, Senior Consultant Harwell Management

Une opposition régulière entre les Fintechs, symbole de modernité et d’agilité, et les Banques « classiques », parfois symboles d’un âge d’or révolu, anime aujourd’hui l’actualité économique. La capacité à réaliser ou adopter des techniques et algorithmes disruptifs, puissants, agiles et modulaires, fait apparaitre les Fintechs comme les plus à même à traiter et analyser les données liées aux activités bancaires. A cela il faut ajouter un avantage comparatif sur l’expérience client avec une approche nativement mobile. C’est évidemment trop rapidement oublier que certains métiers bancaires sont multiséculaires.

L’expertise métier et le savoir empirique cumulés à 200 ans de connaissance clients (et donc de données associées) sont autant d’atouts que l’on ne pourra pas balayer du jour au lendemain. Notre article repose sur l’idée que la coopétition, cette idée d’une coopération technologique des Fintechs avec les opérateurs historiques, en parallèle d’une concurrence de marché plus classique, permettra de faire émerger les meilleures solutions au service des clients finaux.

Les tendances du marché des Fintechs montrent que 73% d’entre elles, reçues par l’ACPR en France, sont liées au marché des paiements. Parmi elles, les Regtechs sont celles qui ont aujourd’hui le vent en poupe, du fait d’un environnement réglementaire en constante évolution. Leur nombre a doublé au cours de l’année écoulée pour dépasser la centaine en France. A travers le monde, elles ont attiré près de 219 millions de dollars d’investissement au premier trimestre 2017, et on en dénombre désormais plus de 10 000 sur les 5 continents.

Les avantages comparatifs spécifiques des fintechs par rapport aux banques

 Les Fintechs ont un avantage: leur agilité structurelle. Comme nous le confirme Laurent Girard, cofondateur et COO de Yomoni: « contrairement aux acteurs historiques qui doivent repenser leur existant, avec ce que cela entraine comme inertie (SI, process, data management), nous avons cette chance d’avoir construit notre plateforme « from scratch », en nous inspirant directement des textes des régulateurs. Nous échangeons énormément avec l’AM&F et l’ACPR sur les bonnes pratiques à adopter, et avons inscrit les grands principes légaux dans le socle de notre activité. Le réglementaire n’agit pas sur nous comme une contrainte mais comme une réelle opportunité de développement et de projection ».

Une autre illustration parlante : celle de la connaissance client grâce à la Data Analytics.  En plus d’être une problématique suivi de plus en plus finement par les régulateurs (avec notamment l’entrée en vigueur de la RGPD en mai 2018), les tâches qui y sont associées, par exemple dans le cadre des mesures de vigilance anti-blanchiment,  sont fortement consommatrices en ressources (vérification de passeport, cross-checking d’informations et de données juridiques…).

Certaines Regtechs proposent donc d’automatiser ces diligences manuelles chronophages et porteuses de risques opérationnels non négligeables, sur tout ou partie de la chaine de valeur (Front to Back). Ainsi, des sociétés utilisent des systèmes d’identification par chat vidéo basés sur des algorithmes de reconnaissance faciale, permettant des entrées en relation sans passage en agence, quand d’autres proposent d’utiliser la reconnaissance optique de caractère afin d’identifier la Machine-Readable Zone présente sur un passeport.  Ces solutions, en plus d’être efficientes, sécurisées et innovantes, permettent d’améliorer l’expérience client en apportant une approche souvent ludique et instantanée.

Evidemment une Fintech n’a pas l’envergure d’une banque universelle ! 

On pourra donc imaginer des coopérations ici et là. Les Fintechs peuvent par exemple aider les banques à limiter le risque inhérent à leur activité, en particulier le risque de crédit, renforcer la sécurité des traitements, traiter les paiements en quasi temps réels, et proposer une approche client centric la plus aboutie possible. C’est ainsi que Cappitech propose des solutions de suivi et de calcul de capital règlementaire, que KYC Exchange NET offre une plateforme de collecte de données KYC ou que Trustev délivre des solutions de prévention contre la fraude en temps réel. Les banques s’y intéressent déjà de très près, et échangent régulièrement avec ces jeunes pousses sur les business model à construire afin d’intégrer ces solutions innovantes. Les questions sont nombreuses, les réponses variées : partenariat commercial, prise de participation, acquisition, incubation.

Certaines Fintechs optent pour une approche B to B, en permettant d’optimiser les processus, d’améliorer le time to market, de réduire les coûts. D’autres attaquent le marché du B (to B) to C, et proposent des services apportant également une valeur ajoutée directement perceptible pour le client : agrégation de comptes, marketing prédictif, chatbots, robo-advisors…

Finalement, les banques historiques seront-elles les principales challengers des Fintechs ?

Le niveau et le rythme des transformations actuelles sont sans précédent. Les plus grosses capitalisations boursières aujourd’hui sont des sociétés qui n’existaient pas il y a 20 ans et le marché bancaire fait l’objet de convoitises. Conscientes des changements structurels qui sont en jeu, et désirant éviter le trop fameux « effet Kodak », les banques investissent désormais largement en R&D et plus particulièrement dans les digital factory. Les hubs d’innovation intégrés, FabLab et autres investissements directs des banques auprès des Fintechs leurs permettent d’être en prise directe avec les innovations que celles-ci portent sur le marché. L’objectif est double : s’approprier directement la valeur ajoutée des jeunes pousses tout en acculturant au mieux leurs collaborateurs au business model plus agile et technologique que ces dernières insufflent. Des initiatives telle que Bank Project, en open source, permettent même aux banques historiques de partager les cas d’usages testés afin de mutualiser les efforts dans la course à l’adoption technologique.

Dans cet espace concurrentiel, les Fintechs aussi pourront se coaliser ! En effet, des synergies se mettent déjà en place: N26 par exemple, néo-banque berlinoise, commence à héberger des solutions développées par d’autres fintechs afin de proposer des solutions innovantes, modulaires, et susceptibles de désintermédier tout ou partie de la chaine de valeur des acteurs historiques : Younited Credit pour du crédit à la consommation,  Clark pour l’assurance, Raisin pour l’épargne… L’ADN des fintechs étant avant tout d’être une plateforme technologique, celles-ci pourront vite horizontaliser leur positionnement si telle est leur stratégie.

Conclusion : le partenariat, quelle qu’en soit la nature,  nous paraît presque inéluctable à moyen terme, car les Fintechs sont le creuset des innovations technologiques, que l’adoption progressive par les grands acteurs, rend incontournables. De la capacité à intégrer et à valoriser ces solutions dépendra l’avenir des banques historiques. In fine, ce seront donc plus surement les GAFAM et BATX qui constitueront des menaces pour les banques, avec une force de frappe d’autant plus inquiétante, et un taux de pénétration du marché déjà très fort…

Le contributeur :

Pascal de Lima est actuellement Chef économiste d’Harwell Management. C’est un économiste-knowledge manager c’est à dire qu’il pratique l’économie dans le domaine de la gestion de la connaissance (knowledge management en anglais) dans des cabinets de conseil en management.

Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Barcelone, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l’exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques.

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