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Vers une professionnalisation trop systématique de l’économie collaborative?

A l'occasion de la parution d'un décret relatif à l'obligation d'information en matière fiscale et de prélèvements sociaux des utilisateurs de plateformes, Christian Eckert et Martine Pinville, tous deux secrétaires d'Etat au Ministère de l'Economie et des Finances en charge du Budget et des Comptes Publics, pour l'un, et du Commerce et de l'Artisanat, pour l'autre, font la promotion d'un guide dont les conséquences sont peut-être moins anecdotiques que ces deux membres du gouvernement ne semblent le croire…

Avant de critiquer la précipitation avec laquelle nous semble-t-il le gouvernement a voulu rendre publique sa «doctrine fiscale sur l'économie collaborative», rendons d'abord hommage à ce guide qui a la vertu de clarifier les différentes activités et la disjonction des cas qui en découle: 1/ covoiturage, 2/ location de biens immobiliers meublés, 3/ location de biens mobiliers, 4/ vente(/revente) de biens et 5/ services rémunérés font ainsi l'objet de 5 «jolies infographies» dont il appartiendra aux plateformes de communiquer la substantifique moelle à leurs utilisateurs en accompagnement (apparemment à chaque transaction!) des éléments nécessaires aux différentes déclarations fiscales et sociales… Les infographies sont «jolies» mais voyons un peu ce qu'elles révèlent…

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Concernant le covoiturage, qui a fait l'objet d'une instruction fiscale en août dernier couvrant la «co-consommation» (donc également le «cobaturage de plaisance» et le «co-cooking»), on notera que l'administration fiscale a une vision très restrictive de la «co-consommation». Il est, d'ailleurs, amusant de voir comment elle semble trouver acceptable sous réserve d'être «taxé et chargé», une forme de «covoiturage professionnel» alors que le transport de personnes à titre onéreux est une activité réglementée (cf interdiction Uberpop…). Ce n'est cependant pas le sujet du présent post.

Concernant la location de biens immobiliers meublés, la fiche reprend le «seuil de professionnalisation» à 23.000 euros, voté en fin d'année dernière dans le cadre du PLFSS2017 qui cohabite dorénavant avec le statut existant de loueur de chambre d'hôtes qui se «professionnalise» historiquement à partir de 5.100 euros… La location immobilière meublée est, il est vrai, un vertical très particulier puisqu'il s'agit avant tout de rémunérer le foncier… Ce n'est pas non plus le sujet du présent post.

Concernant la location de biens mobiliers (voiture, tondeuse, perceuse, objets de luxe…), la fiche reprend également le «seuil de professionnalisation» à 7.846 euros (apparemment 20% du plafond de la Sécu…) voté avec la LFSS2017. Autant ce «seuil de professionnalisation» nous paraît un concept valide, autant on peut s'interroger sur la pertinence, en deça de ce seuil, du régime dit «Micro BIC» dans le cas de biens ayant un très faible taux de location et générant un revenu très modeste par rapport à un coût de possession élevé (exemple: un véhicule): la notion de «bénéfice», de CSG au premier euro de recette et d'IRPP au 306éme euro de revenu ne sont, en effet, pas forcément très cohérents… Les alternatives «Prélèvement forfaitaire libératoire» ou «Régime réel» semblent bien [trop] compliquées mais ce n'est toujours pas l'objet du présent post.

La vraie découverte faite dans ce guide est l'absence de tout «seuil de professionnalisation» (ou de franchise d'impôt) concernant aussi bien la vente de produits «fait-main», la revente «habituelle» de produits ainsi que toute forme de service rémunéré (qu'il soit de nature intellectuelle ou artisanale). A en croire le guide, la mamie qui illustre ce post doit être micro-entrepreneuse dès le premier bonnet… De même, le moindre contributeur de la «gig economy» doit être micro-entrepreneur pour contribuer et toucher son premier euro…

Quand on connait les difficultés d'inscription à ce régime, l'obligation (pour ce qui concerne les activités artisanales) de faire un stage de 5 jours (coûtant 276 euros) et l'absence de tiers électronique permettant d'effectuer le calcul et le paiements des cotisations, il est probable que Mamy, alertée par la plateforme de vente de bonnets, décidera d'arrêter de tricoter!

