[DECODE] Pourquoi la FinTech africaine est en pleine ébullition
En seulement une semaine, Interswitch, OPay et PalmPay, trois FinTech basées au Nigeria, ont levé 360 millions de dollars. Leur objectif: financer plus largement leur expansion sur le continent afin de profiter des opportunités que celui-ci offre aux entreprises du secteur: paiement mobile, développement de services financiers innovants, digitalisation des paiements… Comment expliquer un tel engouement de la part des investisseurs?
«L’Afrique est au cœur d’une accélération historique qui permet à des millions de personnes de sortir de la pauvreté, crée une classe de consommateurs émergente et propulse la croissance dans de nombreuses économies», notait McKinsey & Company dans un rapport publié l’année dernière. «Reflétant ce progrès économique plus général, le continent possède le deuxième marché bancaire à la croissance la plus rapide au monde, aussi bien en ce qui concerne la banque de détail que celle de gros».
Un marché à 129 milliards de dollars en 2022
Alors qu’entre 2012 et 2017, les revenus bancaires en Afrique ont augmenté à un taux de croissance annuel composé de 11% (à taux de change constant de 2017), la société de conseil prévoit encore une croissance de 8,5% sur les 5 prochaines années.
En termes de taille, McKinsey & Company estimait le marché bancaire africain à 86 milliards de dollars en 2017, avant le coût du risque. D’après ses calculs, il devrait atteindre 129 milliards de dollars en 2022. Sur ce total, la banque de détail devrait représenter 53 milliards de dollars, soir une croissance absolue de 18 milliards de dollars des revenus tirés de ce segment.
La nécessité d’être innovant pour réussir
En effet, les opportunités sont énormes. «La pénétration de la banque de détail en Afrique ne représente que 38% du PIB, soit la moitié de la moyenne mondiale pour les marchés émergents», rappelait le rapport. Or pour profiter de cette manne, les acteurs du secteur bancaire doivent réussir à surmonter certaines difficultés comme l’utilisation généralisée des espèces ou encore la faible couverture des bureaux de crédit.
Pour cela, ils doivent innover en misant par exemple sur la vaste couverture des téléphones mobiles en Afrique. C’est là que face aux acteurs traditionnels, les FinTech entrent en scène, que des partenariats se créent ou que de nouveaux acteurs émergent. Une effervescence qui n’a pas échappé aux investisseurs. Ces derniers jours, ils ont choisi de financer trois entreprises qui utilisent le Nigeria et ses près de 191 millions d’habitants comme base de lancement pour toucher le reste du continent:
Focus sur Interswitch, Opay et PalmPay
Interswitch, première licorne nigériane
Interswitch n’est pas un nouveau venu dans le milieu de la FinTech au Nigeria. Fondée par Mitchell Elegbe en 2002, l’entreprise a démarré ses activités en étant spécialisée dans la numérisation et le traitement électronique des paiements. Elle a progressivement évolué pour devenir une société de services de paiement intégrées, créant et gérant une infrastructure de paiement et fournissant des produits et des services transactionnels dans différents pays africains.
Visa vient de réaliser un investissement stratégique, qui selon Sky News atteint 200 millions de dollars, dans l’entreprise, faisant par la même occasion grimper sa valorisation à plus d’un milliard de dollars. Interswitch, basée à Lagos, est donc devenue une licorne. Elle était déjà soutenue par Helios Investment Partners, TA Associates ou encore IFC.
L’un de ses produits phares est la carte de débit Verve pour laquelle elle revendique plus de 19 millions de cartes activées à mai 2019. Outre le Nigeria, elle a également réussi à pénétrer d’autres marchés comme le Kenya, l’Ouganda ou encore le Ghana. On peut également citer QuickTeller, sa plateforme qui donne accès à une gamme de service: comme le paiement de factures, l’envoi d’argent, de recharger son crédit mobile…
Visa et Interswitch se connaissent bien puisqu’ils ont déjà travaillé ensemble. Visa avait en effet fait appel à Interswitch en 2017 pour l’aider à accélérer l’adoption de sa solution de paiement mobile, mVisa, en Afrique de l’Ouest.
Les deux acteurs doivent cependant faire face à la concurrence dont celle de Mastercard qui avait investi en mars 300 millions de dollars dans Network International, géant des services de paiement en Afrique et au Moyen-Orient, basé à Dubaï. Le groupe s’est depuis introduit sur la Bourse de Londres en avril. Interswitch prévoit également d’y faire son entrée dans le courant de l’année 2020. L’entreprise revendique 10 millions de dollars de transaction qui passent par sa plateforme par jour.
OPay, l’appli de paiement mobile qui veut s’étendre en Afrique
Opay a été lancé depuis le Nigeria par la société norvégienne Opera en 2018. Son application mobile permet de régler ses achats, transférer de l’argent ou encore de payer ses factures. Sa plateforme permet également de réserver des trajets à moto et de se faire livrer des repas ou produits d’épicerie.
Pour accélérer son développement sur le continent, la startup, particulièrement soutenue par des fonds d’investissement chinois, a récemment levé 120 millions de dollars lors d’un tour de table de série B réalisé auprès de Meituan-Dianping, GaoRong Capital, SoftBank Ventures Asia, Sequoia Capital China ou encore GSR Ventures. Un juin dernier, elle avait déjà levé 50 millions de dollars.
Avec cette levée, la startup prévoit notamment de se lancer au Ghana, en Afrique du Sud et au Kenya.
PalmPay, du paiement mobile au cashback: le nouveau venu
Tout jeune acteur sur la scène de la FinTech nigériane, PalmPay a levé 40 millions de dollars dans un tour mené par Tecno, filiale du fabricant de téléphone chinois Transsion. Une levée qui marque également son lancement officiel au Nigeria après une phase pilote.
PalmPay propose une appli de paiement mobile qui permet d’envoyer de l’argent, payer ses factures et comprend également un programme de récompenses pour chaque utilisation. La startup arrive donc dans un segment de la FinTech déjà bien représenté au Nigeria mais avec de solides appuis.
En effet, PalmPay a été créé par Transsnet Group, une joint-venture entre les groupes chinois Transsion et NetEase. PalmPay est un autre exemple du fort dynamisme des entreprises chinoises dans la FinTech africaine où elles espèrent pouvoir reproduire le succès de certaines applis chinoises. Et PalmPay arrive avec de sérieux arguments. Il est déjà prévu que l’appli soit pré-installée sur trois marques de mobile appartenant à Transsion (Tecno, Infinix et Itel) et populaires en Afrique, soit 20 millions d’appareils en 2020.
PalmPay prévoit également de s’étendre, dans un premier temps au Ghana.
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