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Mistral AI, la pièce manquante de G42 ?

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Mistral AI, créée en 2023 et érigée en symbole de la souveraineté technologique européenne, s’impose désormais comme un acteur clé de la stratégie d’intelligence artificielle du Golfe. Derrière les annonces de modèles open-source et de projets de data centers, la startup française occupe une place particulière dans l’architecture de G42, conglomérat d’Abou Dhabi qui a bâti un empire couvrant infrastructures de calcul, solutions applicatives et recherche académique.

Jusqu’ici, G42 disposait de la puissance de calcul (Core42), des cas d’usage industriels (Inception), et d’un pipeline de talents via MBZUAI, son université d’intelligence artificielle. Il lui manquait un élément clé, des modèles fondamentaux compétitifs capables de rivaliser avec OpenAI ou Baidu. C’est ce que Mistral lui apporte, avec ses modèles open-weight (Mistral 7B, Mixtral) et Saba, optimisé pour l’arabe et les langues d’Asie du Sud. Pour les Émirats, cette couche manquante parachève un stack complet, du silicium (Cerebras, partenaire technologique de G42) jusqu’aux applications sectorielles.

Ce rapprochement s’est fait à la vitesse de l’IA, en 2023, Mistral accueille Sanabil, filiale technologique du fonds souverain saoudien PIF, puis Damac, conglomérat émirati. En 2024, la société sécurise 600 millions d’euros auprès de DST Global et General Catalyst, confirmant l’intérêt américain. Dès 2025, les discussions s’ouvrent avec Mubadala et MGX, fonds émirati cofondé avec G42, pour une levée d’un milliard de dollars. En parallèle, la startup engage un partenariat académique avec MBZUAI et un projet d’infrastructure en France, codéveloppé avec MGX, Bpifrance et Nvidia.

L’alliance est stratégique pour les deux parties, à commencer par Mistral, pour qui elle compense l’absence de méga-fonds européens capables de financer de tels tours et lui ouvre l’accès à des ressources de calcul souveraines. Mais également pour G42, pour qui elle offre une alternative européenne, perçue comme plus neutre dans la rivalité technologique États-Unis-Chine, et une expertise linguistique inédite pour la région.

Mais cette convergence soulève des questions, à mesure que les capitaux du Golfe se renforcent au capital de Mistral, la rhétorique européenne sur la souveraineté technologique s’affaiblit. En confiant à des fonds d’Abou Dhabi ou de Riyad une part croissante de son avenir, l’Europe délègue une partie de son autonomie stratégique. Le partenariat avec G42 illustre une vérité qui risque de devenir inconfortable, et faute de capital européen suffisant, la construction d’un champion passe par des alliances asymétriques.

Mistral est devenue la pièce manquante du puzzle G42, transformant le conglomérat émirati en fournisseur global de modèles fondamentaux. Mais en se liant ainsi à la stratégie du Golfe, la startup française incarne aussi le dilemme de l’Europe qui est de vouloir une IA souveraine tout en dépendant des capitaux extérieurs pour exister à l’échelle mondiale.

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