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Soyez digital en 2018 : arrêtez de faire du digital un sujet client

Par Bertrand Duperrin, expert FrenchWeb

Il doit bien y avoir quelques exceptions mais, en général, le digital est d’abord pris sous l’angle de la relation client. Pourquoi ?

Parce que l’interne, c’est déjà fait. On a des outils bureautiques, des emails, de la visio, un intranet, des outils métier. Que demander de plus ?

Par contre, côté client on peut toujours aller plus loin dans la manière dont on touche et engage le client et, in fine, dont on lui vend quelque chose. Et puis le client c’est un revenu, l’interne est un coût. Donc l’urgence est bien chez le client.

L’entreprise priorisera toujours ce qui fait vendre

Et puis il y les moyens, qui sont proportionnels à cette notion d’urgence. Et là, c’est bien sûr le marketing qui est le mieux fourni, et ce d’autant plus que dans son domaine il peut avancer quasiment seul. Qui s’occupe de l’interne ? Les RH ? Les opérations ? Les directions métier ? l’IT ? Un peu tout le monde et parfois d’autres selon les fonctions qu’une entreprise a pu créer ou non. Cela disperse les moyens, les budgets, demande de la coordination mais avant tout, de se mettre d’accord sur une vision et un besoin. Lent et compliqué.

Donc les entreprises se saisissent du digital pour améliorer leurs marketing, leur communication et leur ventes, en appelant ça grossièrement leur expérience client.

Dans de nombreux cas, l’effort fait sur l’expérience client en ligne a eu pour effet de montrer à quel point l’expérience « physique » était catastrophique. Magasins, agences…tous ont souffert de la comparaison avec les canaux digitaux. Parce qu’au final, les gens n’ont plus besoin d’aller voir leur banquier ou envie de fréquenter les magasins ? Un peu dans une certaine mesure, car il y des choses pour lesquelles se déplacer n’apporte aucune valeur ajoutée et que les gens préfèrent utiliser leur temps à des choses agréables qu’à des corvées. Mais surtout, justement, parce que l’expérience « physique » était tout bonnement catastrophique.

Quant on voit un conseiller ramer devant soi sur un outil dépassé pour faire en 5 minutes ce que vous faites en 10 secondes sur votre espace client en ligne, on se pose des questions. Quand on est reconnus en ligne, qu’on a un espace et des offres personnalisés quand le vendeur dans le magasin du même retailer ne connait ni nos gouts, ni ce qu’on a acheté auparavant, on se sent mieux en ligne.

L’entreprise ne se préoccupe de l’interne que quand le client grogne

Et puis, le digital a aussi changé le rôle des agences, magasins, avec le besoin donc de changer les rôles des gens, de changer des protocoles, de faire évoluer certains métiers.

Et, toujours dans le retail, on a réussi à créer des guerres internes entre le digital et le magasin qui se voyaient comme des concurrents. Un problème organisationnel qu’on aurait pu et du régler avant mais on a développé le online sans se préoccuper des effets de bord sur le reste ou en les négligeant.

Je ne mentionne même pas la logistique, qui est le plus important point d’insatisfaction du e-commerce. 44% des français qui se sont fait livrer des achats pendant les périodes de Noël et des soldes en 2017-2018 ont eu un problème de livraison, du simple retard au mauvais produit voire… pas de produit du tout car il a été vendu alors qu’il était en rupture de stocks. Faire des sites c’est bien, mais aligner la logistique c’est mieux. (Observatoire des comportements de consommation Odoxa Emakina avec BFM).

Le seul problème, c’est que, souvent, ça n’a pas pas été anticipé. On s’est occupé de l’interne à contre-cœur, et a posteriori parce qu’il le fallait bien, en raison de la grogne des clients.

Et globalement, on s’est rendu compte que la limite de l’expérience client était l’expérience employé.

Pas d’expérience client sans expérience employé

Le mot expérience véhicule une connotation « qualitative » qui fait que, côté employé, on la réduit souvent au well-being, ce qui est une erreur monumentale. Pour que le collaborateur « vive » quelque chose dans son travail, il faut que ça soit organisé. Et au travers de quoi le vit-il ? Il le vit au travers de ses interactions avec ses collègues, et des outils et process de l’entreprise principalement. Prétendre le contraire reviendrait à dire que l’expérience employé ne concerne que les moments où il ne travaille pas.

De manière très simple : un collaborateur ne peut pas donner à un client ce que l’entreprise ne lui donne pas. Et cela ne concerne pas que ceux qui sont en face du client : c’est tout le travail de l’interne, des fonctions support, de tous ceux qui ne verront jamais un client de leur vie qui fait qu’à la fin le client est satisfait ou pas. Le conseiller, le vendeur ou votre site web, si vous êtes un pure player digital, ne sont que le bout de la chaine qui est conditionnée par tout le reste.

On ne peut donner de la qualité quand on est mal outillé et que l’énergie se disperse dans des complications administratives, des process alambiqués et des outils qui ne fonctionnent pas et ne permettent pas un flux de travail fluide.

Dans de telles conditions, on ne peut donner de vitesse au business non plus.

Et en plus, on frustre le collaborateur qui sait qu’il gaspille de l’énergie au mauvais endroit, pourrait faire mieux, faire plus vite, mais que sa propre entreprise, qui lui demande d’en faire toujours plus, lui accroche un boulet au pied.

J’ajouterai aussi la nécessité d’expliquer et de donner du sens. On va faire des choses nouvelles pour le client ? Pourquoi ? Comment ? Dire à ceux dont le métier va changer qu’on va les accompagner, les former. Donner à tous de la visibilité sur ce que ce qui va changer pour le client va changer pour eux. Sans l’impression de s’engager dans un parcours balisé, vous n’aurez que de la peur et des freins.

Le digital ? Un boomerang qu’on envoie au client et revient vers le collaborateur

Alors bien sûr, le but final est le client. Le but d’une entreprise n’est-il pas de créer et fidéliser des clients, comme le disait Peter Drucker.

Mais le digital devrait avant tout un sujet interne qui se projette vers l’externe. Aujourd’hui, il est un boomerang qu’on envoie à l’extérieur et qui revient à pleine vitesse à l’intérieur.

Alors peu importe où vous en êtes dans votre transformation digitale, commencez par mesurer l’impact de vos projets métier sur vos collaborateurs et commencer par leur donner les moyens de suivre avant qu’ils ne subissent.

Crédit Photo : Fotolia

L’expert:

bertrand-duperrinBertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.

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