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Montez votre startup d’intelligence artificielle à succès en 3 leçons

Par Thomas Gouritin, fondateur de Regards Connectés

Il n’y a rien de mieux que de suivre les hypes technologiques pour monter un business à succès. Quitte à y aller à fond autant se concentrer sur ce que vous n’aurez pas trop de mal à vendre aux investisseurs. Aujourd’hui ce qui fonctionne à tous les coups, c’est l’intelligence artificielle. Source de fantasmes inépuisables puisés dans nos souvenirs d’enfance ou dans des films plus récents, l’IA (c’est son petit nom, entre connaisseurs) est aujourd’hui au sommet des tendances dans tous les domaines. Ca va bien plus loin que la technologie, et c’est bien pour ça que c’est le moment de vous lancer !

Le petit problème c’est que si vous voulez commencer à creuser et à faire réellement des choses, c’est pas facile. Travailler sur une IA pour résoudre un problème bien précis du quotidien pour changer le monde, voilà un bien beau concept. Mais techniquement ça se complique rapidement. On n’est plus dans la création à la volée de sites internet comme on pouvait le faire il y a encore 10 ans. On parle là de problématiques complexes à partir de data qu’il faut récupérer, affiner, stocker, traiter, et exploiter dans un but précis pour entraîner des algorithmes basés, généralement, sur des réseaux de neurones artificiels.

Bon, ok, j’en ai déjà perdus quelques uns. Alors ne rentrons pas trop dans les détails, et passons au concret.

1. Vous n’avez pas besoin de techno !

Si votre objectif est de monter rapidement un business pour faire baver les investisseurs, vous n’avez même pas besoin de vraie techno. Pourquoi s’embêter à créer quelque chose de techniquement novateur alors qu’il suffit d’une slide qui dit ce que notre solution devrait pouvoir faire ? Pas besoin de plus pour lever des fonds si votre power point est joli et que votre discours cadre bien avec les attentes du moment.

Pour reprendre un exemple que je connais un peu (j’en parlais d’ailleurs dans une tribune ici il y a quelques mois), les chatbots, on voit ce genre de situations tous les jours. Combien de startups de “création d’expériences conversationnelles intelligentes” se sont montées ces derniers mois ? Plusieurs dizaines rien qu’en France.

Quand certains essaient de lever les freins qui existent encore sur la compréhension du langage naturel en étant pragmatique pour avancer petit à petit et affiner leurs méthodes, d’autres se content d’utiliser des solutions de “bot builder” (on glisse les blocs et on rédige directement dans l’outil, facile) en marque blanche en vendant ça comme de l’intelligence artificielle maison.

Si si, de l’intelligence artificielle maison. Avec des réseaux de neurones qui tournent pour comprendre le langage et faire en sorte que l’agent conversationnel intelligent apprenne tout seul. Rien que ça. Dans les faits beaucoup d’agents conversationnels ainsi vendus comme intelligents ont du mal à comprendre “oui” et “non”. D’où la déception à l’usage, et le sentiment d’arnaque qui ressort bien souvent, et qui n’est bon pour personne.

2. Plus c’est gros, mieux ça passe, allez-y franchement !

Comme vous n’avez pas besoin de construire de véritable techno différenciante et “impactante”, il vous reste du temps pour préparer le discours marketing. C’est l’ingrédient principal pour assurer la réussite de votre projet et préparer le terrain à la levée de fond imminente.

Vous aurez bien souvent en face de vous des investisseurs qui ont encore du mal à comprendre la révolution mobile, alors si vous commencez à parler intelligence artificielle vous avez de grandes chances de pouvoir raconter tout et n’importe quoi. Bon, documentez vous quand même un peu pour que ce soit un peu crédible. Il y a des super vidéos sur Youtube pour ça. De qualité scientifique parfois douteuse, mais peu importe, on est entre nous n’est-ce pas ?

