Yann LeCun est l’un des pionniers mondiaux de l’intelligence artificielle moderne. Depuis plus de trente ans, il défend le principe du deep learning, cette approche qui consiste à entraîner les machines plutôt qu’à les programmer. Longtemps marginale, cette vision est désormais au cœur de toutes les IA contemporaines, des modèles génératifs aux systèmes de perception utilisés dans les véhicules autonomes ou les outils de diagnostic médical.
Né en Bretagne et formé à l’université Pierre-et-Marie-Curie à Paris, il découvre très tôt l’informatique, marqué enfant par le film de Stanley Kubrick *2001, l’Odyssée de l’espace*. À 21 ans, son intérêt pour l’apprentissage des machines se cristallise après un débat décisif entre Noam Chomsky et Jean Piaget sur l’inné et l’acquis. Recruté par Bell Labs en 1988, il tente d’appliquer les réseaux neuronaux à la reconnaissance d’écriture sur chèques, un projet abandonné par l’institution mais qu’il poursuit de manière indépendante.
Tout au long des années 1990 et 2000, il s’associe aux chercheurs Geoffrey Hinton et Yoshua Bengio pour maintenir vivante une discipline alors jugée trop spéculative. Leur travail finit par s’imposer en 2012, lorsque des modèles basés sur le deep learning remportent une compétition internationale de reconnaissance d’images. LeCun voit alors s’opérer un basculement scientifique rapide, rendu possible par la croissance exponentielle de la puissance de calcul et des données disponibles.
En 2013, Mark Zuckerberg le recrute pour diriger le laboratoire de recherche en intelligence artificielle de Meta. Cette position le place au cœur de la stratégie technologique du groupe, tout en lui permettant de poursuivre ses travaux fondamentaux. En 2019, sa contribution est consacrée par le prix Turing, distinction ultime en informatique, partagé avec Hinton et Bengio.
Connnu pour son rationalisme assumé, Yann LeCun se distingue par une vision optimiste et exigeante du progrès scientifique. Alors que certains chercheurs alertent sur les risques existentiels de l’IA et appellent à une pause dans la recherche, il rejette ces positions, qu’il considère comme infondées et contraires à l’esprit scientifique. Il critique également les limites structurelles des modèles génératifs actuels, qu’il juge incapables d’incarner une véritable compréhension du monde. À ses yeux, la prochaine avancée majeure passera par de nouveaux paradigmes, bien au-delà des modèles de prédiction statistique comme ChatGPT.
Malgré l’essor de ces systèmes, y compris chez Meta, il continue de défendre une trajectoire de recherche différente, axée sur des architectures plus autonomes, capables de raisonner et d’acquérir du bon sens. Pour lui, l’intelligence artificielle doit amplifier les capacités humaines et ouvrir la voie à une nouvelle phase d’émancipation intellectuelle.




