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[Made in Switzerland] La blockchain, secteur en pleine explosion en Suisse

Par Raphaël Grieco, correspondant FrenchWeb

Après la Deep Tech et les drones suisses, nous abordons la blockchain dans ce 3ème volet de cette série en 6 chapitres. Pour rappel, l’objectif est d’établir un focus sur l’innovation en Suisse, la promesse de lecture étant que vous puissiez en moins de 5 minutes par chapitre connaître les acteurs-clé de la Tech «Made in Switzerland».

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  • Chapitre 4. Les incubateurs et accélérateurs
  • Chapitre 5. Les aides publiques par canton et fédérales
  • Chapitre 6. Les investisseurs

Entre héritage, tradition et disruption, mapping synthétique et sélectif du succès technologique suisse.

Talents techniques et accès au capital: les raisons du succès

Malgré le «crypto winter» actuel, la blockchain voit sa popularité et sa pertinence s’accroître à la fois au niveau mondial et au sein de l’économie suisse. Bien que de nombreuses industries-clé en Suisse, comme la pharma, ont expérimenté cette technologie à des degrés divers, les services financiers sont de loin le secteur le plus avancé dans l’expérimentation de cette nouvelle technologie en Suisse. Grâce à ses talents techniques et son accès développé au capital, deux piliers fondamentaux du succès d’une économie, la Suisse peut prétendre à une position internationale dominante dans la blockchain alors que de nombreux autres pays et régions du monde, comme Malte, Singapour, Gibraltar ou le Liechtenstein, surgissent et construisent des cadres réglementaires locaux favorables à la blockchain sans pour autant bénéficier d’une culture blockchain ayant fait ses preuves depuis plus de cinq ans.

En effet la Crypto Valley de Zoug (canton près de Zurich) serait née 2014 et a comme témoignage de son environnement précoce en matière de blockchain la création de Bitcoin Suisse en 2013 et la Fondation Ethereum en 2014. La Crypto Valley abrite aujourd’hui un écosystème florissant d’environ 600 startups et fondations blockchain, parmi lesquelles ConsenSys, Shapeshift, Dfinity, Aragon ou Bancor.

C’est dans ce contexte d’un terreau fertile qu’est née en 2017 la Crypto Valley Association (CVA). La CVA soutient et connecte startups et acteurs de l’économie par le biais de recommandations de politique générale au sujet de la blockchain, de projets transversaux, de recherches initiales et habilitantes, d’organisation de conférences, de hackathons ou autres événements.

Interview

Entretien avec Jérôme Bailly, Chair du chapitre suisse romand de la Crypto Valley Association.

Bonjour Jérôme, tu viens d’être nommé Chair du chapitre suisse romand de la Crypto Valley Association (CVA), peux-tu nous présenter ton parcours et ce qui t’a conduit vers la blockchain?

J’ai toujours été guidé par un intérêt d’utiliser les technologies au service du business. Après un Master en Management du Digital Business et plusieurs expériences de consulting, je suis arrivé en Suisse en 2014 pour travailler dans les services digitaux. J’ai découvert la blockchain et les crypto assez tard, en 2017, mais j’ai eu tout de suite envie de mieux comprendre ce sujet. J’ai rencontré l’équipe de LakeDiamond à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) qui m’a proposé de travailler sur la promotion de leur ICO. La Crypto Valley m’a aidé pour ce projet, à mon tour d’aider l’association.

Crédit: Nicolas Righetti – Lundi13.

Quel est le projet de la CVA et pourquoi une présence en suisse romande? Quelle position attribues-tu à la Suisse dans la cryptosphère internationale?

La mission de la Crypto Valley est de faire de la Suisse l’écosystème de référence pour les technologies et le business blockchain et cryptographique. Le rôle du chapitre romand de l’association est d’étendre à notre région cette dynamique née à Zoug il y a quelques années. Je pense que la Suisse a toujours une longueur d’avance dans ce domaine grâce à son cadre réglementaire propice à l’innovation, permettant le développement d’initiatives locales et attirant des projets internationaux majeurs comme la Libra par exemple. Il y a en Suisse une vraie dynamique autour des sujets blockchain, depuis la formation (EPFL, ETH,…) jusqu’au financement (ICO/STO, VC), en passant par des programmes d’accélérations et des incubateurs de premiers plans (CV Labs, Trust Square, Fusion, Square One…).

