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Les revenus d’un freelance: du chiffre d’affaires au compte personnel

Par François Vasnier, freelance

Bravo! Vous avez trouvé votre premier client, vous avez donc monté votre statutbien étudié les frais auxquels vous allez faire face et maintenant: comment allez vous gérer vos revenus?

L’ensemble de l’article sera basé sur un Taux Journalier Moyen (TJM) de 400 euros HT, cela représente combien vous allez facturer chaque jour à votre client. Le nombre de jour travaillés sera de 19 jours par mois (ce qui correspond grossièrement à 1 mois et demi d’inactivité/vacances par an).

Au niveau des frais, je prendrai la tranche haute de l’article précédent, soit un total d’environ 600 euros par mois.

Tout ce que je vais raconter ici est personnalisable pour votre situation: je vous mets à disposition un simulateur qui vous permettra de tester différents cas (niveau de facturation, frais, pôle emploi, etc.). Gardez en tête que cet article vise à vous donner des ordres de grandeur, il n’a pas vocation à être exhaustif.

(Comme pour les articles précédents, je pars du principe que vous êtes en SASU imposé à l’Impôt sur les Sociétés (IS))

La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA)

Nous payons tous les jours la TVA sur chacun des biens que nous achetons: du restaurant à l’ordinateur, tout (ou presque) est soumis à la TVA. Par contre c’est une taxe qui est indolore pour les entreprises. C’est-à-dire que vous allez en collecter (en facturant) et en payer (par exemple pour un ordinateur) et à la fin tout s’équilibrera. Vous reverserez l’excédent à l’Etat à la fin de chaque mois.

Votre premier virement reçu sera donc de 20 x 480 euros TTC = 9 120 euros TTC qui se transforment en 7 600 euros HT. On retire ensuite les 600 euros de frais mensuel (voir ici si vous souhaitez calculer vos frais) pour arriver à 7000 euros HT.

Sauf que…! Les 7 600 euros HT ne sont pas du tout dans votre poche, rappelez-vous que cet argent appartient à la société et qu’il vous faut maintenant vous les verser via différents dispositifs.

Attention: à partir de maintenant, dés que vous pensez entreprise, pensez toujours Hors Taxe (HT).

L’oxygène de votre société: le cash

Toujours garder un peu d’argent de côté pour les coups durs

Tout d’abord, il faut garder un point ultra-important en tête à chaque instant. Le cash est l’oxygène de votre société. C’est ce qui permet à votre société de payer ses charges et d’investir dans son futur (matériel, rendez-vous client, prospection, etc.).

Ainsi, je préconise à chaque freelance que je rencontre de bien penser à garder au moins 15% du chiffre d’affaires sur le compte de la société. Vous pouvez considérer que c’est une réserve qui vous servira bien un jour, dans l’année ou même plus tard: coup dur, nécessité d’investissement, absence de contrat, etc.

On arrive donc à un total restant de 7 000 euros – 1 500 euros HT = 5 500 euros HT qui reste disponible pour vous rémunérer à la fin du mois. Et on passe maintenant à la méthode la plus classique que vous connaissez certainement: le salariat!

Votre salaire

«Allo? Je souhaite me verser un salaire de 2800 euros net»

Qui fixe votre salaire? Lorsque vous êtes indépendant vous n’avez pas de contrat de travail ni de salaire fixé. Vous appelez donc votre comptable chaque mois pour lui demander de vous verser un certains montant, de votre choix.

Sauf que… l’Etat passe par là quand même.

Si vous convertissez entièrement les 5 500 euros HT en salaire, vous vous retrouverez avec un revenu net d’environ 2 800 euros. Les charges que vous paierez se décomposeront en deux parties:

  • Les charges patronales: 1750 euros
  • Les charges salariales: 950 euros

Vous serez alors autant couvert qu’un salarié car vous cotisez de la même manière: la sécurité sociale, la retraite, etc.

Attention cependant: vous n’avez pas le droit au chômage si un jour vous arrêtez votre activité. C’est en projet au niveau du gouvernement actuel mais il n’y a rien de garanti pour le moment.

C’est un peu simplifié et les montants ne sont pas parfaitement exacts mais l’ordre d’idée est là

L’impôt sur les sociétés

L’URSSAF, chaque année

Puisque vous avez choisi de mettre de côté 1 500 euros chaque mois sur le compte de la société, vous vous retrouverez avec un résultat brut positif à la fin de l’année. Votre société a gagné de l’argent, vous êtes rentable!

Sauf que… l’Etat passe par là encore! L’impôt sur les sociétés est dû lorsque la société a un résultat positif. Pour faire simple, de 0 à 33 900 euros vous êtes imposé à hauteur de 15% et au delà de 33 900 euros, l’imposition est augmentée à 28%.

Dans votre cas vous avez «seulement» 15% de 18 000 euros à payer, soit 2 700 euros d’impôt sur les sociétés.

