ACQUISITIONIN THE LOOP

Quand les fonds mondiaux s’emparent des infrastructures IA européennes : Deepomatic passe sous pavillon IQGeo

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Les infrastructures de l’intelligence artificielle ne se limitent pas aux data centers ou aux GPU. Elles s’étendent désormais à la couche logicielle qui structure la donnée, automatise les opérations et connecte les réseaux physiques. Et c’est précisément sur ce maillon stratégique que les fonds mondiaux accélèrent leurs prises de contrôle.

L’acquisition de Deepomatic par le britannique IQGeo, soutenu par KKR, illustre ce basculement. Fondée en 2014 à Paris, la société a développé une plateforme de vision par ordinateur utilisée par les opérateurs télécoms et énergétiques pour automatiser le contrôle qualité et la maintenance terrain. Ses algorithmes analysent les photos des techniciens pour détecter anomalies, non-conformités ou risques de panne avant qu’ils ne se produisent. En quelques années, Deepomatic s’est imposée comme un standard de la “field AI”, utilisée par près de 30 000 travailleurs sur le terrain et un million d’opérations documentées chaque mois.

Pour IQGeo, cette acquisition s’inscrit dans une logique de convergence entre IA visuelle et gestion géospatiale. En intégrant la technologie de Deepomatic à sa suite logicielle, l’éditeur renforce son contrôle sur le cycle complet des réseaux : planification, construction, activation et maintenance. Soutenu par KKR, le groupe dispose désormais d’une brique logicielle européenne capable de transformer la manière dont les infrastructures télécoms et énergétiques sont gérées. Une opération qui étend aussi le périmètre d’influence du capital américain sur les outils critiques de gestion des réseaux européens.

Ce mouvement dépasse le seul cas Deepomatic. Ces derniers mois, plusieurs acteurs stratégiques de l’IA appliquée ont changé d’échelle. Buildrz a rejoint le finlandais One Click LCA, tandis qu’Unifai a été intégrée au français Akeneo, deux opérations illustrant la consolidation du logiciel B2B en Europe. En parallèle, des groupes soutenus par des fonds mondiaux comme KKR, EQT, BlackRock, General Atlantic ou Carlyle multiplient les acquisitions ciblant les briques logicielles d’infrastructure, de données environnementales et de cybersécurité. Leur objectif est de verrouiller les couches technologiques qui alimenteront les réseaux intelligents et les modèles d’IA industriels des prochaines décennies.

Cette internationalisation du capital accélère la consolidation du marché européen, mais elle pose aussi la question du contrôle des infrastructures logicielles critiques. Derrière des acquisitions présentées comme purement industrielles, c’est un pan entier de la souveraineté numérique européenne qui se déplace hors du continent.

Face à cette concentration, les réponses restent fragmentées. Le Fonds européen d’innovation (EIC Fund) ou les initiatives PIIEC sur l’IA cherchent à soutenir des alternatives locales, mais les tickets d’investissement restent sans commune mesure avec les capacités de KKR ou EQT. Pour les startups européennes, faute de financements long, le choix de s’intégrer à des acteurs disposant d’un réseau mondial et de capitaux massifs, est pour le moment la seule option.

Deepomatic a levé 18,5 millions d’euros au total, avec une levée de 10 millions d’euros en série B auprès du fonds d’investissement corporate de l’énergéticien allemand EnBW New Ventures et d’Orbia Ventures, avec la participation de ses investisseurs historiques. La startup avait déjà levé 2,3 millions d’euros auprès de Swisscom et Octave Klaba (OVH) en avril 2021 et 6,2 millions de dollars en 2019, notamment auprès de Hi Inov et Alven.

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