La FINMA (régulateur suisse, équivalent de l’AMF) vient d’accorder les deux premières licences bancaires aux cryptobanques SEBA et Sygnum. En quoi cela peut-il être un point de rupture permettant de faire évoluer les services apportés aux professionnels et investisseurs institutionnels?

Encore une preuve de sa capacité d’innovation, la Suisse a été le premier pays à octroyer une autorisation en tant que banque à ces deux prestataires financiers actifs dans la blockchain. Les investisseurs professionnels, family offices et banques traditionnelles ont désormais deux intermédiaires régulés, leur permettant de répondre de manière facilitée et sûre à la demande croissante de leurs clients pour des investissement en actifs digitaux et cryptomonnaies.

Le custody est un des premiers services proposés, permettant de stocker de manière sécurisée et intégrée ces actifs numériques. Ces deux premières banques crypto proposeront également des services de gestion de fortune en investissement crypto, du trading de cryptomonnaies via leur e-banking et une plateforme de tokenisation d’actifs permettant l’émission et la gestion de tokens pour réaliser notamment des STO (Security Token Offerings).

Qu’observes- tu comme cas d’usages pour lesquels la blockchain sera (est?) réellement transformative au dela des crypto-narratives?

Il est vrai que la blockchain trouve ses premières applications concrètes dans le secteur de la finance mais il ne faut pas non plus oublier les projets autour des problématiques de l’approvisionnement et de la traçabilité. Les initiatives sont de plus en plus nombreuses, dans des secteurs très variés, depuis les matières premières avec Komgo ou Farmer Connect par exemple, jusqu’au marché secondaire des produits de luxe avec Arianee.

À quel horizon selon toi la blockchain sera-t-elle si acceptée, répandue et diffuse qu’elle en deviendra évidente?

Selon moi, la prochaine étape importante de la blockchain est d’étendre son adoption actuelle de manière beaucoup plus large, notamment à travers un projet tourné vers le grand public. C’est notamment pour cela que je suis un fervent défenseur du projet Libra qui devrait permettre à un très grand nombre de personnes de bénéficier de nouveaux services financiers, permis grâce à la blockchain.

On a ici un cas concret de solutions apportées par cette technologie pour répondre aux problèmes actuels des paiements internationaux (chers et lents), notamment l’envoi de fonds vers les pays en voie de développement. Ce projet devrait voir le jour d’ici la fin 2020 et c’est en Suisse Romande que cela va se passer, la Libra Association ayant choisi Genève pour y implanter son siège. Encore une preuve de l’attractivité internationale de la Suisse sur la blockchain et que la Crypto Valley s’étend désormais dans tout le pays, de Zug à Genève.

Merci Jérôme.

Focus sur 3 startups

Comme nous le faisons pour chaque chapitre, nous vous présentons 3 startups suisses: l’«Incontournable», l’«Emergente» et notre «Paris Early Stage».

L’ «Incontournable»

Bity.com, cofondée en 2013 à Neuchâtel par Alexis Roussel, est une passerelle entre les monnaies fiat (eur,chf..) et les cryptomonnaies tout autant qu’entre cryptomonnaies elles-mêmes, en apportant un élément de confiance. “Mais surtout nous rendons nos services au maximum sans faire d’authentification en voulant que le système soit le plus fluide possible à savoir pas besoin d’ouvrir un compte» nous confie Alexis Roussel. “C’est pourquoi nos distributeurs de bitcoin en Suisse (10 à ce jour) fonctionnent sans KYC selon les limites réglementaires suisses.» ajoute-t-il.

Nous proposons également une API ouverte qui peut être intégrée dans des wallets. Nous allons également développer tous les outils pour les personnes n’ayant pas de compte bancaire», déclare Alexis. “Prenons l’exemple d’une personne ayant un wallet de cryptomonnaies mais ayant tout de même besoin de payer en euro des petits montants ou d’envoyer une facture en euro à d’autres personnes, cette personne peut être payée en cryptomonnaies grâce aux solutions de Bity. Notre API est interconnectée et les utilisateurs peuvent programmer du change dans leurs interfaces.» 