Bravo, votre entreprise a fait un résultat net positif de 15 300 euros.

Les dividendes

Et non, ce n’est pas réservé aux grandes sociétés du CAC40!

En théorie, les dividendes ont pour vocation de récompenser le capital engagé. Lorsque vous avez formé votre société, vous avez choisi un capital social: c’est ce montant que vous allez récompenser en versant chaque année une certaine somme (un peu comme des intérêts sur un PEL).

En pratique, c’est un mode de rémunération relativement accepté qui sert à compléter les salaires que vous vous verserez. Les dividendes peuvent être versées à la fin de chaque année, sur la base du résultat net positif que vous avez réalisé. Vous pouvez donc choisir de vous verser les 15 300 euros précédemment calculé afin de «vider» les comptes de la société.

L’imposition des dividendes est beaucoup plus intéressante, vous avez remarqué que l’impôt sur les sociétés a été payé (15% dans la première tranche) et ensuite c’est seulement 15% qui seront à payer sur les dividendes versé. Vous toucherez donc sur votre compte bancaire personnel 13 005 euros.

ATTENTION : les dividendes sont versés lorsque le bilan est prêt (au moins 1 an après le début d’activité)

Pour conclure, gardez en tête que les dividendes ne doivent pas récompenser le travail, ce n’est pas leur objectif et même si c’est toléré aujourd’hui, cela pourrait changer. Attention donc aux dividendes trop élevés.

Un savant mélange pour optimiser

Vous l’avez remarqué, il y a des tranches d’impositions très différentes. L’impôt sur les sociétés double quasiment une fois passé un seuil. Ainsi, le versement des dividendes devient beaucoup moins intéressant.

Il faut donc savoir manier les différents leviers pour verser le bon montant de dividende et de salaire afin d’optimiser votre fiscalité. Par exemple, verser plus de dividendes (24000 euros) et le reste en salaire pourrait vous faire économiser jusqu’à 5% en charges/impôts.

Pôle emploi est aussi un très bon vecteur d’optimisation: vous pourriez avoir envie de garder l’argent dans l’entreprise afin de monter une «vraie» boîte ensuite. Il peut alors être intéressant de maintenir vos droits pôle emploi et ne pas vous verser de salaire.

L’Aide au Chômeur Créant ou Reprenant une Entreprise (ACCRE) permet de bénéficier de baisse de cotisation sur les salaires que vous vous versez, aucune charges patronales ou salariales si vous vous versez moins de 24 000 euros/an.

J’ai réalisé un simulateur qui va vous permettre de bien comprendre ces différents enjeux: il est disponible ici.

One more thing… l’impôt sur le revenu

Vous le connaissez certainement déjà très bien, chaque année vous payez l’Impôt sur le Revenu (IR). Le revenu net que vous avez touché est d’environ 4 000 euros net chaque mois, soit environ 48 000 euros sur l’année.

Si vous étiez salarié avant, il est probable ce soit un gros changement et que vous sautiez quelques tranches d’impôt. Votre revenu net imposable ne sera pas de 48 000 euros car il sera diminué de 5 200 euros grâce à une optimisation sur les dividendes (60% seulement est imposable), vous aurez à payer environ 5 500 euros d’impôts.

Sauf que… avant vous étiez salarié: si vous aviez la chance d’avoir un bon salaire, c’était naturel de payer votre impôt sur le revenu. En tant que Freelance, dirigeant d’entreprise, c’est tout aussi normal de payer l’IR vous avez toute liberté de choisir les salaires/dividendes que vous vous verserez. Vous pouvez très bien lisser sur plusieurs années vos revenus et ainsi éviter de trop augmenter votre impôt sur le revenu.

Il faut mieux gagner 25 000 euros deux années de suite plutôt que 50 000 euros puis 0 euros.

Dans ce cas je préconiserai certainement d’arriver à un revenu mensuel avant impôt d’environ 3000 euros afin de garder un bon «matelas» dans l’entreprise. A vous de voir!

L’air de rien… c’est plutôt rentable!

Et oui! C’est un statut précaire, plus complexe MAIS c’est plus intéressant financièrement. Généralement un développeur junior avec un salaire de 2000 euros net va pouvoir obtenir au moins un TJM comme celui de cet article, 400 euros HT/jour.

Pensez-y! Je serai ravi de vous accompagner dans vos démarches et si vous avez des questions, n’hésitez surtout pas à m’envoyer un email sur francois@dataheroes.fr, promis: je répondrai!

Le lancement de la Falcon Heavy, c’est dans moins d’un mois (normalement !)

