
L’IA peut-elle vraiment enseigner ? Les promesses (et les risques) du mode Etudier de ChatGPT
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OpenAI a dévoilé hier un nouveau mode, baptisé Etudier dans ChatGPT, ce dernier est proposé comme une alternative pédagogique à l’usage passif des outils d’IA générative. Selon une étude datant de 2023 du Pew Research Center, un quart des adolescents américains de 13 à 17 ans, utiliseraient ChatGPT pour leurs devoirs. Avec le mode Etudier, l‘objectif d’OpenAI est de transformer l’assistant conversationnel en tuteur interactif, capable de guider l’apprentissage de l’utilisateur au lieu de simplement délivrer des réponses toutes faites.
Ce mode propose une approche structurée fondée sur le scaffolding, une méthode issue des sciences de l’éducation, qui consiste à accompagner l’élève par paliers dans sa compréhension. Concrètement, l’utilisateur se voit proposer des questions diagnostiques (niveau scolaire, objectifs, connaissances préalables), puis reçoit des réponses organisées par étapes, assorties de prompts de réflexion, de quiz ou de reformulation, autant d’alternatives destinées à favoriser la compréhension active et la mémorisation. Reste que l’étudiant peut à tout moment désactiver ce mode pour retrouver le fonctionnement classique de ChatGPT.
Si cette solution ouvre une voie pédagogique intéressante, se pose la question centrale: une IA peut elle réellement enseigner ?
Une pédagogie modélisée, mais quid de la fiabilité de la solution?
Le mode Etudier s’appuie sur des comportements algorithmiques inspirés des sciences cognitives avec l’encouragement à la métacognition, l’adaptation au niveau de l’élève, les explications progressives, l’incitation à formuler ses propres idées.
« Plutôt que de faire le travail à leur place, le mode Etudier encourage les élèves à faire preuve d’esprit critique. Des fonctionnalités comme celles ci constituent une avancée positive vers une utilisation efficace de l’IA à des fins d’apprentissage. Même à l’ère de l’IA, l’apprentissage est plus efficace lorsque les élèves sont intéressés par ce qu’ils apprennent et interagissent activement avec les informations. » indique Robbie Torney, directeur des programmes d’IA chez Common Sense Media dans le communiqué d’OpenAI
Toutefois, la fiabilité de l’outil reste une limite majeure, en tant que modèle probabiliste, ChatGPT peut produire des réponses erronées ou approximatives, d’autant que rien n’empêche l’élève de contourner l’approche pédagogique proposée en désactivant le mode pour accéder immédiatement à une réponse à ses questions.
Des usages différenciés selon l’âge, le contexte, l’encadrement
Pensé initialement pour des étudiants du supérieur, le mode Etudier est aussi accessible aux lycéens (à partir de 13 ans avec autorisation parentale).
Dans son narratif promotionnel, OpenAI nous partage différents témoignages d’étudiants particulièrement favorables à la solution et par conséquent à pondérer:
« Je dirais que c’est comme un professeur de permanence qui est toujours disponible et sait absolument tout », Noah Campbell, étudiant
« Le mode Etudier m’a vraiment aidé à décomposer des informations très denses en explications claires et adaptées à mon rythme », Caleb Masi, étudiant
« J’ai mis le mode Etudier à l’épreuve en l’utilisant pour travailler sur un concept que j’ai déjà essayé de comprendre de nombreuses fois : les encodages positionnels sinusoïdaux. J’ai eu l’impression d’être face à un professeur qui ne se lassait jamais de mes questions. Après une session de travail de 3 h, j’ai fini par comprendre suffisamment bien ce concept. », Maggie Wang, étudiante
Reste que sans encadrement adéquat, l’outil risque d’accentuer les inégalités d’apprentissage, certains élèves sauront en tirer parti pour approfondir leurs connaissances, tandis que d’autres l’utiliseront pour éviter l’effort ou contourner les exigences pédagogiques de manière plus discrète. L’impact réel du mode Etudier dépendra largement du contexte d’usage et de la formation préalable des élèves et étudiants.
Bien entendu, OpenAI indique collaborer avec des chercheurs en sciences de l’éducation et des universités (notamment Stanford) pour évaluer les effets du mode Etudier et avec lesquels la startup mène actuellement des études pour analyser comment la conception de ses modèles influence les mécanismes cognitifs des apprenants, résultats que nous ne manquerons pas de décortiquer une fois rendus publics.
Avec Etudier, OpenAi accélère dans la course à l’IA pédagogique
Après avoir lancé en mai 2024, l’initiative ChatGPT Edu, qui vise à doter les établissements d’enseignement supérieur d’un accès encadré et personnalisé aux capacités avancées de ChatGPT. Le mode Etudier, désormais intégré à cette offre, renforce l’offre d’OpenAI sur ce marché stratégique.
Toutefois la société de Sam Altman n’est pas la seule solution d’IA à occuper le marché de l’éducation, d’autres plateformes comme Khanmigo (Khan Academy), Copilot (Microsoft) ou Gemini (Google) ont déjà intégré des assistants éducatifs conversationnels.
Mistral AI a annoncé, lors du Sommet mondial pour l’action sur l’IA, la mise en place d’une collaboration avec onze établissements de l’enseignement supérieur, dont l’Université Haute-Alsace, l’Université de Nîmes, l’Université de Rennes, l’Université Paris-Est Créteil, l’Université Bordeaux Montaigne, l’École des Mines de Paris, l’Université de Montpellier, le Conservatoire National des Arts et Métiers, l’Université Toulouse Jean Jaurès, l’Université de Picardie Jules Verne et Sorbonne Université.
Dans le cadre d’un partenariat avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que l’Agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE), la start-up française développera par ailleurs un agent conversationnel destiné à répondre aux besoins spécifiques des universités. Une phase de test sera lancée auprès de 3 000 utilisateurs répartis dans une vingtaine d’établissements en France.
La course à l’IA éducative s’accélère, et chaque acteur mesure l’enjeu stratégique de s’imposer. Les positionnements varient, certains misent sur des outils intégrés à des écosystèmes fermés, d’autres sur des plateformes ouvertes ou des services conçus en lien étroit avec les infrastructures scolaires existantes.