Des Business Plans Magiques… !
Je recevais hier d'un leveur de fonds (qui était inconnu au bataillon pour moi) un business plan où on peut lire, marqué noir sur blanc, et même pas sur le ton de l'hypothèse :
– Levée de 500K€ en mars 2010 sur une valorisation pre-money de 0,9M€
– Levée de 1M€ en octobre 2010 sur une valorisation pre-money de 2,5M€
Belle création de valeur magique, gravée dans le marbre, avec une valo qu'on prévoit d'ores et déja de quasiment doubler en 6 mois !
Je note aussi, dans le business plan : "le site Internet et la logistique sont parfaitement opérationnels, et peuvent désormais être déployés à grande échelle…". "Une période de 6 à 9 mois est suffisante pour faire la preuve de la validité du modèle" !
Accélération du temps, accroissement magique de la valeur…Par certain moment, on se demande si certains ont vraiment tiré les leçons de l'éclatement de la bulle de 1999/2000 !
L'honnêteté, et le pragmatisme, aurait plutôt consisté à présenter les choses de la façon suivante :
"En faisant tels et tels tests, une période de 6 à 9 mois pourrait être suffisante pour faire la preuve des paramètres X, Y, Z du modèle, et dans une seconde phase nous pourrions alors développer en validant les autres paramètres A,B, C, ce qui permettrait de passer au développement à grande échelle, etc…"
Par ailleurs, par expérience, je suis aussi toujours un peu dubitatif sur
d'anciens managers salariés de 45-50 ans qui se lancent dans
l'entrepreunariat et qui n'auraient pas eu au préalable une expérience réussie dans la création et le développement de start-up.
Car entre le cadre salarié d'une grosse société au modèle rodé, et
l'entrepreneur qui se lance, il n'y a pas une nuance mais un gouffre quant aux qualités et au mindset indispensables pour réussir.
Dans
le dossier qui m'est proposé, les managers ont majoritairement ce profil d'anciens
cadres. Après un rapide échange par email, je demande juste au leveur
une confirmation en constatant le CV du management :
"Donc, pas d'entrepreneurs ?"
Celui-ci, sans doute vexé, me sort alors immédiatement une longue et inouie tirade où, en substance, il se vante d'avoir réussi de "belles choses" dans sa carrière ce qui l'a donc rendu pragmatique, ouvert et sans certitude (il a une cinquantaine d'années) !
Toutes qualités en effet indispensables,
reste le doute qu'il m'a justement crée, avec sa tirade et son business plan, sur
le fait qu'il les possède réellement dans un cadre de start-up. Ce sans
remettre en cause les aptitudes et qualités que l'homme possède
certainement dans d'autres univers.
L'idée projetée dans le projet est néanmoins intéressante, elle s'inscrit dans une vaste tendance actuelle qui mêle le web au local !
Michel de Guilhermier – Fondateur d’Inspirational Stores
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Hello Michel ! Long time no talk… :-)
Je partage globalement le point de vue que tu exprimes sur cette note, pour recevoir également des tonnes de BP aussi enthousiastes qu’irréalistes à moins d’une aide divine.
Il n’y a qu’une remarque sur laquelle je ne suis pas forcément d’accord :
« je suis aussi toujours un peu dubitatif sur
d’anciens managers salariés de 45-50 ans qui se lancent dans
l’entrepreunariat et qui n’auraient pas eu au préalable une expérience réussie dans la création et le développement de start-up. »
D’une part, il faut bien commencer un jour… et l’âge n’a rien à voir avec le potentiel ou le talent. Un « vieux » de 45-50 ans va démarrer avec un réseau forgé pendant 20 ans et c’est un atout considérable, pour peu qu’il comprenne qu’il change de monde en se lançant.
D’autre part, je préfère, pour ma part, que l’équipe qui porte le projet ait connue un échec. Cela me permet d’échanger avec eux sur cet échec et voir dans quelle mesure ils sont lucides sur ses causes et « ce qu’il aurait fallu faire ». Je crois vraiment que, non seulement un échec n’est pas une tare qu’il faut porter comme une croix ad vitam eternam, mais qu’en plus, on y apprend davantage et on s’y forge des réflexes de survie toujours utiles. C’est assez Français de rechercher des entrepreneurs ayant un casier business vierge… Les personnes que je rencontre quand je vais aux US préférent globalement les entrepreneurs qui ont soufferts, les considérant plus solides.
