Amazon peut-il devenir un «game changer» dans la mode?
Dans le secteur de la mode, Amazon n'a pas l'intention de n'être qu'une simple plateforme de vente pour les marques. L'e-commerçant multiplie les initiatives dans le secteur. A commencer par le lancement de ses propres collections. C'est ainsi qu'il a récemment créé sept marques de vêtements et d'accessoires de mode : Franklin & Freeman et Franklin Tailored pour les chaussures et costumes pour hommes, James & Erin et Lark & Ro pour les femmes, ou encore Scout + Ro pour les enfants. Toutes ces marques, qui représentent plus de 1 800 références, ont été déposées au Luxembourg via une filiale baptisée «Amazon Technologies», selon le site CNN Money.
Pour l'instant, Amazon ne s'est pas encore publiquement exprimé sur cette intiative. Jusqu'à présent, l'e-commerçant distribuait certaines marques de mode et proposait à d'autres de vendre leurs produits via sa marketplace. Mais l'e-marchand américain a décidé d'accélérer par lui-même car, selon une étude de KeyBanc Capital Markets citée par CNN, seuls 15% des consommateurs actifs d'Amazon achèteraient des produits de mode. Une performance en deça des ambitions du géant américain.
Se construire une image dans la mode
Tout d'abord, le lancement de ses propres collections permet à Amazon de bénéficier du système de «double marges», bien connu dans la grande distribution; il consiste à toucher à la fois la marge distributeur et la marge du fabricant-créateur. «La mode est l’un des rares secteurs où les marges sont très confortables, et tout particulièrement quand on est à la fois fabricant et son propre distributeur», explique à Frenchweb Patrick Robin, managing partner de la banque d'affaires Avolta Partners et fondateur d'EasyLife Premium.
Des marques made by Amazon dans un seul souci de marges ? Peut-être, mais pas seulement car un autre facteur jouerait : l'image de marque d'Amazon est encore trop axée grande distribution, par rapport à ses concurrents.
« Zalando a une image liée à la mode et à l'émotionnel qui est beaucoup plus importante », souligne Yann Rivoallan, cofondateur de The Other Store, une agence de conseil dans le secteur de la distribution.
Pour rattraper son retard en la matière, Amazon a récemment lancé sa propre émission de mode sur Internet. Baptisée «Style Code Live», elle sera diffusée en direct dans un format quotidien de 30 minutes. «Cela montre bien qu’Amazon souhaite réussir enfin à se construire une image dans le secteur de la mode», ajoute pour sa part Patrick Robin.
Par ailleurs, avec ses sept nouvelles marques, Amazon enrichit son catalogue afin d'éviter que ses clients, faute d'un choix vestimentaire suffisant sur son site, aillent chez les concurrents.
« La stratégie d’Amazon est de tout faire pour éviter que ses clients n’aient envie d’aller voir ailleurs. Si Amazon lance ses propres marques de mode c’est bien pour boucher les trous de son offre… les trous sont autant de failles pour se faufiler et sortir d’Amazon », affirme Patrick Robin.
Récupérer toujours plus de données sur les clients
Des clients qui restent sur Amazon et… qui en communiquent toujours plus sur eux. L'e-commerçant pourra en effet récolter toujours plus de données sur ses consommateurs.
« Le problème dans le textile, c'est que les tailles varient d'une marque à l'autre. A partir du moment où Amazon lance sa propre collection, il détient un maître étalon permettant d'en savoir toujours plus sur ses clients, à travers leurs goûts et leurs morphologies», détaille Yann Rivoallan.
Reste à savoir si cette initiative fera d'Amazon un «game changer» dans la mode. Car Amazon n'en est pas à son premier essai dans le secteur. Pendant plusieurs années, Amazon s'était d'abord lancé dans des acquisitions ou des lancements externes afin de percer dans le secteur de la mode. En 2006, le groupe s'était ainsi offert Shopbop, un site américain d'e-commerce spécialisé dans la mode fondé en 2000. Un an plus tard, il lance par lui-même Endless.com, un site indépendant d'Amazon.com, consacré aux chaussures et aux accessoires, avant de le fermer en 2011.
Puis en 2009, Amazon espère passer à la vitesse supérieure en mettant la main sur Zappos, un site de vente de chaussures et de vêtements en ligne. A l'époque, les médias évoquent une transaction d'environ 850 millions de dollars. Quatre ans plus tôt, Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, avait même visité les locaux de la start-up, selon une tribune de Tony Hsieh, le cofondateur de Zappos, parue sur Inc.com.
Quelques années plus tard, en 2011, alors que les sites de ventes groupés comme Groupon ou Living Social émergent, Amazon lance de son côté un site de ventes événementielles privées dédié à l'univers de la mode, fonctionnant peu ou prou sur un modèle proche de Vente-privee.com en France. Baptisé «MyHabit», le site a vocation à proposer des réductions importantes sur des produits disponibles 72 heures maximum.
Un marché à 86,4 milliards de dollars en 2018
Alors Amazon opère-t-il un revirement stratégique en lançant désormais ses propres marques ? Quelques signes pouvaient déjà laisser entrevoir les ambitions d'Amazon dans le secteur de la mode. L'an passé, le groupe avait recruté Caroline Palmer, une ancienne éditrice du magazine Vogue, comme directrice éditoriale d'Amazon Fashion.
Il faut dire que le marché est considérable. Les ventes d'e-commerce de vêtements et d'accessoires devraient atteindre les 60 milliards de dollars en 2015, selon une étude d'eMarketer, soit 17,2% du marché de l'e-commerce aux Etats-Unis. Et la croissance ne devrait pas s'arrêter puisque ce chiffre devrait atteindre les 86,4 milliards de dollars en 2018 selon les projections de l'étude. Parmi les grands acteurs du marché, on retrouve notamment Abercrombie & Fitch, Urban Outfitters, ou même le distributeur Sears.
Dans tous les cas, la stratégie d'Amazon s'inscrit dans sa volonté de diversifier ses sources de revenus. Le site se renforce depuis des mois dans la vente de produits frais et d'épicerie. Au Royaume-Uni, il s'est même allié à Morrisons, l'une des principales chaînes de grande distribution outre-Manche. Une fois de plus, l'objectif reste le même : proposer les plus de catégories de produits possibles pour que les clients d'Amazon… reste chez Amazon.
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La réussite de Décathlon illustre bien l’intérêt pour un gros distributeur de fabriquer ses objets. Décathlon a commencé par fabriquer ses propres vélos, puis des vêtements et aujourd’hui la marque Domyos doit représenter 70% de ses surfaces de vente.
Côté Amazon, le risque est bien sûr pour tous les fabricants actuels qui pourraient voir leur marque s’estomper face à celle d’Amazon.
Enfin, le CICE (ex crédit impôt recherche) pourrait inciter Amazon à faire de la R&D en France, ce qui pourrait être une bonne nouvelle pour notre pays.