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Planter sa boîte: la vraie histoire et comment s’y préparer

Depuis un certain temps, on voit de plus en plus de boîtes qui plantent, souvent des millions, et dont les fondateurs s’épanchent sur Medium, trop souvent rapidement excusés, comme si tout cela était parfaitement normal. Il y a un vrai hype du fail, comme si on était sur la côte Ouest.

Si ça peut être le cas quand il y a des investisseurs pour payer, c’est très différent quand vous avez des engagements personnels et une responsabilité de dirigeant. J’en ai fait l’expérience en 2003 et je vais vous la raconter.

Jumpin' Jack Flash

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Les infos sont un peu datées, d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, mais ça me semble quand même important de partager, d’autant que les fondamentaux restent les mêmes.

Si ce post peut éviter ne serait-ce qu’à une personne de répéter mes erreurs, il aura déjà servi à quelque chose.

J’avais 23 ans quand j’ai créé mon agence en 1993 et j’ai assez vite eu pas mal de chance. Mon premier client était Jean-David Blanc qui était en train de créer AlloCiné (par téléphone à l’époque). Par la suite j’ai logiquement et rapidement essaimé dans le milieu du cinéma, puis de l’entertainment en général (musique, jeux vidéo, DVD, etc).

Je n’avais aucune formation particulière, juste mon bac et un très vague BTS de publicité (vous verrez par la suite qu’un MBA n’aurait pas été du luxe).

Mais j’ai très vite été le boss d’une boîte avec 5, 10, 15 puis 35 salariés (au pic), bossant dans la pub pour des clients comme Disney, Gaumont, Universal (Musique et Cinéma) et beaucoup d’autres… Le rêve, ma maman était fière.

C’était une période bénie où avoir des compétences informatiques rapportait directement (demandez à Niel et les autres). Savoir utiliser QuarkXpress ou Photoshop était un must, on vendait autant qu’on pouvait et j’avais un revenu important pour mon âge. Un peu comme un gamin qui maîtrise la scalabilité du Big Data de nos jours.

J’ai discuté avec M. Night Shyamalan et géré la sortie de Sixième Sens (non je ne vous dirais pas la fin), j’ai fait la soirée de lancement de Coyote Girls sur les Champs (comme dans le film, avec des bombes en talons haut se déhanchant sur le bar), j’ai géré des nanards français comme américains, j’ai fait des centaines de pochettes de DVD et de compilations… Bref, j’étais dans la pub.

Tous les ans on partait avec toute l’agence et le matériel à Cannes pour le Festival et on faisait 30% du CA annuel en 15 jours… tout en prenant du (très) bon temps (Bolloré faisait encore du papier à rouler et les soirées Canal dépassaient l’entendement).

Rapidement internet est arrivé et on en a encore plus bénéficié: boîte de geeks, on a très vite maîtrisé le sujet (principalement Flash à l’époque). On faisait des sites ou des jeux pour nos clients, à des prix de rêve car il n’y avait pas ou peu d’alternatives.

C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’on avait créé un intranet (en fait une app, mais on ne le savait pas à l’époque) pour faire nos devis et calculer nos marges, qui donnera plus tard l’idée de Sellsy.

Je parle d’une époque où on payait 5.000 Francs par mois pour une ligne spécialisée «64 Kb» (mais tellement plus confortable que l’asynchrone 56K), 3.000 Francs pour une barrette mémoire de 32 mégas (oui, mégas) et où l’on hébergeait chez nous (oui chez nous, dans la salle du fond, sur un vieux mac) les sites de nos clients. Steve Jobs pétait la forme et se faisait virer de chez Apple.

A ce moment là je n’avais pas de problème de trésorerie, je n’avais d’ailleurs aucun problème, que des solutions et un avenir radieux.

Je vais arrêter de radoter, je pense que vous voyez le tableau: ça ne s’est pas aussi bien terminé que prévu (sinon je montrerais ma Rolex à la télé et je claquerais des bises aux candidats à la primaire).

Au cours de ma carrière publicitaire, j’ai rencontré mon épouse qui se trouve être médecin. Après quelques années ensemble, les choses ont pris une tournure différente.

D’abord j’ai eu un, puis deux enfants. Plus ça allait, plus le délire pub (et tout ce qui va avec comme les horaires et les excès) commençait à me peser et à me mettre en décalage avec mes proches. Ce n’était pas 99 Francs mais je tirais clairement sur la corde.

