
Figma, l’anti-Adobe ? Chronique d’une IPO en forme de revanche
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Douze ans après sa création, Figma prépare son entrée en bourse sur le New York Stock Exchange sous le symbole « FIG ». Derrière cette opération, l’une des plus attendues de l’année dans la tech américaine, se joue autre chose qu’une simple cotation mais un retour stratégique après l’échec retentissant de son rachat par Adobe. Pour la startup fondée par Dylan Field et Evan Wallace, l’IPO prend des allures de revanche.
Une tentative de rachat avortée
En septembre 2022, Adobe annonce l’acquisition de Figma pour 20 milliards de dollars. Le montant interpelle immédiatement. Il reflète moins les résultats financiers de Figma que sa puissance d’influence dans l’écosystème du design collaboratif. La jeune entreprise a su imposer, en quelques années, un modèle centré sur la collaboration en temps réel et la simplicité d’usage, là où Adobe restait marqué par la complexité de ses outils historiques.
Mais la fusion annoncée ne se concrétise pas. Fin 2023, la Competition and Markets Authority (CMA) au Royaume-Uni remet en question l’opération, estimant qu’elle nuirait à l’innovation dans le secteur. L’accord est annulé et Adobe verse à Figma un milliard de dollars de frais de résiliation.
Une croissance soutenue, une rentabilité rare
Le prospectus d’introduction en bourse publié cette semaine donne un aperçu précis de la santé financière de Figma. Au premier trimestre 2025, la société a généré 228,2 millions de dollars de chiffre d’affaires, en hausse de 46 % sur un an. Le bénéfice net atteint 44,9 millions, contre 13,5 millions l’année précédente. Figma revendique 450 000 clients, dont plus de 1 000 génèrent chacun plus de 100 000 dollars annuels, parmi eux : Duolingo, Netflix, Stripe, Mercado Libre et ServiceNow.
Plus de 85 % des utilisateurs mensuels sont situés hors des États-Unis, même si l’international représente aujourd’hui 53 % du chiffre d’affaires. Cette dynamique mondiale, conjuguée à une base utilisateur largement non-designers (seulement un tiers des 13 millions d’utilisateurs mensuels), renforce l’image d’un produit devenu plateforme.
De la tentative d’intégration à l’indépendance assumée
Dans la lettre aux investisseurs jointe au dossier, Dylan Field revient sur les motivations de l’introduction en bourse. Il écrit : « Beaucoup d’entreprises exceptionnelles restent privées indéfiniment. Nous pensons que le moment est venu pour Figma de prendre une autre voie. » Il évoque les bénéfices classiques d’une cotation (accès au capital, transparence, image de marque), et insiste sur un point, faire de Figma une entreprise partagée avec sa communauté.
L’opération permet aussi à Field de conserver la majorité des droits de vote via ses parts de classe B, consolidant sa position de fondateur-actionnaire dans la durée. Le modèle de gouvernance rappelle celui d’autres entreprises emblématiques de la Silicon Valley qui ont choisi d’assumer une direction forte et stable à long terme.
Une expansion prudente, mais ciblée
Depuis plusieurs mois, Figma étend son périmètre fonctionnel, en mars, elle lance Figma Sites, un outil permettant de transformer des maquettes en sites web opérationnels. En parallèle, la société a procédé à plusieurs acquisitions discrètes notamment une entreprise spécialisée dans les CMS pour 35,5 millions de dollars, une autre dans la technologie d’infrastructure logicielle pour 14 millions, et en juin, l’annonce de l’acquisition de Payload, une startup CMS soutenue par Google et MongoDB.
Figma explore également le terrain des crypto-actifs. En 2024, le conseil d’administration a autorisé un investissement de 55 millions de dollars dans un ETF Bitcoin géré par Bitwise. En mai, un second investissement a été réalisé dans le stablecoin USD Coin pour un montant de 30 millions. Toutefois ces mouvements restent marginaux à l’échelle de ses 1,54 milliard de dollars de trésorerie.
Un signal fort envoyé aux marchés
Pour l’écosystème du capital-risque, cette introduction est attendue comme un signe de retour à la normale. Index Ventures, Greylock, Kleiner Perkins et Sequoia Capital figurent parmi les principaux actionnaires historiques. Index détient 17 % du capital avant l’IPO, Greylock 16 %, Kleiner 14 %, Sequoia 8,7 %. Après une période marquée par la rareté des “exits” et la baisse de valorisations, le succès potentiel de Figma représenterait un marqueur fort pour la liquidité du portefeuille des grands fonds.
L’entreprise ne communique pas encore le nombre d’actions mises sur le marché. Sa valorisation de référence reste celle du tender offer de 2024 : 12,5 milliards de dollars. Bien en deçà des 20 milliards envisagés deux ans plus tôt, mais suffisamment élevé pour repositionner Figma comme l’un des piliers de la nouvelle génération de logiciels collaboratifs. Et surtout, elle referme définitivement le chapitre Adobe.
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