Plus sérieusement, imposer ce fardeau administratif, des éventuels coûts initiaux et des cotisations et impôts au premier euro va tout simplement entraver le développement de l'économie collaborative et/ou favoriser les plateformes «offshore» et/ou replonger dans l'économie souterraine une partie de ces activités que les plateformes «tiers de confiance» rendent au contraire traçables et officielles…

Martine Pinville parle dans son message éditorial de «de distinguer l’activité accessoire, de celle qui présente un caractère professionnel» mais son administration semble ne rien distinguer.

L'exemple de David, l'informaticien, qui donne, de temps à autre, des cours de guitare est d'ailleurs intriguant: son activité de cours de musique est considérée comme une activité «libérale indépendante», elle nécessite un statut «professionnalisant» de type micro-entrepreneur et le revenu associé doit être soumis au régime des «BNC non professionnels»… La guitare est-elle une activité «professionnelle» pour David? Sans doute… Si les Bénéfices Non Commerciaux imposables sont «non professionnels», pourquoi doit-il être micro-entrepreneur? Parce que cela fait plus de cotisations pour le RSI… Dans l'exemple, il en retire 1200 euros par an… Le verdict serait le même pour 100 euros ou 500 euros par an? A priori oui…

Soyons clairs. Si les quatre conditions suivantes étaient remplies:

  1. inscription «en 1 clic» et sans coût au régime d'auto-entrepreneur,
  2. possibilité de déléguer à un tiers le calcul, la collecte et le paiement des cotisations,
  3. possibilité (sans condition de ressources) d'avoir un impôt forfaitaire libératoire dont le calcul, la collecte et le paiement serait délégué à ce même tiers,
  4. abattement incitatif supplémentaire ([très] supérieur à 305 euros, micro-abattement en vigueur) octroyé à ceux qui optent pour ladite délégation électronique (2. voire 3.).

 

La doctrine Bercyenne serait non seulement logique mais également applicable et efficace.

Il faudrait bien sûr que les plateformes (comme le font les notaires pour les fameux frais de notaires) fassent montre de pédagogie et expliquent bien à leurs contributeurs que ce qui est prélevé va dans les caisses de l'Etat ou du RSI (et pas dans celles de la plateforme) mais la simplicité induite et l'incitation fiscale devraient limiter l'exode vers les plateformes "offshore" ou le retour à l'économie souterraine…

La Secu et le Fisc verraient chaque mois arriver des cotisations et impôts correctement calculés, collectés, agrégés et massifiés…

Mais… Ces quatre conditions ne sont pas encore réunies!

En attendant, si l'on veut ne pas pénaliser le développement de l'économie collaborative et des plateformes et notamment celles pour lesquelles le «panier moyen» et la fréquence d'usage sont modestes, il convient de faire quelque chose… Je suggère de:

  • désigner les quatre conditions ci-dessus comme le «système cible» opérationnel au 1er Janvier 2019 ;
  • introduire dans l'interim un «seuil de professionnalisation» (10 ou 20% du plafond annuel de la Sécurité Sociale) en deça duquel le statut de micro-entrepreneur n'est pas requis pour commencer à tricoter des bonnets!
  • prévoir additionnellement une franchise fiscale temporaire (comparable à celle des revenus étudiants exonérés) pour permettre à David de partager ses talents de guitariste sans tracas au moment de sa déclaration d'IRPP et encourager ainsi les plateformes à atteindre la masse critique d'usage d'ici 2019…

 

Ce n'est évidemment pas à notre gouvernement en fin de cycle que ce post s'adresse.

J'espère, par contre, que les différents candidats à la Présidentielles et leurs équipes sauront s'en emparer!

PS: Petit hommage «clin d'oeil» à la société Golden Hook qui, je crois, a été liquidée en 2013 mais qui fournissait de bien jolis bonnets! Notre mamie les regrette mais ne savait pas que çà aurait été si compliqué de continuer dans le tricot collaboratif 

Jean-David-Chamboredon-ISAI-France-digitale-2016

 

 

Jean-David Chamboredon est CEO de ISAI et co-Président à France Digital.

 

Lire aussi: De la loi Macron à la loi de finance 2017, la saga des actions gratuites (AGA)

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