 

François Vannier

Ingénieur Développeur Node.Js, Data Scientist, passionné par l’innovation

CATHAY INNOVATION EDUCAPITAL XANGE
A Global Venture Capital Firm Connecting Innovators Everywhere The largest European Edtech & Future of Work VC Today's disruption, Tomorrow's daily life
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8 commentaires

  1. Il y a une grosse erreur que je me dois de signaler : un indépendant (ou freelance comme vous dites) ne peut pas se salarier, sauf à passer par une société de portage salarial, ou à être sous forme juridique de SASU – mais dans ce cas il est en société, il n’est pas indépendant ou freelance. Si non, son revenu est le bénéfice de son activité, sur lequel il a payé des cotisations sociales de non salarié. Sa rémunération consiste en des prélèvements sur ce bénéfice, à lui de prélever en fonction de son bénéfice et non de ses envies !

    1. Hello Neveu,

      Comme précisé au début de l’article, c’est basé sur la mise en place d’une SASU imposé à l’IS. Je ne suis pas comptable au juriste, j’ai donc préféré faire un article très spécifique qui correspond néanmoins à 80% des free-lance tech ?

      A très vite,
      François

      1. Une comparaison avec le statut de SARL aurait été intéressant. Pas sûre que le statut de SASU soit le plus avantageux, à voir…

  2. Merci pour cet article. Une petite précision, 19 jours travaillés ne correspondent pas aux jours facturés : il faut prendre en compte l’administratif, la gestion d’entreprise, le démarchage, etc.

  3. Bonjour,

    J’ai débuté en indépendant et je gère aujourd’hui une entreprise de 5 personnes. Le calcul est intéressant… pour une société. Mais il ne s’applique pas à la majorité des freelances qui travaillent en auto-entreprise. Surtout depuis le doublement des plafonds, l’intérêt de conserver une SASU, avec les frais qu’elle génère (charges sur le salaire, comptabilité, juridique) pour réaliser plus ou moins 70 k€ de CA est très limité. Avec 26% de charges, l’auto-entreprise est bien plus rentable, même si elle n’offre pas les mêmes garanties sur le volet social : chômage, retraite, complémentaire, prévoyance (…) sont à prendre sous forme de complémentaires pour une centaine d’euros par mois hors chômage.

    L’autre faiblesse de l’article est le calcul de base qui prend en compte que pour 19 jours travaillés, il y aura 19 jours de production. Un indépendant est chef d’entreprise : il doit donc gérer sa comptabilité, faire ses devis, ses factures, ses dossiers de recommandation, rencontrer ses clients, faire ses réunions de suivi de projet, et surtout prendre en charge tout le volet commercial. Les à côté prennent souvent jusqu’à 50% du temps de travail d’un indépendant, qui dès lors ne produit réellement plus que 10 jours par mois, surtout pour quelqu’un qui vient de se lancer.

    Je partage la conclusion de l’article : oui, c’est rentable, mais avant de pouvoir facturer ses clients 400 € jour 19 jours par mois, il va falloir bosser dur pas mal de temps !

    Amitiés
    Un indépendant devenu chef d’entreprise

    1. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous Vincent. L’article stipule que le client a été trouvé au préalable, et concernant l’administratif, bien souvent vous pouvez le déléguer à un cabinet d’expertise comptable qui facturerait environ 2000 € /an.
      Faire une facture prend 10 minutes. Implicitement, dans l’introduction on comprend qu’il s’agit de prestation de service. Bref, il parle d’un ingé en informatique qui va faire une mission d’un an chez un client.
      Pour faire la même chose (mais en SARL), je peux vous assurer, qu’en un an, l’administratif que je doit gérer au total me prend moins de 24h (donc <3×400€ sur une base de travail de 8h/j (3×8=24)).
      On arrive donc à environ 3200€ de frais de fonctionnement, sur les 19x400x12=91200 € de CA annuel, soit 3.5%.
      Avant de pouvoir facturer 400€/mois le gus n'a pas besoin de prospecter beaucoup, il va sur linkedin, contacte une dizaine de chasseurs de tête, et 15j après, il a du boulot.
      Donc oui c'est rentable, mais pour un junior dans l'IT j'en doute, il lui faudrait plutôt faire 5 ans en salarié pour bien maitriser des technos avant de se lancer dans le freelance.

  4. Hello François,

    Beaucoup de bonne information. Je vois que les chiffres divisent. J’ai déjà une société en SASU et là je viens de créer ma micro-entreprise pour une mission en freelance. Mes montants de départ sont beaucoup moins importants même si comme je suis business developper j’ai une partie variable.
    Mais j’ai bien compris dans cet exemple que le freelance avait déjà son client.
    En tout cas c’est assez rassurant de voir qu’il y a beaucoup de freelance qui s’en sortent bien surtout avec les conseils sur le calcul de salaire et de la partie dividende à bien calculer.
    Encore merci pour ses bonnes informations François,

    A bientôt,

    Thierry

  5. bonjour, si je reprends cette phrase venant qu’il faudrait mettre 15% de coté dans la société, le calcul est faux :

    « On arrive donc à un total restant de 7 000 euros – 1 500 euros HT = 5 500 euros HT »

    15% de 7000€ étant = 1050€

    du coup tout la suite est fausse non ?

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