En tant qu’entrepreneur, je n’ai pas encore connu de véritable échec (pas de frime, personne n’est à l’abri !!), mais c’est souvent passé très près et je n’ai jamais autant appris que dans ces moments là.
Si un jour on devait travailler ensemble, tu adorerais, j’en suis certain, ma paranoia et mon pragmatisme :-D
Salut Pierre Olivier,
En effet, long time no see, mais c’est parce que tu es parti non ?
Je ne suis pas sûr que nous ne soyons pas en ligne en fait :
a) Oui, l’âge n’a rien à voir avec le potentiel et le talent, mais force est de constater que la plupart des vocations d’entrepreneurs arrivent rapidement et on passe à l’acte dans les 10 1ères années.
b) Par ailleurs, un parcours de cadre sup dans une grosse société ne demande pas du tout les mêmes compétences et aptitudes qu’un parcours d’entrepreneur qui défriche au quotidien une Jungle !
c) J’adore moi aussi ceux qui ont connu des échecs, donc il vaut mieux qu’ils aient été entrepreneurs avant aussi non alors ? Comme disait le PDG de Carlyle : « hope that you fail, and that you fail early » ! S’ils n’ont été que cadre, ils n’ont pas pu connaître l’échec.
d) Mais tout compte fait, je préfère encore plus ceux qui ont connu des échecs, en ont tiré les enseignements, pour après avoir une expérience d’entrepreunariat réussie !
Bon, sinon, tu me siffles quand tu es sur Paris pour continuer à échanger autour d’un pôt ?!
Oui, oui, il n’y avait pas de reproche, c’est bien moi qui suis parti !! :-)
Effectivement, exprimé ainsi, nous sommes en ligne… J’aime beaucoup ton point c) qui est un argument fort (et la citation que je ne connaissais pas mais que je veux bien réutiliser à l’occasion !)
Avec grand plaisir pour prendre le verre en question lors de mon prochain passage !! ;-)
Faut-il généraliser ? Dans certains domaines, avoir eu des années de travail dans une société pour connaître le métier et/ou le secteur est un + formidable; dans d’autres -notamment les « nouveaux secteurs », c’est – important.
Ce qui me semble beaucoup + grave, c’est la maladie qui se propage actuellement (notamment dans les écoles de commerce) qui fait que les business angels sont les vrais clients du créateur (qui sait présenter des BP mais est incapable de faire une facture ou une fiche de paie et donc d’en vérifier) et qui semble imposer l’idée bizarre qu’il est absolument nécessaire d’avoir des fonds pour lancer une entreprise .. Sur tous les créateurs que tu vois Michel, as-tu remarqué le % de temps passé à chercher des clients vs le % de temps passé à chercher des investisseurs ;-))
Salut Pierre,
100% agreed, ces jeunes ne savant pas faire avec de petits moyens, rêvent de grosses levées et au lieu de bétonner leur modèle en acquiérant des clients (et en les faisant revenir), ils cherchent des sous !
Comme le l’exprime dans les Ateliers Entrepreneurs, le 1er des focus c’est d’avoir des clients et de les faire revenir !
http://tiny.cc/xgKBm
;-)
Tu devrais aller d’urgence donner des conseils à nos successeurs d’ hec-entrepreneurs et à l’incubateur hec ;-)) (http://www.tubbydev.com/2010/01/sarkozy-et-startups-m%C3%AAme-probl%C3%A8me-.html )
Oui, mais tu sais que je suis déja lié à l’Incubateur : j’en coache une des start-ups et suis au Jury.
Quant à nos successeurs, j’ai parfois envie de me maquer avec Robert pour faire concurrence à Pineur !
Mr. Guilhermier,
Avec vos critères de valorisation au plus bas (1M de pre-money est bas pour une start-up avec un minimum de potentiel) et de business model en béton armé prouvé dès le départ, vous n’auriez jamais investi dans un Google ni dans un Facebook, ni dans un Twitter ni dans un LinkedIn, ni dans un Microsft à l’époque, ni dans un Slides ni, ni, ni.