Alexis Roussel a une conviction: “la génération la plus active qui est la GenZ, très connectée, est très entrepreneure et va utiliser les réseaux sociaux comme des plateformes de business donc les services comme ceux de Bity apportant ce type de fluidité feront la différence.» Pionnier suisse dans la démocratisation des cryptomonnaies et de la blockchain, Alexis observe depuis la création de Bity en 2013 “une normalisation du secteur, des choses beaucoup plus profondes que ce que l’on voit. [..] Plus de 100 sociétés ont été capitalisées lors de leur enregistrement en bitcoin ou en ether, cryptomonnaies que les entrepreneurs ont mis sur un compte évalué par un auditeur et accepté par le registre du commerce du canton, au lieu de mettre des francs suisses pour créer la société. Les 2 premiers cantons furent Neuchâtel et Zoug rapidement suivis par Zurich et Genève. [..] ceci ayant un impact réel sur l’économie.» 

Par ailleurs Alexis Roussel dénonce “la croyance très forte de la blockchain sans cryptomonnaie, très forte à Genève et Zurich, mais beaucoup moins à Zoug et Neuchâtel». Selon Alexis, “beaucoup d’argent est totalement perdu dans des projets qui ne servent à rien, un gâchis énorme de sociétés traditionnelles qui se font vendre des projets blockchain pour faire du suivi de tout en n’importe quoi sur de la blockchain privée, sans se rendre compte que derrière c’est le paiement qui est important et la valeur d’avoir un réseau ouvert. [..] Toutefois», ajoute-t-il, “nous sommes dans un pays très érudit, conscient de l’économie et les gens se rendent vite compte de l’erreur de cette croyance d’une blockchain sans cryptomonnaie.» Selon Alexis, en France cette croyance serait encore très forte “tellement que les lois sont faites en fonction de ça, alors qu’en Suisse toute la régulation s’est faite par rapport à la cryptomonnaie et non par rapport à des projets blockchain.»

Crédit: Alexis Roussel, Bity.com

L’ «Emergente»

Taurus Group, co-fondée en avril 2018 à Genève par Lamine Brahimi ex Deputy-COO et Chief Digital Officer de la banque privée Lombard Odier, est une fintech spécialisée dans l’infrastructure des actifs numériques et de la technologie DLT. Taurus Group SA fournit une plateforme pour échanger, investir et protéger des actifs numériques. La société a développé TAURUS TRADE, une plate-forme de courtage et de négoce d’actifs numériques en ligne; TAURUS INVEST, qui fournit des services de gestion d’actifs et de conseil dans le domaine des actifs numériques; et TAURUS PROTECT, qui fournit un service de stockage spécialement conçu pour assurer la sécurité des actifs numériques.

Taurus Protect est désormais opérationnelle auprès d’institutions financières « de premier plan », comme la banque Vontobel. “Taurus Protect a été construit conjointement par des experts du secteur financier et de la cybersécurité avec un focus sur la sécurité, la facilité d’utilisation et la conformité», selon Dr. Jean-Philippe Aumasson, membre fondateur et responsable de la sécurité. ”La mise en place de solutions de stockage fiables pour les actifs digitaux constitue un élément essentiel du succès de la prochaine génération d’infrastructure des marchés financiers basée sur les technologies blockchain», déclare Sébastien Dessimoz, membre fondateur de Taurus. La société vient également d’annoncer un nouveau partenariat avec Arab Bank (Switzerland) qui a choisi la solution de cold storage Taurus Protect, dont “la conservation des clés des clients finaux est intégrée directement au sein de l’infrastructure des banques et contrôlées par ces dernières», annonce Lamine Brahimi.

Plus d’une dizaine d’actifs numériques différents peuvent être conservés dans la plateforme. Arab Bank (Switzerland) a décidé de retenir les cryptomonnaies les plus liquides pour le lancement de son offre liée aux actifs numériques; potentiellement elle pourrait être étendue à de nombreux autres. La plateforme que nous avons développée couvre également les jetons numériques de type ERC20 et autres,» déclare Lamine Bahimi.

Crédit: Lamine Brahimi.

