Comment les start-up entendent peser sur la campagne européenne
AFP
Les fédérations française et allemande de start-up France Digitale et Deutsche Startups ont soumis lundi aux candidats aux élections européennes une série de propositions pour rééquilibrer la bataille entre les jeunes pousses européennes et leurs rivales chinoises et américaines. Les mesures proposées dans un manifeste « United Tech of Europe » visent à donner réellement un marché intérieur de 500 millions d’habitants aux jeunes pousses européennes, alors que les différences réglementaires, notamment fiscales et sociales, continuent souvent de morceler l’espace européen en autant de marchés nationaux. « Créer une entreprise d’envergure européenne, c’est courir un 110 mètres haies, quand les concurrents chinois ou américains eux courent un 100 mètres sur leur marché national», a expliqué à l’AFP Frédéric Mazzella, le président de la plateforme de covoiturage Blablacar, et coprésident de France Digitale.
Pour en débattre avec les candidats aux européennes, France Digitale et Deutsche Startups, ainsi que d’autres organisations signataires organisent une réunion à Paris et dans plusieurs villes européennes, en présence de représentants des listes. A Paris, ce rendez-vous baptisé « hacking des élections européennes» (par analogie avec l’irruption d’intrus dans un réseau informatique) aura lieu le 2 avril au théâtre des Variétés, avec le renfort d’autres organisations de la tech dont le syndicat professionnel Syntec numérique, l’association d’entreprises du numérique Acsel et l’association de fonds d’investissement France Invest. Parmi les mesures proposées, le manifeste fait resurgir le serpent de mer de l’Union européenne, l’harmonisation fiscale.
Le manifeste des start-up appelle donc à clarifier et unifier les règles du jeu européennes pour que la rentabilité d’une société puisse être évaluée sur l’ensemble du marché unique. La filiale d’une jeune pousse française quelque part en Europe peut très bien se retrouver taxée localement sur les bénéfices, alors même que la maison mère n’est pas rentable, affirme Frédéric Mazzella. A l’inverse, une société américaine « n’est pas taxée» sur son marché d’origine « tant qu’elle n’est pas rentable», poursuit-il. « Ce sont souvent les cabinets d’audit qui nous disent» quels sont les coûts qu’une maison mère peut refacturer à sa filiale, « c’est de l’empirique», regrette Frédéric Mazzella.
Un « visa start-up européen»
« United Tech of Europe » propose également la création d’un statut adapté de société européenne. Un tel statut existe, (« societas europaea ») mais ses caractéristiques le réservent à des sociétés déjà existantes et avec un capital important, selon les jeunes pousses. Le manifeste propose aussi d’unifier le régime des stock-options à travers l’Europe, pour éviter aux start-up d’avoir à s’adapter à chaque fois à un régime et une taxation différente. Ces options d’achat d’actions sont cruciales pour des jeunes pousses qui consacrent toutes leurs liquidités à leur croissance, expliquent les entrepreneurs.
Le manifeste des start-up réclame également une harmonisation des contrats d’embauche à travers l’UE. Ils demandent aussi la création d’un « visa start-up européen » permettant de faire venir un ressortissant non européen dans un pays donné de l’UE, et de pouvoir ensuite le faire travailler dans un autre, avec le même visa. « Il faut qu’un Américain qui bosse depuis un an et demi à Paris» pour une start-up européenne « puisse aller travailler à Varsovie sans problème», indique Frédéric Mazzella. Pour beaucoup d’observateurs, l’Union européenne n’est pas si mal placée en termes de création d’entreprise du numérique par rapport aux Etats-Unis ou à la Chine, et son potentiel d’innovation n’a pas à rougir de la comparaison. Le bât blesse au moment de grandir. Le nombre de « licornes » européennes, c’est-à-dire de jeunes sociétés du numérique ayant dépassé le milliard de dollars de valorisation reste faible, comparé à la Chine et aux Etats-Unis.
Selon un classement établi en juin 2018 par la banque d’affaires britannique GP Bullhound, l’Europe ne compterait que 16 % des licornes dans le monde, contre 48 % aux Etats-Unis et 36 % en Asie, avec le Royaume-Uni champion incontesté devant l’Allemagne et la Suède. « On ne peut pas continuer à dire qu’on veut des champions du numérique européens, et regarder les géants américains et chinois déverser leurs services» en Europe depuis leurs énormes marchés intérieurs, estime le président de Blablacar. France Digitale revendique 1 200 start-up adhérentes, et compte aussi parmi ses membres des fonds d’investissement. Deutsche Startups déclare de son côté 700 start-up adhérentes.
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