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Bonheur au travail: la tyrannie du cool

Par Jean-Louis Benard, expert FrenchWeb

A en croire les annonces de Chief Happiness Officer qui ont explosé au cours de la dernière année, il semblerait que les entreprises aient pris conscience de la nécessité de s’intéresser au bonheur de leurs collaborateurs. Des collaborateurs heureux sont plus engagés, plus performants et de meilleurs ambassadeurs de l’entreprise, voilà ce que concluent les études. C’est le point de départ d’une vague déferlante d’initiatives sympathiques : qui aura les meilleures conditions de travail, la meilleure restauration (gratuite), les meilleures activités de team building, et bien entendu la meilleure communication sur le sujet.

Au même titre que Bertrand Duperrin s’interroge sur le fait que la performance soit l’origine ou la conséquence du bonheur au travail, il peut être utile de s’interroger sur ce qu’on entend par bonheur au travail. Faire plaisir aux gens peut les rendre heureux de manière instantanée, mais il y a bien d’autres manière de s’intéresser au bonheur de ses collaborateurs. Et heureusement pour toutes les entreprises qui ne font pas partie des startups parisiennes en vogue, qui n’ont pas levé des millions et qui n’ont souvent pas les moyens de rivaliser sur ce terrain.

Travailler au bonheur des individus ne s’est jamais résumé à leur faire plaisir, à être gentil, voire complaisant.

J’irai même plus loin. Travailler au bonheur des individus ne s’est jamais résumé à leur faire plaisir, à être gentil, voire complaisant. C’est pourtant bien tendant et finalement assez simple, surtout avec des moyens, un peu comme des sucreries que vous proposez en permanence à un enfant. Ça fait toujours plaisir, mais ce n’est pas bienveillant.

S’intéresser au bonheur des gens, c’est s’intéresser à leur bonheur présent et futur. C’est comprendre d’où ils viennent et où ils veulent aller, c’est les aider à atteindre les objectifs qu’ils se fixent, et pour ce faire les challenger, les faire sortir de leur zone de confort, leur dire la vérité sur leurs forces et faiblesses, les coacher sans relâche pour qu’ils progressent, pour qu’ils s’arment face aux difficultés. C’est être là dans les moments difficiles plus que dans les moments où tout va bien. C’est même parfois les amener à la conclusion qu’ils s’épuisent sur un poste dont ils rêvaient – ou plutôt croyaient rêver – et qui finalement n’est pas fait pour eux. C’est accepter d’être perçu comme la personne qui justement ne fait pas plaisir.

Et c’est de plus en plus difficile à réaliser. Pourquoi? D’abord parce que cela prend du temps, pour bien connaitre et comprendre la personne, pour l’accompagner, pour voir l’impact de cet accompagnement. Dans une période ou le « pacte » passé entre le collaborateur et l’entreprise est passé d’une vie professionnelle entière à une poignée d’années voire de mois, ce travail de longue haleine perd de son sens. Le manager sait qu’il ne verra pas le fruit de son engagement, et le collaborateur finit par préférer un bonheur instantané, qui cadre bien avec son pacte court-terme. Un baby-foot plutôt qu’un bon recadrage. Les sucreries plutôt que le coach du régime. A tel point que s’intéresser au bonheur des gens dans une perspective long terme devient suspect : «pourquoi cherches-tu mon bonheur puisque cela ne te profitera probablement pas?».

Pourtant, en dépit des obstacles, je reste persuadé que cette approche long terme reste bénéfique pour tous. Pour le collaborateur, elle l’aide à se construire, à se réaliser, même s’il n’en a pas immédiatement pleine conscience. Pour le manager, c’est une satisfaction personnelle bien plus forte, qui porte beaucoup plus de sens. Avoir atteint ses objectifs c’est bien, mais avoir contribué en même temps au bonheur long terme des gens, que rêver de mieux? L’entreprise y trouve aussi son compte. Lorsque le collaborateur prend conscience du fait qu’on s’intéresse à lui au-delà du pacte qu’il s’est fixé, il revoit son pacte pour l’inscrire davantage dans la durée. Il réplique pour d’autres ce qui a été fait pour lui. C’est l’organisation dans son ensemble qui progresse.

L’expert:

Jean-Louis Bénard est co-fondateur et CEO de Sociabble, une plateforme utilisée dans plus de 80 pays, qui permet aux entreprises de bien informer et d’engager les collaborateurs, pour qu’ils deviennent des ambassadeurs. Il est également Chairman de Brainsonic, une agence qu’il a fondée en 2003. Auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages dont Extreme Programming (Eyrolles), il est par ailleurs investisseur dans plusieurs startups françaises.

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2 commentaires

  1. L’émergence de cette nouvelle fonction n’est-elle pas la preuve d’un désaveu du rôle des managers ?

    1. Non.
      Si on donne aux collaborateurs une estime (de soi)…
      C’est mieux qu’un management vertical.

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