Qui plus est, la conjoncture est devenue de plus en plus difficile: 11 septembre, Napster et le MP3 (je bossais beaucoup avec les majors du disque à l’époque)… C’est de plus en plus dur, la concurrence devient féroce.

A un moment j’ai tenté de me recentrer sur des sujets plus classiques (et plus rentables) comme des yaourts, mais ni moi ni mon équipe ne nous sentions de nous lancer avec un semblant de motivation (on avait créé l’affiche de In The Mood For Love de Wong Kar Waï, alors les yaourts…).

Malgré tous les efforts de Jean-Marie Messier, l’orgie de la fusion des médias n’arrivait pas et l’iPhone ne sortirait que quelques années plus tard, trop tard en fait, tout comme l’ADSL et Free. On s’est retrouvés dans le coup de mou, au mauvais moment.

Bref, ça commençait à sérieusement partir en vrille quand je suis parti en vacances à Essaouira faire du windsurf, mon péché mignon (le kite n’existant pas à l’époque). Au retour j’avais attrapé une hépatite A bien carabinée. Après une semaine à pisser du coca et un bref séjour à l'hôpital, le verdict des médecins était clair: au moins un mois de repos.

Trois jours plus tard j’étais au boulot, juste un peu moins jaune.

C’est le moment où ma femme a été très claire sur mon espérance de vie limitée si je continuais comme ça.

J’étais en plus dans un système pourri où si je licenciais un créatif, il bossait le lendemain en direct pour mon client pour un quart du prix. J’envoyais des coursiers chercher les chèques chez les clients pour tenir les échéances de salaires. Bref, la loose totale.

C’est là que j’ai décidé de plier la boîte et c’est là que j’ai appris beaucoup de choses. Ça a forgé la suite de mon existence et ça m’a coûté très cher, et pas que financièrement. Ça m’a aussi apporté beaucoup dans mes aventures suivantes.

Donc si vous êtes dirigeant inscrit au KBIS de l’entreprise, lisez ce qui suit.

 

FrenchWeb vous propose de publier vos expériences d'entrepreneurs. N'hésitez pas à contacter Myriam@Decode Media.media

 

Yellow Submarine

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Quand vous pliez votre boîte, vous vous posez une question simple: combien je vais laisser de déficit et est ce que c’est condamnable (voir plus bas)? Jusqu’où risquez vous de plonger?

Pour ma part, j’ai fait un calcul simple: je devais environ 100.000 euros à mes fournisseurs, pour une boîte qui devait faire 2 millions d'euros de CA à l’époque. Ça paraissait raisonnable.

Il y avait bien quelques dettes sociales à côté, mais là encore, rien de très violent.

Sauf que je n’avais pas noté un point: quand vous liquidez l’entreprise, tous les salaires sont payés ainsi que les soldes de tous comptes (par le Fonds National de Garantie des Salaires). Mais ces montants viennent augmenter votre déficit!

C’est donc ainsi que je me suis retrouvé à déposer en pensant avoir 150.000 euros ou 200.000 euros de déficit quand ça s’est fini à plus de 600.000 euros (avant frais du liquidateur).

C’est un point essentiel que je n’avais pas vu venir et quand c’est fait, c’est trop tard: allez donc discuter avec le liquidateur!

Il faut donc bien comprendre que dès lors que vous prenez votre décision et envoyez votre lettre au tribunal, vous perdez complètement la main, sur tout: comptes bancaires, salariés, décisions… Le tribunal vous le précisera de toute façon très clairement.

Notez qu’avoir un expert-comptable et des conseils ne vous sauve pas de ce qui va suivre, c’est plutôt le désert quand ça tombe, vu que vous ne pouvez plus payer les honoraires, que le liquidateur dénonce aussitôt leurs missions et qu’ils savent très bien ce qui vous attend.

Cette partie est importante car quand j’ai déposé, je l’ai fait un peu sur un coup de tête, de ras le bol. Si j’avais su ce qui va suivre, j’aurais sûrement privilégié un redressement avec un plan social. Il y avait des clients fidèles et ça aurait sûrement marché.

Paint It, Black

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Quand j’avais ma boîte, mes charges de gérant majoritaire étaient payées par la société, je ne m’en suis donc jamais vraiment soucié.

