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Transformation digitale: Faut-il uberiser la chaîne de commandement ?

Connaissez-vous les poilus de la transformation digitale ? La transformation digitale donne parfois l’impression d’être une vaste guerre de tranchées, opposant le siège et le terrain, les officiers de carrière et les troupiers. Tandis que les généraux décident d’offensives, les poilus ont la sensation de suivre des injonctions paradoxales.

Les «mutineries de la transformation digitale» sont donc de plus en plus fréquentes : refus d’adopter des outils, inertie des managers de terrain, données non remontées, désengagement de salariés.

Faut-il uberiser la chaîne de commandement ?

L’idée n’a rien de neuf : le numérique bouleverse les lignes managériales en rendant l’information accessible plus vite et en déplaçant les sources de légitimité et d’expertise. mais les entreprises continuent de privilégier des déploiements de projets digitaux très top down : les projets validés sont présentés aux officiers, qui ont ensuite la charge de les transmettre aux soldats.

Problème, le nombre d’informations est beaucoup trop lourd, indigeste. Les cartes sont mal dessinées, voire contradictoires, et l’estimation des ressources à engager pour la prochaine bataille approximative. Quant à la coordination entre la troisième armée d’infanterie marketing et le corps d’armée IT, elle n’est plus d’actualité, le colonel de liaison étant en permission pour cause de burn-out. Et si les sergents-chefs et les soldats avaient la possibilité de corriger les cartes et de remonter directement les informations du terrain ? La responsabilité des sous-officiers dans le déploiement de la transformation digitale est beaucoup trop lourde à assumer.

Le passage de la stratégie à l’opérationnel

Dans «Guerre et Paix», Tolstoï raconte pendant 100 pages la bataille d’Austerlitz, énorme capharnaüm absurde, remporté par les Français plus par hasard que grâce au génie de leurs généraux. Il raconte par exemple comment les officiers de l’état-major russe parcourent le champ de bataille pour reporter au grand général Koutouzov les positions des différents bataillons et prendre des ordres. Mais le temps que les officiers galopent jusqu’au général puis reviennent, la position sur le terrain a déjà changé trois fois, rendant l’ordre inapplicable. Une boucherie évitable s’ensuit.

A l’heure du numérique, la réactivité et l’adaptation à un environnement instable sont des compétences plébiscitées ; laisser à quelqu’un la possibilité de décider seul, en autonomie permettrait d’éviter ces allers-retours. Mais comment consolider l’information et éviter que deux régiments se rendent au même endroit, abandonnant une position centrale ?

L’information sur l’effort de guerre

La presse a toujours été mise au service de l’effort de guerre. Photos, cinéma, journaux : il faut encourager les troupes et les assurer du soutien de «l’arrière». Ainsi, dans la transformation des entreprises, on assiste à une surcharge d’informations. Le déluge d’annonces de projets nuit à leur crédibilité et leur appropriation. Se maintenir au courant des actualités de son entreprise demande maintenant une heure de veille et de lecture par jour ! Les salariés vivent une sorte de «fomo» de leur propre entreprise qu’ils résument par : «Ça se passe sans nous», d'un air un peu désenchanté. Et quand des annonces du type «les balles allemandes ne tuent pas» arrivent, démenties par l’observation quotidienne, le terrain est forcément sceptique.

La perception des priorités

Fraîchement sortis de l’École militaire de la transformation digitale, nos généraux ont mis au point des stratégies léchées, s’appuyant sur les conseils précieux de spin doctors transfuges d’autres armées, véritables Clausewitz du numérique. Mais le corps social de l’entreprise voit tout cela de très loin.

Le décalage entre les annonces et la réalité est fort. Alors qu’une entreprise annonce des projets d’innovation avec la blockchain, 50% des collaborateurs peinent encore à charger une vidéo en moins d’une minute. Alors que les groupes achètent pour des dizaines de millions d’euros des start-up pour se diversifier, leurs propres salariés voient leurs augmentations de salaires refusées. Le siège annonce l’arrivée de renforts et de moyens, mais nos poilus continuent à travailler avec de la poudre mouillée et leurs uniformes troués.

A-t-on encore besoin d’une armée ?

Sans aller jusqu’à annoncer le grand soir des grandes entreprises, on peut légitimement se demander si l’économie numérique est compatible avec des entreprises-mastodontes, issues d’une économie industrielle. Faut-il entrer dans une stratégie indirecte reposant sur la guérilla ? Les armées doivent-elles être recomposées en petits groupes autonomes, mobiles, suivant des orientations plus que des ordres ? Les drones et autres bots vont-ils remplacer l’infanterie ?

Antoine AmielAntoine Amiel est le CEO de LearnAssembly, société spécialisée dans la conception de parcours de formation digitaux (Moocs, social learning, académies digitales). LearnAssembly a notamment co-produit avec Gilles Babinet le premier cours en ligne sur le pilotage de la transformation digitale.

 

 

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