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Lobbying-as-a-Service : pas moins de 26 cabinets pour défendre Amazon à Bruxelles

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Depuis de nombreuses années, Amazon investit massivement pour influer sur la régulation européenne, avec pour 2024, un budget consacré au lobbying auprès des institutions européennes compris entre 7 et 8 millions d’euros à ses activités de lobbying. Un chiffre impressionnant, mais qui devient encore plus révélateur lorsqu’on examine la manière dont cette influence est organisée, ainsi au lieu de miser sur une armée interne de lobbyistes trop visibles, Amazon délègue une part majeure de sa stratégie à une constellation de cabinets spécialisés. Pas moins de vingt six structures externes sont mobilisées pour couvrir les différents fronts réglementaires, du cloud souverain à la fiscalité numérique.

À la suite de plaintes déposées par plusieurs ONG, Amazon a été contraint de réviser à la hausse ses dépenses de lobbying déclarées dans l’Union européenne pour 2024, les portant à 5 millions d’euros, contre 2,75 millions initialement enregistrés dans le registre officiel de transparence.

En février 2024, quatorze lobbyistes d’Amazon ont été privés d’accès au Parlement européen, à la demande de la commission de l’emploi et des affaires sociales (EMPL), et ce après que l’entreprise ait boudé plusieurs auditions et visites d’usines en 2021 et 2023.

Une décision qui vient d’être renouvelée en 2025, la commission de l’emploi du Parlement européen ayant confirmé mi juillet l’exclusion des lobbyistes d’Amazon de l’institution, tout en rejetant la proposition de l’entreprise d’organiser une réunion à huis clos avec des cadres dirigeants.

L’invitation de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, à une rencontre à huis clos à Washington, DC avec les dirigeants d’Amazon, a provoqué l’ire des syndicats de travailleurs européens. Oliver Roethig, Secrétaire régional d’UNI Europa, a déclaré à ce sujet « Nous saluons la décision de principe de la commission EMPL de maintenir l’interdiction du lobbying d’Amazon et de rejeter la tentative de l’entreprise d’échapper à l’examen public lors d’une réunion à huis clos avec la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola. Nous souhaitons à présent que soit organisée une autre audition inter-commissions sur les dimensions plus larges des abus d’Amazon – ses pratiques en matière de travail, de fiscalité, d’environnement et de concurrence – et que soit organisée une visite des entrepôts d’Amazon pendant la haute saison. Les institutions européennes devraient également prendre au sérieux leur propre complicité dans le financement du comportement d’Amazon. Nous avons besoin d’une transparence totale et d’une révision de ses contrats avec nos institutions démocratiques. »

Ainsi contrairement à Meta ou Microsoft, Amazon n’a de facto aucun lobbyiste accrédité auprès du Parlement européen, mais reste omniprésente dans les couloirs de la Commission. En deux ans, elle a participé à 175 réunions de haut niveau avec des directeurs généraux, des membres de cabinets de commissaires ou des chefs d’unité et intervient aussi dans plusieurs groupes d’experts techniques, notamment sur l’intelligence artificielle, la TVA ou la cybersécurité.

La mise en place d’intermédiaires permet à Amazon finalement de rester en retrait sur le plan politique tout en maintenant une influence structurée et ciblée. Les cabinets mandatés, parmi lesquels FTI Consulting, Fleishman-Hillard, Kreab, Edelman ou encore Flint Europe, traitent chacun une portion du vaste portefeuille législatif visé. Il s’agit aussi bien de textes environnementaux comme le Green Claims Directive ou la réglementation sur les emballages, que de dossiers numériques comme le Digital Markets Act, l’AI Act ou la régulation du cloud.

Cette stratégie externalisée permet finalement à Amazon d’adapter finement ses arguments à chaque direction générale, de multiplier les points de contact sectoriels et de suivre de près l’évolution des débats techniques. Bien entendu, l’entreprise est particulièrement active sur les sujets liés à AWS, à la distribution transfrontalière via Marketplace, et à ses activités audiovisuelles, comme l’ont montré plusieurs échanges avec la DG CNECT et les cabinets de commissaires.

En coulisses, Amazon avance donc à travers un maillage dense de cabinets d’affaires publiques, avec une logique d’hypersegmentation: un cabinet pour la TVA, un autre pour la durabilité, un troisième pour la cybersécurité. Une stratégie où Amazon est in fine moins visible mais redoutablement efficace.

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