Au moment où les choses ont commencé à devenir compliquées, la première souplesse que nous avions sur la trésorerie était le paiement des charges, et notamment des miennes (ça ne dure pas longtemps, mais c’est le plus évident et le plus massif à décaler dans une boîte ou les charges de personnel représentent plus de 80% du total).

Quand j’ai déposé le bilan et été liquidé, je devais environ 100.000 euros de charges sociales de gérant à l’URSSAF. J’ai très vite appris que ce n'était pas de la responsabilité de la boîte mais que c’était une dette personnelle.

J’ai donc dû négocier avec eux et ils m’ont accordé un délai de paiement à hauteur de 1000 euros/mois. Vous avez fait le calcul: j’ai donc payé 1000 euros/mois à l’URSSAF pendant huit ans, là où j’aurais probablement commencé à investir dans une résidence principale, comme tout bon père de famille nombreuse.

J’ai toujours mon alerte «Payer URSSAF» mensuelle dans mon calendrier Gmail. Tous les mois, j’apprécie ce sentiment de plénitude quand je la vois passer.

Taxman

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«C’est génial, notre banquier accepte de nous prêter 100.000 euros pour la rénovation des nouveaux bureaux!» Le genre de nouvelle qui vous galvanise une équipe et prouve la confiance dudit banquier dans votre incroyable et très certainement profitable projet.

Sauf que quand vous sortez l’info avec le champagne à votre équipe, vous oubliez probablement de leur parler du papier de quinze lignes que vous avez dû remplir à la main pour obtenir la fameuse «confiance»: votre caution personnelle.

Cette bonne blague m’a fait condamner à 40.000 euros de plus, confirmé en appel. La caution, c’est du béton.

Et c’est du béton avec de la mémoire: j’avais une autorisation de découvert de 15.000 euros cautionnée par ma mère dix ans avant (pour m’aider au début). Je vous laisse deviner le résultat. Sorry Mom :(

Un banquier, c’est bien connu, vous prête son parapluie quand il fait beau pour vous le retirer dès qu’il commence à pleuvoir.

Heart Of Stone

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Quand j’ai déposé le bilan ça me semblait une décision raisonnable, pour moi mais aussi pour mes équipes. On n'arrêtait pas de licencier. L’ambiance s'alourdissant, je me disais que c’était la bonne décision et qu’elle serait comprise.

De toute façon, le plan B c’était de licencier les deux tiers du personnel et ça, tout le monde le savait dans la boîte.

Grave erreur! Du jour au lendemain j’ai pris le tarif comme jamais dans ma vie. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais j’ai vraiment dégusté et j’en ai longtemps souffert. Ça m’a beaucoup appris sur le management, mais j’aurais aimé une expérience moins traumatisante.

Passer de vingt amis dans une boîte cool à une campagne de haine totale de gens qui ne pensent qu’à leur paye, ça surprend. On m'appelait même Picsou dans son donjon car mon bureau était sur une mezzanine.

Tout ça pour me retrouver seul, sur un bureau dans ma cave à essayer d’enchainer sur autre chose, harcelé par des bancs d’huissiers (voir la suite).

Seul point positif: je n’explosais plus mon forfait téléphonique (de toute façon j’avais du changer de numéro, ma ligne historique ayant été dénoncée par le liquidateur).

It’s Only Love

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Dans les jours suivant la liquidation (qui va très vite), une vente est organisée dans vos bureaux. Si vous regardez la série Enchères à tout prix ça vous donne une idée: une dizaine de loulous qui achètent les précieux macs au poids et embarquent le scanner à 15.000 euros pour 100 euros (il faut bien dégager l’espace pour rendre le local au bailleur).

Je ne peux même pas enchérir: si je sortais de l’argent, l’huissier me le confisquerait et je n’ai pas eu le vice d’emmener quelqu’un avec moi.

C’est probablement le moment le plus noir, quand on se retrouve dans la pièce vidée de tout son mobilier. On ne tourne même pas une dernière fois, la clé. On sort comme les autres. Clap de fin.

Let Spend The Night Together

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Si les salariés ne me parlaient plus et piquaient des aiguilles dans une poupée à mon image, j’ai rapidement découvert que j’avais de nouveaux amis, incroyablement fidèles: les huissiers.

