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[Learn] Comment le digital rebat les cartes de l’avantage concurrentiel

Le terme «avantage concurrentiel» est aujourd’hui rentré dans le langage courant. Il est employé pour désigner quelque chose que l’on fait mieux que d’autres, et il revient de manière récurrente, à tous propos. D'une certaine manière c’est une bonne chose car cela montre que la culture économique et du management se diffuse dans la société. Le revers de la médaille, c’est que le concept a été vidé de son sens, réduit à un mot-valise employé dès que l’opportunité se fait.

Mais alors, qu’est-ce que l’avantage concurrentiel? De quoi parle-t-on exactement lorsque l’on dit qu’une entreprise dispose d’un avantage concurrentiel? Et plus spécifiquement, qu’est-ce que l’avantage concurrentiel dans le digital?

Qu'est-ce que l'avantage concurrentiel?

L’avantage concurrentiel, c’est la capacité d’une entreprise à atteindre une performance plus élevée que la performance moyenne de ses concurrents sur son marché. Sur le principe, c’est simple. Tout d’abord la question du marché. C’est toujours compliqué de définir ce qu’est un marché. Il existe un très grand nombre de définitions. Je vous propose d’employer la suivante.

Un marché, c’est le lieu où se rencontrent l’offre et la demande pour des biens satisfaisant le même besoin du consommateur. Donc on commence par lister l’ensemble des entreprises sur le marché identifié puis on détermine pour chacune leur performance. Se pose donc ensuite la question de la mesure de la performance. Plusieurs variables sont utilisables pour mesurer la performance, les plus fiables sont le ROA (Return on Asset), le ROE (Return on Equities) et/ou le ROI (Return on Invest). Le ROA est le plus fréquent et il donne une information simple à analyser : combien d’euros d’actifs sont nécessaires pour générer un euros de profit. Vous trouverez ici une explication de ces indicateurs. Les taux de marge, ou Soldes intermédiaires de gestion comme l’EBE sont aussi envisageables. Ma préférence va au ROA. Quoi qu’il en soit, je vous déconseille d’utiliser des variables comme le chiffre d’affaire (CA) ou le volume de ventes. Ces variables sont sensibles à la taille de l’entreprise, ce qui rend l’analyse moins fiable.

Un haut niveau de performance, c’est ce que l’avantage concurrentiel permet d’atteindre. En soit, concrètement, l’avantage concurrentiel est un positionnement de l’offre de biens ou services sur un marché. Et c’est le positionnement de cette offre qui conduit à générer une performance plus élevée que ses concurrents. Ce positionnement est composé de trois paramètres:

  • Le prix du produit ou service

Quel est le prix public de l’offre, produit ou service, par rapport aux concurrents? Quid de ce prix par rapport aux coûts? Et par rapport aux revenus de la cible, entreprises ou consommateurs en fonction du marché B to B ou B to C?

  • Caractéristiques de cette offre

Quelles sont les caractéristiques des produits ou services? Comment se positionnent-ils par rapport aux concurrents? Et par rapport aux besoins des consommateurs?

  • Quantité, et donc disponibilité

Comment êtes-vous distribué? Vos produits sont-ils partout, en grande quantité, ou rares, et souvent indisponible ?

Les sources de l'avantage concurrentiel

Il y a deux sources principales d’avantage concurrentiel:

  1. Le Willingness to Pay: l’encouragement des consommateurs à payer pour un bien ou un service. Il consiste à créer des biens et services pour lesquels les consommateurs sont prêts à payer beaucoup et que les concurrents ne peuvent égaler (prix, caractéristiques du produit, distribution, expérience client, …)
  2. L’efficience: trouver un moyen de réduire les coûts pour être moins cher que les concurrents, ce qui conduit à être moins cher que les concurrents ou être au même prix mais avec un taux de marge plus élevé.

Ces deux sources forment un continuum.

Pour décrire cela, reportez-vous au schéma ci-dessous qui représente un marché, simple, composé de 8 entreprises.

