C’est la question que se posent tous les investisseurs en ce moment : où est le nouvel Instagram ? Il faut dire que ceux qui ont participé au dernier tour de table d’Instagram, qui avait placé la valeur de l’application à “seulement” 500 millions de dollars en avril, ont pratiquement du jour au lendemain doublé la valeur de leur investissement. Sans parler de ceux qui ont investi encore plus tôt.
La réponse évidente pour beaucoup, c’est que le prochain Instagram sera l’Instagram de la vidéo. On surveille du coup de près Socialcam, Klip ou Viddy qui vient de lever 30 millions de dollars.
Mais n’oublie-t-on pas un peu vite YouTube (racheté en 2006 par Google pour 1,65 milliard de dollars), me direz-vous ? Le fait est qu’une des particularités d’Instagram, c’est d’être non seulement “mobile first” mais pratiquement “mobile only”. Or YouTube est à la traîne sur le mobile : on ne peut même pas uploader une vidéo depuis son application iPad !
Est-il trop tôt pour la vidéo ?
Mais si YouTube a du retard sur le mobile, c’est surtout le mobile qui a du retard sur la vidéo: si prendre une photo dans la rue et l’uploader sur Instagram prend quelques secondes, faire la même chose avec une vidéo est bien plus long en 3G. Instagram s’est défini comme un réseau social de l’instant. Difficile de jouer le même rôle si le partage prend plusieurs minutes.
Bien sûr, on peut considérer que ce n’est qu’une question de temps avant que la démocratisation des réseaux 4G et LTE ne résolve ce problème, mais il en restera toujours un autre qui ne disparaitra pas, lui : regarder une vidéo, c’est plus long et compliqué que regarder une photo. Une photo est vue immédiatement, automatiquement, alors qu’une vidéo nécessite une pression sur un bouton “lecture” et implique un choix de le faire ou non… puis de regarder jusqu’au bout ou pas.
L’expérience d’un réseau social de vidéo est beaucoup moins fluide que celle d’un réseau d’image comme Instagram ou Pinterest. On doit s’arrêter et prendre du temps pour chaque élément, et donc perdre l’expérience du “flow” si importante pour que les utilisateurs passent du temps sur un site ou une application. Ce n’est pas un hasard si les success story récentes que sont Path, Pinterest et Instagram font toutes dans la photo avant la vidéo.
Il faut noter que Viddy a résolu ces problèmes en limitant la longueur de ses vidéos à 15 secondes… mais pour l’instant, c’est tout de même Social Cam le plus populaire.
Un autre obstacle à la popularité des applications de vidéo mobile : si prendre une photo correcte est à la portée d’un enfant, un petit tour sur Viddy ou Socialcam vous révélera tout de suite que savoir filmer sans trembler, avec des angles intéressants, ne pas faire de mouvements de caméras incongrus, maîtriser le son… ça n’est pas donné à tout le monde.
Tout celà étant dit, il semble que la vidéo mobile soit bel et bien un secteur en croissance. SocialCam et Viddy recensent respectivement 41 et 36 millions d’utilisateurs actifs sur Facebook, des chiffres en pleine explosion, mais qu’on pourrait attribuer à la hype : après tout, ceux de Pinterest sont retombés très vite après un ajustement de Facebook, et Draw Something est en train de tomber aussi vite qu’il était monté.
Il y a cependant une véritable tendance de fond, comme le montre l’étude réalisée par Flurry, le temps passé par les américains sur les applications vidéo augmente constamment depuis 2011 et gagne du terrain sur YouTube :
Qui fera peur à Facebook ?
Les investisseurs en quête de “l’Instagram de la vidéo” font sans doute preuve d’un sérieux manque d’imagination. Si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est que les choses ne se passeront pas de façon aussi prévisible : les plus grands succès de la Silicon Valley ne se résument jamais à un simple “le X du Y”. Facebook n’était pas simplement le “Myspace des étudiants”, puisque les étudiants étaient déjà sur Myspace, Google n’était pas le “Yahoo des moteurs de recherche”, Yahoo avait déjà un moteur de recherche, et Instagram n’était pas le Facebook de la photo, Facebook étant déjà très utilisé pour la photo.
YouTube, par contre, a été racheté par Google parce qu’il leur faisait peur, leur propre Google Video ne rencontrant pas le même succès, et Instagram faisait peur à Facebook. Instagram était en train de faire mieux que Facebook sur un de ses “core products”, et Zuckerberg a préféré les racheter avant qu’ils ne deviennent trop menaçant.
Klip, Viddy ou Socialcam pourraient faire peur à Facebook, ou Google, ou Twitter à terme, mais avant ça, s’il doit y avoir un nouvel Instagram, ce sera une start-up qui fait mieux qu’un de ces géants sur un de ses “core products”. Pinterest fait-il mieux que Facebook sur le partage ? Getglue fait-il mieux sur l’expression du “like” ? Si vous pouvez répondre à la question “qui fait mieux que Google ou Facebook?”, vous tiendrez peut-être le prochain Instagram.
Je pense que la question qui se pose est plus simple : y-a-t-il une place pour Instagram ?
La réponse est non : seesmic et l’échec de Loic Lemeur en est la preuve