Avec une femme encore interne en médecine, deux enfants et un troisième en bonne voie, je ne vous raconte pas le stress.

Nous n’avions guère de choses de vraie valeur à la maison, mais des biens de famille que nous ne voulions pas voir saisis.

Pour la voiture, à mon nom, ça n’a pas fait un pli: direction saisie. Mais comme dirait Richard, la marche c’est la santé.

Cacher ses affaires dans la cave du voisin: check. Score de honte: 100%.

The Long And Winding Road

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Une fois la boîte en liquidation, entre en scène le liquidateur.

Son job est d’essayer de rapprocher les deux bouts (dettes et créances) tout en se payant grassement sur le cadavre de votre société, ce qui augmente encore plus votre déficit. Lui est payé en top priorité, donc il trouvera toujours de quoi réunir ses honoraires.

J’ai déjà évoqué plus haut la dette automatiquement créée par le FNGS.

Face à cette situation, le liquidateur ne réfléchit pas beaucoup: il vous attaque personnellement.

C’est là que vous commencez à regarder Google (qui avait été créé entre temps) et que vous commencez à sérieusement flipper.

La loi est très claire: en cas de faute de gestion, vous êtes potentiellement condamnable au remboursement de tout ou partie du passif, assorti d’une interdiction de gérer à l’appréciation du tribunal.

Vous êtes noyé d’assignations, de papiers, de bilans à charge envoyés par le liquidateur. Le ton est méchant et sec, les questions dérangeantes. Les peines peuvent être pénales en cas d’abus ou de mauvaise foi. Et un abus, c’est facile à prouver, non? Petit à petit, vous vous sentez partir en prison et le bisou aux enfants à l’heure du coucher devient un moment angoissant.

Tout ceci s’inscrit dans une très longue attente (4 ans dans mon cas, le liquidateur ayant intérêt à faire durer pour prendre plus d’honoraires), avec une épée de Damocles de 600.000 euros ou plus au dessus de votre tête: inutile de dire que ce n’est pas le temps des projets.

Evidemment, votre avocat vous regarde avec un regard chafouin: il est bien incapable de prédire le résultat, les décisions du Tribunal de Commerce étant réputées pour leur côté aléatoire.

Je suis un peu méchant quand je dis ça car mon avocate, avec qui je travaille toujours, est une amie, super combative, mais le regard était bien celui que je décris et le risque était très réel.

Le jour dit je me rends au tribunal et je choisis l’axe de défense le plus évident: ma femme est là dans la salle, j’expose ma version des faits, ma méconnaissance des règles et je m’excuse. J’explique ma situation familiale, mes sombres perspectives et assure que je ne veux plus jamais diriger une boîte de ma vie (je m’y tiens d’ailleurs toujours, merci Fred, qui fait le job bien mieux que moi).

Le juge joue le jeu, le procureur aussi et je m’en sors bien: pas de condamnation au passif, mais je prends sept ans d’interdiction de gérer.

Ça pique, ça fait mal, ça vexe mais je n’aggrave pas mes dettes, la vie peut continuer.

Comme Marylin, ça me fera sept ans de réflexion et de toute façon, diriger une boîte est la dernière chose dont j’ai envie à ce moment là. Je positive.

Tatoo Me

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On nous bassine dans la presse sur la «deuxième chance» tellement évidente aux US: j’ai planté, donc je ferais mieux la fois suivante. That’s all folks!

Je crains que ces beaux discours politiques n’aient jamais porté leurs fruits de ce côté de l’Atlantique. Des ministres en ont parlé mais fondamentalement la loi est restée la même.

Pour ma part, je n’ai jamais vraiment ressenti cet enthousiasme suite à mes aventures de «failer».

D’abord mes sept ans d’interdiction de gérer se sont traduites par sept ans d’interdiction Banque de France. Il m’a été impossible d’emprunter le moindre centime pendant toutes ces années. Mes relations avec ma banque étaient glaciales, avec une tolérance zéro et des frais massifs au moindre incident. Bien entendu, en changer n’était pas une option.

Ce n’est que lors de mon premier exit de start-up que j’ai pu devenir propriétaire et changer de banque.

Pendant des années j’ai été «fondateur actionnaire salarié», un statut bizarre mais bien obligatoire vu ma situation. Cela ne fait qu’un an que j’ai pu, légitimement, apparaître sur le KBIS de ma société.

