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IA et santé mentale : vers un nouveau standard en entreprise ?

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Longtemps reléguée au second plan dans les politiques RH, la santé mentale s’impose désormais comme un enjeu stratégique. Hausse des burnouts, charge cognitive croissante, quête de sens post-Covid : les entreprises peinent à répondre à ces tensions avec les outils classiques de prévention. Face à cette impasse, une nouvelle génération de solutions B2B, souvent pilotées par l’intelligence artificielle, réinvente la prise en charge psychologique au travail.

De la prévention à l’intervention automatisée

Les plateformes de « mental health tech » ne se contentent plus de proposer des contenus éducatifs ou des services de téléconsultation. Elles s’appuient sur des algorithmes pour détecter précocement les signaux faibles, évaluer les troubles avec finesse, personnaliser les parcours de soin et mesurer leur efficacité. Certaines intègrent même des protocoles cliniques automatisés issus de la thérapie cognitive comportementale (CBT), jusqu’ici réservée aux praticiens.

Healthy Mind, une startup ukrainienne fondée en 2023 par Marina Kvashnina, Roosh Investment Group et Andriy Kobolev, en est l’illustration. Elle propose une évaluation psychologique complète en 15 à 18 minutes, mesurant plus de 75 indicateurs et capable de détecter jusqu’à 80 % des troubles mentaux référencés dans le DSM-5. Sa solution, utilisée par les entreprises, combine diagnostic automatisé, interventions numériques et accès à des thérapeutes certifiés. En mai 2025, elle a levé 1 million de dollars pour renforcer ses capacités d’IA et se développer à l’international.

Une approche encore balbutiante en France

En France, la plupart des acteurs restent centrés sur l’accompagnement humain, même si certains amorcent un virage technologique. Teale, fondée en 2021, propose une plateforme qui permet aux salariés de suivre leur bien-être mental au fil du temps, avec des scores personnalisés et un accès à des professionnels. Moka.care, autre acteur en vue, mise sur l’hybridation entre contenu digital, coaching individuel et ancrage dans la culture managériale des entreprises clientes.

Si ces solutions rencontrent un fort intérêt dans les PME et les scale-ups françaises, elles n’intègrent pas encore de véritables modules d’IA diagnostique. En revanche, l’Allemagne se distingue par une offre plus médicalisée. Les plateformes HelloBetter et Selfapy, validées par les autorités sanitaires, offrent des thérapies numériques prescrites par des professionnels de santé, fondées sur des approches comportementales validées.

Des promesses, mais aussi des limites

L’enthousiasme autour de ces technologies reste tempéré par des enjeux éthiques et cliniques majeurs. Comment s’assurer que les algorithmes ne biaisent pas le diagnostic ? Quelle protection pour les données sensibles des employés ? Et surtout, jusqu’où peut-on aller dans l’automatisation sans supervision humaine ? Autant de questions que les startups du secteur devront aborder si elles souhaitent convaincre au-delà des early adopters.

À l’heure où les directions RH cherchent à allier performance, prévention et respect de la vie privée, l’IA s’impose comme un levier possible, mais non comme une solution miracle. Ce nouveau standard de la santé mentale passera sans doute par une hybridation raisonnée entre humain et machine.

Un écosystème européen encore fragmenté, mais en pleine structuration

Healthy Mind n’est pas seule à vouloir réinventer la prise en charge psychologique en entreprise. En France, plusieurs jeunes pousses ont émergé ces dernières années, même si leur approche reste encore très centrée sur l’humain.

Teale, fondée en 2021, propose une plateforme permettant aux salariés de suivre l’évolution de leur bien-être mental via un scoring personnalisé, avec un accès direct à des professionnels de santé mentale. Elle a levé 10 millions d’euros en 2023 pour étendre ses services à l’échelle européenne. Son positionnement se veut hybride : digitalisation des parcours d’accompagnement, mais sans basculer dans l’automatisation complète.

Autre acteur bien implanté, Moka.care mise sur la démocratisation de l’accompagnement psychologique au sein des entreprises. Fondée en 2020, la startup permet aux collaborateurs de réserver des sessions avec des psychologues ou des coachs, et aux managers de bénéficier de formations spécifiques. Elle a levé 15 millions d’euros en 2022 pour renforcer son offre dans les ETI et les scale-ups.

Outre-Rhin, les modèles sont plus médicalisés. Selfapy, créée en 2016 à Berlin, propose des programmes thérapeutiques digitaux encadrés par des professionnels de santé, notamment pour les troubles anxieux ou dépressifs. Ces modules, validés cliniquement, sont disponibles sur prescription. De son côté, HelloBetter, également allemande, s’inscrit dans la mouvance des « Digital Therapeutics » : ses solutions sont reconnues par les autorités de santé et intégrées dans les dispositifs remboursables du système de santé allemand. En 2022, la startup a levé 20 millions d’euros pour consolider sa présence en Europe.

Au Royaume-Uni, Unmind se positionne comme un partenaire bien-être des grandes entreprises internationales. Sa plateforme est utilisée par des groupes comme Uber ou HSBC, combinant contenus de prévention, suivi d’humeur, accès à des praticiens et dashboards pour les RH. Elle a levé 60 millions de dollars en 2021, une levée significative qui illustre l’intérêt croissant des investisseurs pour cette catégorie d’outils.

Enfin, Koa Health, spin-off technologique de Telefónica née entre l’Espagne et le Royaume-Uni, propose une approche personnalisée basée sur l’IA pour adapter les parcours thérapeutiques en fonction des besoins comportementaux identifiés en temps réel. Elle a levé 30 millions d’euros en 2021 pour industrialiser sa solution à grande échelle.

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