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Digital: l’empire contre-attaque

Par Bertrand Duperrin, expert FrenchWeb

Le tsunami digital qui déferle depuis la fin des années 2000 emporte tout sur son passage, les leaders d’hier ont été terrassés par des challengers ou de nouveaux entrants et ceux qui ont survécu tremblent pour leur survie.

Je me suis amusé l’autre jour à dresser la liste de ces entreprises qui ces dernières années sont venues peupler le cimetière des dinosaures pré-digitaux qui ont raté leur virage voire n’ont pas vu qu’il y avait un virage à prendre.

Les grandes causes de décès par le digital sont…

Il est facile de catégoriser ces entreprises et la cause de leur décès.

• Manque de clairvoyance: elles n’ont rien vu venir.

• Manque de vision: elles ont vu quelque chose arriver mais ont sous-estimé l’impact ou n’ont pas fait les bons choix.

• Manque d’exécution: elles ont vu, elles ont décidé mais ont mal exécuté leur plan.

Remarquez que dans les deux derniers cas on peut d’ailleurs se demander si le digital est la cause du décès. Ne rien voir venir et se faire disrupter est une chose, voir venir les choses et mal réagir en est une autre.

Drolerie de la chose: ce sont exactement les mêmes que pour tout autre sujet. Le digital n’a donc rien de vraiment particulier, c’est juste une question d’appréciation et de stratégie. Comme toujours.

• Effet plateforme: sur un secteur impacté par l’économie des plateformes il ne peut y avoir qu’un gagnant entouré d’un ou deux challengers et de petits players locaux. Donc si l’un réussit sa mue les autres ne peuvent que mourir peu importe la qualité de leur stratégie: elles l’ont juste exécutée trop lentement.

Le digital: un cimetière sans cercueils

Et il ne reste plus qu’à dresser la liste des défunts et les mettre dans la bonne case.

On parle bien d’entreprises bel et bien disparues, pas de celles en train de se reconstruire parfois dans la douleur. On sait bien qu’il est plus dur de se transformer (car il y a un existant à faire tourner, on ne peut faire on/off du jour au lendemain) que de partir de zero sur un nouveau modèle et on ne peut donc pas blâmer ceux qui sont en train de le faire.

Et là, Ô surprise, j’ai eu du mal de remplir ma liste. Mais heureusement j’ai appelé mon réseau à la rescousse et…. on n’a guère plus avancé.

Alors on commence facile. Kodak. Mais contrairement aux idées reçues ça n’est pas la rupture technologique qui a tué Kodak. Kodak a même été dans les premiers à se lancer sur le créneau, avait de bons APN et de nombreux brevets. Ce qui les a tué c’est deux choses: ils ont sous estimé la taille de la vague et n’ont pas osé lâcher de manière franche un réseau de distribution connu et maîtrisé pour reconstruire de zéro en fonction de l’évolution du marché. Tiens….ils viennent de se lancer dans les cryptomonnaies. Pas mal pour un mort-vivant.

Suivant?

Virgin Megastore. Non. Si on date le début du déclin de Virgin au début des années 2000 ça n’est pas l’e-commerce qui leur a fait du mal, leur problème était déjà stratégique et structurel. Peut être que le digital a accéléré les choses mais ils étaient déjà bien malades de leur propre faute avant.

FNAC? Moi je vois qu’elle est encore là et qu’elle a profité du contexte pour mettre la main sur Darty. Il reste du chemin à faire mais je connais des malades qui vont plus mal.

Nokia? Oui et non. Il y a un terrible pêché de suffisance lorsqu’ils refusent la main tendue d’Apple pour faire l’iPhone mais ensuite ils ont réussi ce qui est le propre des entreprises digitalement matures: le pivot. Vente d’une division téléphonique moribonde à Microsoft, rachat de Withings, rachat d’activités d’Alcatel-Lucent….

Les agences de voyages? On est en plein dans l’effet plateforme et n’ont plus de sens que celles spécialisées dans le sur-mesure et l’ultra premium.

Les retailers? Bien sûr, il y a eu quelques cas mais ça n’est pas parce que certains ferment des magasins qu’il faut prédire leur fin, bien au contraire. Le online ne représente que 9% des ventes globales donc il reste de la place pour des magasins. Par contre avec une vraie synergie avec le online, une expérience digne de ce nom etc. Au contraire quand Amazon rachète Whole Foods ça n’est pas la mort du détaillant mais davantage une stratégie de conquête du e-commerçant qui se rend compte qu’il a besoin d’un réseau physique.

Les «vieux» comme Yahoo!, AOL and co? Je vois plutôt dans un certain nombre de cas une bataille entre les digitaux historiques et ceux de la nouvelle vague et un inévitable mouvement de concentration qui a suivi.

La presse magazine? Ok. RIP newsweek pour ne citer qu’un des plus connus. La presse quotidienne ? Elle souffre, se transforme à grand peine mais ne meurt pas aussi vite qu’on l’aurait dit.

Peut on faire une bonne soupe digitale dans un vieux pot?

Les constructeurs automobiles? La crise de 2007 leur a fait plus de mal que Google mais au final ce sont eux qui sont en pointe sur la voiture autonome avec et non pas contre les géants de la techno dont on pensait qu’ils les remplaceraient.

Ce cas me fait également penser aux compagnies de taxis. Ont-elles souffert? Assurément? Se sont-elles transformées? Oui, par exemple le G7 d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec le G7 pré-Uber. Mieux encore, pendant qu’elles mettaient à jour leur expérience client elles continuaient à être plus ou moins profitable alors qu’un Uber aujourd’hui continue de creuser sa tombe à coup de pertes abyssales et fait face à une défiance croissante et de ses chauffeurs et de ses clients. Qui sera encore là en 2025? Je ne parierai pas mes économies là dessus.

Les chaines d’hôtel? Les Marriott-Starwood, Hilton et autres IHG vont bien merci pour eux. AccorHotels innove sans renier qu’un Airbnb lui a mis un coup de pied au derrière et l’oblige à être plus créatif dans son offre. Qu’Airbnb leur ait «volé» quelques nuitées est certain mais il y a des catégories de voyages ou de clients pour lesquels Airbnb ne fera jamais l’affaire. Avec du recul on peut même dire qu’Airbnb a permis à plus de monde de voyager et à davantage fait grossir le gâteau global qu’il n’a volé dans les assiettes des autres. Ensuite certains clients resteront Airbnb, d’autres verront leurs attentes et/ou leurs leur moyens évoluer et rejoindront l’hôtellerie traditionnelle (en tout cas celle qui aura appris la leçon).

Au final et de manière très surprenante finalement on dénombre peu de morts. Des rachats, des concentrations oui, mais assurément moins de disparitions sèches que l’imaginaire collectif ne veut bien le croire.

Mieux, certains anciens après avoir souffert (il est plus dur de se transformer en continuant à faire tourner l’existant le temps nécessaire que d’arriver en partant de zéro) sont bien positionnés pour jouer un rôle à l’avenir.

Surprenant non?

L’expert:

bertrand-duperrinBertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.

Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.

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