«Il y a un an, mais ça fait plus de sept ans» me diront ceux qui suivent. Sauf que la condamnation part du jugement, pas du dépôt de bilan. J’ai bien été interdit jusqu’en 2014, soit 11 ans après les faits.

A un moment dans l’aventure Sellsy, ce marquage Banque de France nous a fait planter une levée de fonds avec un fond français bien connu («Ça risquait de paniquer les souscripteurs»), alors que les VC avaient pour ainsi dire le stylo dans la main.

Encore aujourd’hui, la page de mon ancienne entreprise existe sur societe.com avec «Faillite» bien en rouge et juste en dessous, mon nom en évidence.

Bref, si vous voulez savoir ce que le terme «tricard» veut vraiment dire, plantez votre boîte, le système vous le rendra.

I Am The Walrus

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Si vous avez lu jusque là vous devez vous demander comment j’ai pu en sortir: comme ça, ça ne saute pas aux yeux.

D’abord, quand j’ai plié ma boîte, j’ai directement pu travailler avec d’anciens clients, les plus fidèles: comme mes salariés, je me suis mis en freelance (avec Fred qui avait créé sa boîte entre temps et pouvait me payer en salaire) et j’ai pu tout de suite enchaîner. A aucun moment je ne me suis retrouvé sans revenu (de toute façon, je ne pouvais compter sur aucun chômage, n’étant pas salarié auparavant).

Ma femme aussi a joué le jeu. Pendant une longue période, pas encore diplômée et donc incapable d’exercer, interne sous payée le jour, elle a fait un job d’infirmière de nuit pour qu’on puisse passer. Job peu glamour dans un service de chirurgie de la main, à changer les pansements à heures fixes, toute la nuit. Ce sont vraiment des moments dans lesquels on est contents de former une belle équipe.

Inutile de vous dire que quand elle me racontait l'ouvrier qui avait coincé sa main dans une machine-outil ou une broyeuse à végétaux, je ne faisais pas le malin, pas du tout. Je comptais les doigts manquants avec elle.

Même si c’était difficile, je n’ai jamais perdu ma motivation et j’ai rapidement pu enchaîner avec Fred sur notre premier projet de startup, un MVP (j’ai fait le PHP moi même alors que je suis un super mauvais codeur) et une première levée. Ce qui nous a décidé à arrêter le conseil pour passer en mode start-up, ce qui vaudrait un autre article.

C’est à ce moment que j’ai quitté Paris pour La Rochelle, un excellent moyen de vraiment faire un start-over total, privilégiant la famille et la qualité de vie, surtout pour les enfants, rapidement rejoints par une quatrième.

La fameuse start-up, un site de dating gay, a été rachetée par le Groupe Meetic dans conditions rocambolesques, qui mériteraient là aussi un nouvel article à elles seules.

Cette vente nous a permis de financer les débuts de Sellsy, rapidement suivis par un fond d’investissement plus intelligent que les autres.

Depuis, Sellsy suit une forte croissance avec une équipe de 45 salariés, à vendre un produit inventé 15 ans plus tôt. Comme quoi la résilience…

It's All Over Now

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Ce post n’a pas pour vocation de vous décourager, au contraire. L’époque à changé et désormais l’accompagnement est plus facile, ne serait ce qu’avec Google et les centaines de structures d’accompagnement qui n’existaient pas à l’époque.

Mais les chausses-trappes que j’évoque ici sont toujours exactement les mêmes: si vous prenez trop de risques, c’est sur vous que ça risque de se retourner.

Certains diront que j’ai été trop naïf, mais je n’ai jamais eu une âme de margoulin et de toute façon, dès que vous envoyez votre lettre, le système tout entier me semble impossible à contrer, sauf à tomber dans la pure illégalité, ce que j’ai toujours refusé.

N’importe quel expert-comptable ou avocat vous dira que les points que je cite sont des évidences. Certes, mais pas pour un jeune qui se lance sans formation et qui n’a jamais posé la question, ou du moins, pas à temps.

Ceux qui me suivent savent que je suis souvent vent debout contre les start-up qui plantent des millions trop rapidement investis par des VC trop naïfs.

L’ironie c’est que ces entrepreneurs là ne prennent aucun risque personnel: c’est le fond qui est floué dans l’histoire, pas les fondateurs (enfin, s’ils sont un peu plus malins que moi).