Chaque croix sur ce schéma est une offre proposée au marché par une entreprise. Chaque offre est donc formée par un prix, des caractéristiques et une quantité de l’offre. L’axe des abscisses est l’axe du premier type d’avantage concurrentiel, l’efficience (à peu près équivalent à l’axe «domination par les coûts» chez M.E.Porter) ; l’axe des ordonnées est le second type d’avantage concurrentiel: le «Willingness to pay», l’encouragement des consommateurs à payer une somme élevée pour accéder à une offre perçue comme de plus haute qualité. L’arc rouge représente le continuum qui lie les deux sources d’avantage concurrentiel.

Tous les points sur cet arc sont donc des avantages concurrentiels, mais de types différents, certains plus orientés qualité, d’autres plus orientés coûts. On voit très bien que 3 offres (1, 2 et 3) sont beaucoup plus génératrices de valeur que les autres. 1 domine par la qualité, 3 domine par les coûts et 2 est une offre plus différenciée que 3 (moins que 1) pour des coûts plus élevés que 3 (moins que 1). 1, 2 et 3 sont d’excellentes positions. Les autres croix sont des positions d’offres d’autres entreprises. Elles sont plus risquées car moins compétitives. Le but de ces offres est de rejoindre l’arc rouge. Il y a pour cela un grand nombre de possibilités présentées ci-dessous.

Et c’est là que se trouve l’essence de la stratégie. Le but de chaque entreprise va être conduit par cette analyse:

  • Les entreprises dont l’offre n’apporte pas un avantage concurrentiel vont devoir bâtir une stratégie pour construire cet avantage. Elles vont donc bâtir une stratégie pour que leur offre rejoigne l’arc rouge ;
  • Les entreprises dont l’offre est déjà sur l’arc rouge vont bâtir une stratégie pour y rester, et renforcer leur position. On parle d’avantage concurrentiel soutenable (défendable).

 

L’entreprise dont l’offre est le point 4 peut améliorer sa qualité, et donc accroitre ses prix ; baisser ses coûts ou rentrer dans une stratégie haut de gamme. Elle peut aussi essayer de contester la position de l’entreprise proposant l’offre 2. Mais tout n’est bien sûr pas possible! Quoi qu’il en soit, toutes les entreprises ne disposant pas d’un avantage concurrentiel vont chercher à repositionner leur offre en fonction des 3 paramètres clés pour accroitre leur performance. C’est l’objet de la stratégie de concevoir ce changement de position, et c’est l’objet du marketing, de la supply chain, des SI, des achats, … de participer à la mise en œuvre (on parle d’execution). Cet article décrit ce processus.

L'avantage concurrentiel à l'ère du digital

Avec la révolution digitale que nous vivons depuis quelques années, souvent qualifiée de 3ème révolution industrielle, il serait tentant de dire que tout change, que plus rien d’ancien n’a de sens et qu’il faut tout réinventer. Concrètement, d’anciens concepts sont encore tout à fait valides. Notre entrée dans l’ère du digital conduit cependant à les étendre, à les renforcer, à les faire évoluer au rythme de l’évolution de nos sociétés. C’est le cas pour l’avantage concurrentiel. Il est important de comprendre que bien que la définition d’un avantage concurrentiel reste stable, c’est une position sur un marché qui conduit une entreprise à être plus performante que la moyenne des performances de ses concurrents sur le marché, en revanche, la stratégie digitale à mettre en œuvre pour bâtir un avantage concurrentiel n’est pas universelle. En effet, l’avantage concurrentiel est doté de plusieurs facettes, et l’entrée dans l’ère du digital a affecté chacune de ces facettes.

L’effet de la révolution digitale sur l’avantage concurrentiel porte principalement sur deux dimensions : comment construire l’avantage concurrentiel, et pourquoi faire.

