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La Silicon Valley est morte, vive la Silicon Valley!

Par Dominique Piotet, CEO de FABERNOVEL aux US

Alors que l’été s’annonce, le brouillard recouvre les rues de San Francisco accompagné du froid pénétrant qui le caractérise. C’est comme cela tous les ans. Et tous les ans, depuis que la Silicon Valley est la Silicon Valley (le début des années 60), les critiques roulent sur la région comme Karl The Fog* depuis l’Océan.

Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup !

Les épouvantails qui crient au grand manipulateur technologique se réveillent. En général avec autant d’opportunisme que de retard. On les entend clamer que la région crée uniquement des monopoles (ce qui est d’ailleurs plutôt vrai), qu’elle vampirise nos données (vrai aussi), qu’elle monopolise nos vies et l’attention de nos enfants avec ses écrans et ses applications envahissantes (exact…90% du temps passé sur nos smartphones l’est avec une entreprise de la Valley : Facebook, Youtube, Linkedin, Google, Netflix…). Un Cambridge Analytica va “révéler” ce que tout le monde sait depuis bien longtemps ! Facebook monétise nos données et ce qu’il en fait n’est pas si clair que cela !  Comme si nous n’avions pas compris que “quand c’est gratuit, c’est que c’est moi le produit”, voire même que “quand c’est flou c’est qu’il y a un loup” selon la fameuse expression de la Maire de Lille. Les explications embarrassées, et bien peu convaincantes, de Mark Zuckerberg traduisent autant l’ignorance des personnes qui l’interrogent, comme le montrent ces sénateurs américains, que la naïveté un peu feinte des dirigeants de ces entreprises qui ont pris une part de plus en plus forte dans nos vies.

La machine à disrupter dérange, quelle surprise….

Parce que le rôle que s’est donné la Silicon Valley reste de disrupter à tout prix. Et la disruption dérange. Elle dérange même profondément quand elle est bien faite. Est-ce surprenant ? La région le fait, avec systématisme et passion, toujours en partie portée par les valeurs de la contre culture chère à mai 68 ou du libertarianisme de Peter Thiel, voir des idées transhumanistes des fondateurs de la Singularity University. Ces idées transgressent l’ordre établi, bousculent les habitudes et les lois, transforment nos vies, sans que nous l’ayons toujours choisi. Mais si justement le problème était là?

Le philosophe de l’Internet Jaron Lanier, un des analystes les plus brillants de la Silicon Valley, a parfaitement cerné le problème dans ce fascinant Ted Talk prononcé en avril de cette année à Vancouver. Le problème, c’est que nous avons fait des choix structurants aux premières heures de l’Internet. Notamment le choix d’un Internet conçu comme un bien public, dont l’accès est certes payant mais dont le contenu est généralement gratuit et ouvert. Ce choix est massivement un choix de la Silicon Valley et des grandes sociétés que nous connaissons aujourd’hui: les Google, Facebook…Mais, nous dit Lanier “nous ne pouvons pas avoir une Société dans laquelle si deux personnes veulent communiquer, elles ne peuvent le faire que si c’est financé par une personne tierce qui veut les manipuler”. Il n’est peut-être pas trop tard dit Lanier, mais il va nous falloir payer ce qui était autrefois “gratuit”. Sommes-nous prêts ? Et n’aurions nous pas dû nous en rendre compte plus tôt ?

Aussi, les anti-facebook d’aujourd’hui  (si un tel groupe constitué existe…) se battent contre des décisions prisent dans la Valley voilà plus de 10 ans. Et leur combat, certainement valide, les oblige à se confronter à des titans qui n’étaient rien quand ces questions auraient dû se poser et qu’il leur était permis de peser, ce qui nous semble aujourd’hui bien difficile.

Il n’est pas trop tard…pour la prochaine bataille.

Il est donc bien tard pour se battre. Et même si nous gagnons ce combat, la Silicon Valley elle, en 10 ans, n’a pas arrêtée de disrupter. Notre problème est notre aveuglement et notre manque de compréhension de ce qui se passe vraiment dans la région. Il nous est facile de critiquer Facebook, mais c’est en grande partie inutile alors que l’entreprise a aujourd’hui deux milliards d’utilisateurs, pour la plupart contents, voir “accro”. Et surtout parce qu’à San Francisco…tout le monde s’en moque. C’est un combat dans le vide. Nous sommes depuis longtemps déjà concentrés sur la prochaine disruption.

Les sujets de la région, traités aujourd’hui dans les laboratoires de Stanford et des géants du net, mais surtout dans les garages où les entrepreneurs inventent, vont avoir des impacts encore bien plus grands et fondamentaux sur nos sociétés et nos vies elle-même. Quand vous parlez de données dans le reste du monde, nous parlons d’Intelligence artificielle, de vie éternelle, de singularité et nous investissons sur ces sujets plusieurs dizaines de milliards de dollars par an ! La Silicon Valley que vous voyez, derrière le brouillard, n’est pas celle qui se construit aujourd’hui. La Silicon Valley est morte, croyez-vous ? Vive la Silicon Valley ! Vous devriez tous venir voir. En fait, c’est même un devoir si vous voulez avoir voix au chapitre avant qu’il ne soit trop tard.

* surnom du brouillard à San Francisco

Photo by Edgar Chaparro on Unsplash

Le contributeur :

Dominique Piotet est CEO de FABERNOVEL aux Etats-Unis et directeur en charge du développement international du groupe FABERNOVEL.  Dominique possède plus de 15 années d’expérience en stratégie digitale auprès de grands groupes.

Il a fondé Rebellion Lab en 2010, un cabinet de conseil en stratégie digitale situé dans la Silicon Valley et acquis par le groupe FABERNOVEL en 2015. Avant de créer Rebellion Lab, il était chargé de la stratégie e-business du Groupe La Poste et de celle de BNP Paribas. Il a été CEO de l’Atelier BNP Paribas à San Francisco.

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