Et il faut aussi noter que nous n’avons pas les informations qui suivent le post sur Medium: il est probable que certains rencontrent de grosses difficultés, sauf qu’ils ne le savent pas encore.

Ce message est pour les créateurs d’entreprise, start-up ou pas, qui tentent sur leur propres deniers et prennent de vrais risques.

Il faut aussi noter que je ne suis pas aigri par ces aventures: j’ai bien réussi par la suite et je suis la preuve vivante qu’on peut rebondir même après une catastrophe comme celle ci.

Ça m’a coûté cher, mais j’ai gagné bien plus au final et ça m’a permis de créer des entreprises carrées, sérieuses et sans engagements personnels.

C’est aussi rassurant pour Sellsy, ses salariés et ses clients. S’il y a des managers qui regardent les nuages arriver de très loin, ce sont bien Fred et moi.

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Alain Mevellec est le fondateur de Sellsy.

 

 

 

 

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14 commentaires

  1. Ayant connu de gros soucis du même genre, ici en Belgique, votre article raisonne en moi ^^ Ce genre d’explications et de parcours devraient être ‘enseigné’ dans les écoles, pour prévenir des risques mais aussi des espoirs! Belle journée!

  2. Un gros gloups en lisant ça depuis mon incubateur, mais super lecture !

  3. Merci pour cet article tres riche et tres intéressant à lire.

    Ca fait 10 ans que j’ai créé ma boite. Et je sais de quoi tu parles !

  4. Merci pour le partage d’expérience, maintenant j’ai envie de lire les deux autres articles dont vous parlez mais pas encore publiés?

  5. Cc alain,
    Super article, vraiment je kiff,
    Je ne sais pas comment le prendre, vu que ce sue tu disbest tellement réel, et c’est le côté obscur du fondateur de startup,
    Est-ce un avertissement ou une source de motivation pour faire les chose bien et ne pas griller les étapes ????
    Franchement chapeu

  6. Merci pour ce témoignage, j’aurais aimé voir cela il y a 3 ans!

    Malheureusement l’accompagnement en incubateur ou accélérateur ne change pas grand chose effectivement. Ceux qui investissent dans le succès de la société ne sont pas les bons conseils pour la protection du dirigeant.

    Quelques échos à mon histoire:
    – monté ma boîte à 28 ans en 2004
    – 12 personnes, leader dans son secteur, 300 clients dans 12 pays, 17 associés dont 2 VCs
    – le cycle de l’industrie s’inverse, mon gros revendeur me plante et ne paye plus, il met la pression pour simplement racheter certains des actifs de la boîte
    – appel au secours à l’état via une procédure de conciliation 6 mois avant la liquidation
    – remise au pot des actionnaires pour prendre le temps de vendre la boîte au plus offrant en urgence, pas le bon timing
    – envoi de ma lettre au tribunal au bout de 10 ans, un vendredi 13, à minuit, à la veille du délai de cessation de paiement
    – mon comptable me plante, je ne peux plus payer mon avocat
    – le liquidateur, les huissiers, les finances publiques lancent la machine
    – les insultes fusent de tous ceux que je plante: associés, fournisseurs, clients, partenaires, …, pas les salariés dans mon cas (grâce à la procédure de conciliation je pense)
    – le jugement final est reconduit chaque année depuis pour pouvoir finir la procédure, avec un dénouement prévu en janvier 2017 -> fingers crossed

    Et personnellement, toujours chez la même banque qui ne sait que dire non, pas de chômage, des boulots quand j’en trouve et pas d’envie de projet tant que l’affaire n’est pas vraiment bouclée.

    Même conseil aux entrepreneurs qui sont dans l’aventure: pensez à votre protection et celle de vos actionnaires, faites appel aux accompagnements de l’état dès que ça part en sucette: mandats ad’hoc, conciliation, redressement, …. Cela redonne la main et c’est l’état qui tranche au final donc autant l’impliquer au plus tôt.

    J’ajouterais aussi qu’il faut sérieusement penser à son cv dans le cas d’un échec éventuel, parce qu’on sort complètement des grilles RH classiques avec ce type d’expérience, et que trouver du boulot devient l’urgence.

    Merci pour cette belle histoire et bon vent !

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