Le «pari Early-Stage»

Metaco, co-fondée en 2015 par Adrien Treccani, a pour but d’explorer et de concevoir des solutions de gestion de crypto actifs aux standards de sécurité institutionnels. « Le contexte en 2015 lors que nous avons créé Metaco était bien plus en faveur du Bitcoin puisque l’Ether ‘avait été que très récemment créé (2014)» déclare Adrien Treccani. « Toutefois grâce à la blockchain Ethereum, nous avons constaté que de nouveaux champs d’application de la cryptographie s’ouvraient en permettant des usages plus sophistiqués et proches de réels besoins business», ajoute-t-il.

Loin de la Hype autour des cryptomonnaies, « la plupart des grandes sociétés et institutionnels en Suisse explorent et développent actuellement des applications et des projets blockchain pour répondre à leurs enjeux de transformation digitale. Concernant les acteurs du secteur financier, l’une des principales problématiques est celle du custody des clés secrètes, ces dernières garantissant l’accès sécurisé aux cryptomonnaies à l’abri de cyberattaques. Une technologie de stockage et de gestion de ces clés secrètes est un enjeu prioritaire pour les banques qui souhaitent proposer cette nouvelle classe d’actifs à leurs clients», selon Adrien.

C’est ainsi que Metaco en 2018 s’est démarquée avec le lancement de SILO, la solution de stockage de crypto actifs pour l’industrie bancaire, comptant parmi ses clients des institutions financières en Asie et en Europe, l’idée étant de permettre aux « institutions d’offrir à leurs clients des services pour Bitcoin, Ethereum et autres tokens, comme on utilise les monnaies fiat telles que l’euro ou le dollar». Depuis son lancement, Metaco a levé 5 M de francs suisses et a scellé de nombreux partenariats avec notamment Avaloq, Temenos, Sygnum, Gazprombank, ou encore fait marquant l’assureur Aon, le deuxième plus grand courtier d’assurance au monde en termes de chiffre d’affaires.

Aon a en effet formé un panel d’assureurs pour fournir une couverture cryptomonnaies aux clients de Metaco. Ce groupe d’assureurs principalement européens (aucun d’entre eux n’a été nommé) offrira un produit d’assurance contre les cyberattaques aux établissements utilisant la solution SILO de Metaco pour les hot et cold wallets. Metaco, qui a levé 5 M de francs suisses compte actuellement une vingtaine de collaborateurs et cherche actuellement des profils techniques pour accélérer.

Crédit: METACO SA.

L’évènement à ne pas manquer

La French Tech Suisse Romande, Communauté Internationale labellisée par la Mission French Tech, organise une rencontre « Grand Format » en partenariat avec la Crypto Valley Association sur le thème « Blockchain and the Future of Banking » avec des acteurs de premier plan de cette technologie. Modéré par Jérôme Bailly, Chair du chapitre suisse romand de la Crypto Valley Association, ce panel d’experts accueillera

  • Lamine Brahimi, Co-Founder et Managing Partner de Taurus Group, une fintech spécialisée dans l’infrastructure des actifs numériques et de la technologie DLT (lire ci-dessus)
  • Martin Burgherr, Chief Client Officer de Sygnum, une des deux cryptobanques à avoir reçu une licence bancaire du régulateur suisse, la Finma
  • Thibaut Sahaghian, Co-Founder et CEO de Multis, la cryptobanque issue du startup studio eFounders et alumni de Y Combinator (summer 2019)
  • Rani Jabban, Managing Director et Head of Treasury chez Arab Bank (Switzerland), qui vient de lancer un service complet autour des cryptomonnaies pour ses clients fortunes

Date : 14 novembre 2019, 18h30
Lieu : FlexOffice Genève
Prix : Gratuit, sur inscriptions sur www.frenchtech.ch

Le correspondant

Raphaël Grieco a commencé en conseiller en investissement en Suisse. Installé à Genève depuis plus de 10 ans, il est aussi le fondateur de l’évènement UPComingVC, un «Venture Capital Investment Challenge» dédié aux VC, start-up et à des challengers souhaitant devenir VC.

Il organise également de nombreux meet-up à Genève, notamment ceux de Product Hunt et contribue à différents projets liés à l’innovation digitale (labélisation de la French Tech Suisse, création d’un fonds de venture capital). Raphaël est diplômé de SKEMA Business School.

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