Je le concède votre approche est très pragmatique pour le nième site de e-commerce ou le nième réseaux social de niche mais elle ne laisse pas la place à l’innovation et à de véritable projet français à ambition mondiale.
C’est dommage pour vous en tant qu’investisseur mais ça peut importe. Ce qui est vraiment dommage, c’est que vous propagiez un tel point de vue sur l’un des blogs d’entrepreneuriat web français les plus en vue. En réalité, ce que vous faites c’est créer des attentes de valorisation basse dans l’écosystème web français à votre profit. Et c’est bien dommage, vu votre beau parcours d’entrepreneur.
Et bien Reinhold, en voila des postulats sur mon investissement ou pas dans Google et FaceBook !
Je mise sur des hommes avant tout, pas seulement sur des projets, car ce sont avant tout les hommes qui savent ou pas transformer un « projet » en « pépite », pas le contraire !
En aucun cas il ne faut s’attendre à un BP en béton armé, c’est tout le contraire, il faut par contre chercher en entrepreneur en béton armé qui aura l’agilité et le pragmatisme pour écouter et s’adapter.
Soyons clair, vous pouvez rêver d’investir dans le nouveau faceBook, le nouveau Google, etc, mais il y a une chance sur 10,000 environ d’avoir le nez creux. The odds don’t play in your favor, that’s all !
Sinon, fondamentalement, je ne vois pas très bien le rapport entre une valo basse et le fait de brider l’innovation, expliquez moi ? Parce qu’il faut payer cher (en valorisation) pour soutenir l’innovation ? Voila qui est amusant comme philosophie !
Comme vous avez certainement vous investi dans un Google ou un FaceBook, je vous dis bravo pour votre intuition, votre flair, et votre capacité à accepter des valorisations soutenues !
Je préfère pour ma part donner du capital de façon win/win lorsqu’il y a une valeur tangible créée, pas le contraire.
Google était au départ quelque chose de déjà existant. Brin et Page n’ont pas passé leur temps à aller chercher des fonds AVANT de faire qqch de concret. Facebook non plus, que son fondateur ait volé ou pas l’appli. Microsoft existait et avait des clients aussi avant d’être valorisé. On a là 3 exemples de gens occupés d’ abord par leur produit/service AVANT de penser à l’argent.
La grande totalité des « monteurs de boîtes » en France met la charrue avant les boeufs en pensant d’abord argent et fonds avant l’essentiel (produit/service et/ou clients). Il est vrai que beaucoup d’ « entrepreneurs » du web qui sont montés en épingle dans les medias en France sont beaucoup + des voleurs d’argent et des gens qui vivent sur l’argent des autres que des innovateurs ou des créateurs de qqch. Il s’ensuit que tout ce blabla de pre money, bp, executive summary, valo etc.. est devenu dans la tête des gens le truc principal. On adore parler de la valo de facebook (en faisant des homothéties ridicules sur ce qu’a payé Microsoft ou sans voir que Yuri Milner utilise Facebook pour sortir de l’argent de Russie) sans parler des aspects techniques. Pareil avec Google qui utilise d’ailleurs bien toute cette connerie en continuant à sortir de nouveaux produits, pendant que la moitié de la planète parle de sous.
Si un « entrepreneur » a pour premier but de gagner de l’argent, alors oui tout ceci est intéressant et vive la loi Tepa qui permet de mal utiliser de l’argent (mais alors il est préférable d’être conseil en investissement). Si l’entrepreneur a pour premier but de créer un service ou un produit, tout ceci est accessoire.
Pour finir, prendre comme exemple google ou facebook, choses d’un autre temps (hé oui ça passe) sur un autre marché à la base (la langue anglaise) sans commune mesure avec la possibilité du notre est une idiotie. Quand on étudie qqch, on écrète ! On enlève les extrêmes. Michel a entièrement raison donc de se fier aux hommes avec des principes de bon sens et des buts de gestion. Il est vrai que l’on est, en France beaucoup plus valorisé socialement quand on « monte » qqch, même une connerie, que quand on gère qqch. Clémenceau a bien dit que le meilleur moment était quand on montait l’escalier mais en économie, mieux vaut qu’il y ait qqch à l’étage. On voit même en politique ce qui se passe quand une personne ne pense qu’à la dernière marche ;-))