TECH CULTURE

Bill Atkinson, pionnier de l’informatique et créateur de MacPaint, est décédé

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Bill Atkinson, l’homme derrière l’interface

Il a dessiné les outils avant que le design devienne un métier, il a imaginé l’interactivité avant que le Web existe. Il a écrit du code avant qu’on parle d’expérience utilisateur. Et pourtant, le nom de Bill Atkinson reste méconnu du grand public. Cet ingénieur de génie, pilier d’Apple dans les années 1980, a significativement contribué à l’informatique visuelle moderne. Son œuvre se lit dans chaque menu déroulant, chaque glisser-déposer, chaque clic.

Dans l’ombre de Jobs, un maître de la forme et du fond

Né en 1951, diplômé de l’Université de Californie à San Diego, Bill Atkinson rejoint Apple en 1978 à l’invitation de Jef Raskin, initiateur du projet Macintosh. Il arrive dans un monde dominé par la ligne de commande, les terminaux et le texte brut. Apple, avec Steve Jobs, veut rendre l’ordinateur accessible à tous.

C’est dans ce contexte que Bill Atkinson développe QuickDraw, une bibliothèque graphique révolutionnaire qui permet à l’ancêtre du mac, Lisa puis au Macintosh d’afficher des éléments visuels avec une rapidité inédite. « J’ai écrit QuickDraw pour que le système soit fluide, même sur du hardware limité », expliquera-t-il. En langage machine, ligne par ligne, il optimise chaque fonction graphique. Le Macintosh peut alors dessiner des fenêtres, des menus, des icônes, des polices, avec une précision et une vitesse qui étonnent même les ingénieurs de Xerox PARC, pourtant précurseurs de l’interface graphique.

MacPaint, la poésie du pixel

En 1983, Atkinson s’attelle à un second projet, MacPaint. Ce logiciel de dessin bitmap, fourni avec le Macintosh en 1984, devient l’emblème du nouvel âge informatique. Pour la première fois, un utilisateur non technique peut dessiner avec sa souris, copier-coller des motifs, utiliser des brosses, zoomer, sélectionner, inverser… et tout cela sur un écran noir et blanc 512×342 pixels!

La performance est autant technique qu’artistique. Il développe même une fonction baptisée FatBits pour dessiner pixel par pixel avec une loupe, permettant une précision chirurgicale. La plupart des démonstrations commerciales du Macintosh en 1984 s’ouvrent par une session MacPaint. Steve Jobs dira : « MacPaint alone sells the Mac. »

HyperCard, le Web avant le Web

Mais l’apogée créative d’Atkinson se joue trois ans plus tard, en 1987, avec HyperCard, un logiciel hybride mêlant base de données, présentation et programmation. Le concept repose sur des « cartes » numériques, que l’on peut empiler et relier entre elles par des liens interactifs. L’utilisateur ajoute du texte, des boutons, des dessins, et peut écrire des scripts dans un langage accessible appelé HyperTalk.

HyperCard permet de créer des guides, des jeux, des outils éducatifs… sans avoir à écrire une ligne de code complexe. Ce sera l’une des applications les plus téléchargées sur Macintosh pendant plusieurs années. Des pionniers du Web, comme Tim Berners-Lee et les frères Miller (créateurs de Myst), reconnaîtront s’en être inspirés. Pourtant, Apple ne pousse pas HyperCard et Steve Jobs est déjà parti fonder NeXT.

Un départ silencieux, un virage spirituel

En 1990, frustré par la direction qu’Apple prend, Bill Atkinson décide de quitter la firme de Cupertino. Il refuse de suivre la logique des grandes structures, du capital-risque, des roadmaps industrielles. Il se consacre à la photographie de nature, développe ses propres outils d’édition couleur et de calibration, et participe à plusieurs cercles de recherche sur la conscience, la neurotechnologie et la méditation, dans sa maison en Californie.

Un héritage caché, mais omniprésent

Son intérêt pour la technologie n’a jamais été purement technique, il cherchait à créer des instruments d’expression. Il a posé les fondations sur lesquelles repose une part majeure de l’informatique contemporaine. Son approche du code comme langage visuel continue d’inspirer des générations de développeurs. Ses logiciels ont démocratisé la programmation visuelle avant l’heure, avec une simplicité qui n’a jamais été égalée.

Il incarne une époque de l’informatique où l’innovation se mesurait à l’élégance d’un geste, du code, d’un pixel.

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