Tout d’abord, voici brièvement un panorama des facettes de l’avantage concurrentiel à l’ère du digital. L’avantage concurrentiel étant un positionnement sur un marché composé de trois paramètres, le digital affecte chacun de ces paramètres:

  • Le prix de l'offre

Le prix est un paramètre fondamental dans la construction de l’avantage concurrentiel. Le basculement dans l’ère du digital l’a affecté principalement sous deux angles. Tout d’abord le prix public, c’est-à-dire le prix de l’offre sur le marché. Aujourd’hui, le niveau d’information des consommateurs est considérable et nous avons tous accès à des comparateurs de prix pour acheter un produit (réfrigérateur, voiture, lave-linge, …) ou un service (hôtel, vacances, assurances, …). Cette transparence a totalement bouleversé la concurrence. Mais le digital a aussi affecté la structure des coûts des entreprises en amont de ce prix public. La digitalisation des marchés conduit les entreprises à allouer différemment leurs ressources : production, compétences recherchées, technologies, communication, … et cette structure impacte directement le taux de marge, donc le prix public.

  • Les caractéristiques de l'offre

Le digital a conduit à un approfondissement considérable de la compréhension des comportements des consommateurs. Les données sur les comportements des consommateurs sont tellement massives qu’il est nécessaire d’investir dans des méthodes d’analyse (Big Data, data vizualisation) et d’automatisation de la collecte et de l’analyse. Il est donc aujourd’hui possible de proposer des produits et des services qui sont censés avoir une meilleure adéquation avec la demande. Cependant, mieux comprendre les consommateurs ne signifie pas que l’on soit capable de les satisfaire. De plus, les consommateurs sont versatiles, ils changent d’avis constamment. Donc mieux comprendre la demande signifie que l’on doit être capable d’adapter l’offre de manière dynamique afin d’être le plus en phase possible avec la demande. C’est un challenge technologique considérable, et un défi lancé par le digital, car ne pas satisfaire la demande laisse la place à de nouveaux entrants qui la satisferont mieux.

  • Les quantités

Prenons l’exemple d’Amazon. Lorsque vous consultez la fiche d’un produit sur Amazon, vous voyez des quantités disponibles apparaître. Ces quantités sont les quantités réelles, en temps réel. Cela signifie que vous passez votre commande en connaissance de cause. Ceci est lié à un ERP extrêmement performant, et à un site web totalement réactif. Sur de nombreux autres sites commerciaux, la consolidation des stocks se fait toutes les 24 heures (la nuit). Donc la quantité affichée n’est pas en temps réel. Votre commande peut donc porter sur un produit qui n’est plus en stock, mais qui est encore signalé comme disponible. Vous recevez ensuite un e-mail pour vous le confirmer et vous donner une nouvelle date de réapprovisionnement ou d’expédition. Le digital a métamorphosé la supply chain et la mise à disposition des produits.

La digitalisation affecte donc les trois paramètres de l’avantage concurrentiel, mais elle affecte aussi bien entendu ce que l’entreprise va en faire. En effet, si l’entreprise est un pure player, votre problème est de générer de la création de valeur en ligne. Mais si vous êtes une entreprise multi-canal, vous voulez vendre en ligne, et faire venir des clients dans votre boutique. Enfin, si vous êtes exclusivement une entreprise physique, votre problématique est «comment employer le digital pour accroitre la fréquentation de ma boutique, et donc les ventes?». Et bien entendu, à cela va s'ajouter la volonté de conquérir un avantage de type «willingness to pay» ou «efficience».

Ainsi, l’avantage concurrentiel dans le cadre d’une stratégie digitale a des effets online et/ou offline, et on ne parle pas que de site internet ou de media sociaux, mais d’articulations potentielles entre ce qu’il se passe sur le web et ce qu’il se passe dans le monde physique, pour conquérir une position profitable et défendable sur un marché.

 

Jean-Philippe TimsitJean-Philippe Timsit est professeur de Competitive & Digital Strategy à l’ESC Rennes School of Business.

Il est spécialisé dans l’avantage concurrentiel et la création de valeur, principalement dans le cadre de stratégies digitales, ainsi que dans les domaines de l’entrepreneuriat et du leadership. Il intervient régulièrement sur ces thématiques auprès d’entreprises via des séminaires, formations et missions de conseil ou auprès d’entrepreneurs en phase de création.

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