
Shopify, Google, Notion : ce que les meilleurs produits ont en commun selon Aydin Senkut, l’un des premiers PM de Google
Avant de fonder le fonds Felicis Ventures, Aydin Senkut a occupé un poste clé dans la genèse de Google : celui de premier product manager. Il a participé au lancement de Gmail, à la structuration de l’offre publicitaire, et à l’émergence d’une culture produit devenue modèle pour toute une génération de startups.
Aujourd’hui, à la tête de Felicis, il est l’un des investisseurs les plus respectés de la tech mondiale. Il a misé tôt sur Shopify, Canva, Notion, Runway. Et lorsqu’on l’interroge sur les ingrédients des meilleurs produits, il ne parle ni de design ni de marketing, mais de décisions radicales, de culture de l’effort et de mesure en temps réel.
Créer un produit “10x” ou ne pas le créer du tout
Pour Aydin Senkut, un produit utile n’a jamais été une simple amélioration. Il doit représenter une rupture. C’est ce qu’il appelle le principe du 10x : une solution dix fois meilleure, plus rapide ou moins chère que l’alternative existante.
Ce principe ne tolère aucune demi-mesure. Il exclut d’emblée les itérations faibles ou les MVP sans ambition. Aydin Senkut l’a vu à l’œuvre avec Gmail – qui offrait, dès son lancement, 1 Go de stockage quand les standards plafonnaient à 100 Mo. Il l’a retrouvé chez Shopify, avec une interface qui permettait à n’importe quel commerçant, sans développeur, de créer une boutique en ligne opérationnelle.
“On ne bâtit pas une entreprise majeure avec une amélioration de 10 %. Il faut déranger l’ordre établi.” — Aydin Senkut
Sous-évaluer son prix pour surévaluer son usage
L’un des aspects les plus marquants du raisonnement d’Aydin Senkut concerne le positionnement prix. À ses yeux, certains des meilleurs produits sont volontairement sous-tarifés.
Il cite l’exemple de Shopify. Plutôt que de maximiser la marge, la plateforme a choisi de croître avec ses utilisateurs. En offrant des tarifs abordables, elle est devenue le socle d’une nouvelle génération de marchands indépendants. Ce n’était pas une stratégie de court terme : c’était une vision de long terme, orientée vers l’adoption massive.
Même logique pour les canaux de distribution : Aydin Senkut rappelle que Shopify a rémunéré à vie les agences qui apportaient des clients, là où la norme était à la prime unique. Cette structure d’incitation a construit un écosystème aligné, motivé, durable.
Trois décisions fondatrices valent mieux qu’une centaine de fonctionnalités
Dans l’analyse d’Aydin Senkut, les grands produits ne se construisent pas par accumulation. Ils reposent sur quelques choix cruciaux, bien exécutés et non négociables.
Gmail a été pensé dès le départ comme un outil de rupture — pas comme une messagerie améliorée. Notion a fait le pari de la flexibilité extrême, permettant à chaque équipe de l’utiliser à sa façon, du freelance à l’entreprise structurée. Shopify a su, au bon moment, intégrer les paiements natifs, déverrouillant ainsi une nouvelle phase de croissance.
“Ce ne sont pas les fonctionnalités qui font un produit. Ce sont les décisions.” — Aydin Senkut
La mesure en temps réel comme levier de performance
Aydin Senkut insiste sur un point souvent négligé : la qualité du produit repose aussi sur la qualité des outils de pilotage.
Dès les premières années de Google, les équipes disposaient de dashboards internes qui permettaient de suivre l’état des serveurs, le trafic, les performances publicitaires, en temps réel. Shopify a reproduit ce modèle. Selon Aydin Senkut, aucun produit ne peut atteindre l’excellence sans instrumentation fine.
Il compare cette approche à la Formule 1 : “On gagne à un millième de seconde près. Ce n’est possible que si on mesure tout.”
Un produit n’a de valeur que s’il transforme un usage
Les meilleurs produits, selon Aydin Senkut, ne se contentent pas d’exister. Ils redéfinissent des comportements. Ils deviennent indispensables sans effort marketing. Ils s’imposent comme des réflexes, pas comme des options.
“Les produits qui comptent changent ce que les gens font tous les jours. Pas parce qu’ils sont plus visibles. Parce qu’ils sont devenus évidents.” — Aydin Senkut
Le produit n’est pas un livrable, c’est une position stratégique
Dans les choix d’investissement de Felicis, Aydin Senkut applique une lecture simple, mais exigeante :
- Le produit doit résoudre un vrai problème, à très grande échelle.
- Il doit déranger l’existant.
- Il doit être mesuré et piloté à l’échelle fine.
- Il doit s’inscrire dans un marché en croissance, mais aussi créer ses propres usages.
Il n’y a pas de formule magique, reconnaît Aydin Senkut. Mais il y a une exigence minimale : ne jamais faire un produit par commodité. Le faire parce qu’il mérite d’exister. Parce qu’il a une chance de devenir une infrastructure invisible, comme Gmail, Shopify ou Notion.
Et pour cela, conclut-il, il faut une équipe qui ne négocie pas avec l’ambition.
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