Avec la mise en vente de La Poste Mobile, l’avenir des opérateurs virtuels en question
Par Julie COSTE / AFP
Le déclin, après l’emballement: les opérateurs alternatifs de la téléphonie mobile, qui louent le réseau des mastodontes du secteur pour proposer leurs offres, voient actuellement leur nombre se réduire drastiquement et seuls les plus spécialisés parviennent à survivre, selon des analystes interrogés par l’AFP.
Ces acteurs, souvent plus connus sous l’abréviation MVNO (pour « Mobile Virtual Network Operator » ou « Opérateur de réseau mobile virtuel »), viennent ainsi de voir une de leurs têtes d’affiche être mise en vente, à savoir La Poste Mobile, numéro cinq du marché en France avec 2,3 millions de clients, derrière Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile.
Le groupe La Poste a en effet annoncé mi-janvier avoir entamé « une réflexion sur l’évolution du capital » de cette filiale lancée en 2011 et qu’il détient à 51% avec SFR, co-actionnaire (49%) qui lui fournit son réseau.
Si des marques d’intérêt ont déjà été manifestées, toute cession devra se faire avec l’aval de SFR, qui dispose notamment d’un droit de préemption lui permettant de racheter les parts en vente en priorité.
« Cette évolution, si elle se confirme, aura pour conditions de poursuivre la commercialisation de La Poste Mobile dans le réseau des bureaux de poste, facteur clé de son succès, d’inscrire l’activité dans la durée et de consolider la marque dans un partenariat de long terme », a déjà prévenu La Poste.
Apparus en France en 2004, les opérateurs alternatifs ont connu une forte croissance dans les années 2000 et 2010, quand « tous les acteurs recherchaient l’acquisition de nouveaux clients », explique à l’AFP Sylvain Chevallier, en charge du secteur télécoms et médias au sein du cabinet BearingPoint.
Des médias (M6 ou NRJ) s’y sont mis, mais aussi des banques (CIC Mobile, Crédit Mutuel Mobile), la grande distribution (Auchan, Leclerc…) ou des distributeurs spécialisés, à l’instar de la Fnac.
« Les MVNO ont secoué le marché, avec des innovations comme la possibilité d’acheter une carte SIM sans téléphone, des tarifications plus dynamiques et transparentes », rappelle pour l’AFP Renaud Kayanakis, directeur télécoms, médias et divertissement chez Sia Partners.
– Marché « très mature » –
Mais, aujourd’hui, « le marché est très mature » et « toute la population est équipée », relève Sylvain Chevallier, donc les nouveaux clients sont rares.
Surtout, les opérateurs virtuels ont été les premières victimes de l’arrivée, en 2012, de Free Mobile, qui a débarqué sur le marché avec une politique tarifaire agressive, maintenue jusqu’à aujourd’hui, qui a obligé ses concurrents à faire des efforts sur leurs prix.
Résultat, « le marché du mobile a perdu 40% de sa valeur » et la plupart des MVNO, « étranglés », ont disparu ou ont été rachetés pour leur fichier clientèle, explique Sylvain Chevallier.
Ainsi, s’il représentent encore 7,3% de parts de marché (5,9 millions de cartes SIM), avec encore une trentaine de petits opérateurs existants, selon les données de l’Autorité de régulation des télécoms de septembre 2023, près de la moitié appartiennent à SFR et Bouygues Telecom.
Euro Information Telecom (EIT), la filiale du groupe bancaire CIC-Crédit Mutuel spécialisée dans la téléphonie mobile avec cinq marques (NRJ Mobile, Auchan Télécom, Cdiscount Mobile, CIC Mobile et Crédit Mutuel Mobile), avait ainsi été rachetée en 2020 par Bouygues Telecom.
Seuls survivent ceux qui ont un domaine de compétence très marqué, soulignent les experts interrogés par l’AFP.
Lycamobile et Lebara sont par exemple spécialisés dans les appels vers le Maghreb, l’Asie ou l’Amérique latine; Bazile s’adresse aux seniors, Transatel aux habitants des zones frontalières avec la Belgique et la Suisse.
Autant de « tout petits segments difficiles à atteindre pour les opérateurs de marché de masse », note Renaud Kayanakis.