J’ai quand même vu récemment un startupper (toujours dans le domaine du conversationnel, désolé) expliquer comment son Intelligence Artificielle (ah oui, les majuscules, c’est important) pouvait personnaliser ses réponses pour vous proposer le vin adapté à vos goûts. Concrètement le chatbot vous pose quelques questions, ce qui revient à remplir un bon vieux formulaire, et va chercher un produit dans sa base de données qui correspond à ces quelques critères. Une recherche classique de site e-commerce me dit-on dans le fond ? C’est exact. Mais par la magie de la personnalisation et du bullshit ambiant c’est devenu de l’Intelligence Artificielle. Fascinant.

D’ailleurs on a déjà vu une startup faire la démonstration sur une antenne nationale (la petite chaîne qui monte, pour ne pas la citer) d’un chatbot de personnalisation de voyage qui… n’existait pas. Pour être précis, elle existait bien sur Messenger (comme on le voit dans le test à l’écran), mais elle semblait configurée uniquement pour un seul parcours, celui du test évidemment. Facile.

Vous voyez, c’est pas si compliqué finalement !

3. Prenez de la hauteur et faites des conférences

Avec un discours bien emballé et quelques promesses bien senties vous allez sans doute attirer l’attention de quelques conférences marketing bien connues. C’est le moment de passer à la vitesse supérieure et d’aller vendre votre expérience d’entrepreneur. Vous n’avez pas de techno, il faut bien que l’histoire repose sur quelque chose, ou au moins quelqu’un. Ce quelqu’un c’est vous.

D’ailleurs si vous avez bien conçu votre stratégie marketing il y a des chances pour que vous soyez au centre de cette dernière. Dans ce cas de figure on n’a même plus envie d’en savoir plus sur la technicité de votre produit ou sur la réalité de votre IA, ce qui intéresse c’est comment vous avez pu vous lancer. Comment vous évoluez dans ce monde ingrat de la tech.

Bien sûr il faut travailler la posture. Vous n’êtes pas là pour imposer une intelligence artificielle ultra puissante et omnisciente. Déjà parce que vous en êtes techniquement bien incapables, et puis parce que ce n’est pas ce qu’il y a de plus vendeur auprès du grand public. Non, vous défendrez bec et ongle cette complémentarité homme/machine où l’humain doit rester maître du jeu. C’est peut être la seule bonne chose que vous pourrez faire dans tout ce cheminement, d’ailleurs.

Version alternative

Vous travaillez pendant des mois sur votre technologie dans l’ombre, vous prouvez des résultats concrets, et vous vous faites racheter par un géant américain ou chinois.  Quoique dans cette dernière étape vous pouvez aussi garder votre indépendance et faire bouger les choses en profondeur en restant vous même.

Ca paraît plus court, mais je vous assure, c’est beaucoup plus compliqué…

Note pour plus tard : vous pouvez répéter l’opération en remplaçant “Intelligence Artificielle” par “Blockchain”, le principe est le même, et les résultats aussi concluants. Promis.

Lire aussi : L’arnaque chatbots durera-t-elle encore longtemps?

Le contributeur:

Passionné de technologie et d’innovation du côté des interfaces web, Thomas Gouritin baigne dans les chatbots depuis plusieurs années avec la conception de projets pour des acteurs nationaux et internationaux.
Depuis 18 mois, il documente des tests de chatbots dans tous les secteurs sur medium.com/1jour1bot et il en a tiré un livre blanc complété par les témoignages de grands comptes (de Direct Energie à Disney France). Son mot d’ordre: stop au bullshit, pensons avant tout à l’expérience offerte aux utilisateurs!
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3 commentaires

  1. Oui et on peut aussi faire la même chose pour une ICO ! Comme la plupart des ICOs le font déjà d’ailleurs…

  2. Le bullshit ambiant comme coeur de business, en voilà une innovation !
    Merci pour ce bel article.

  3. J’adore. Merci Thomas. Je m’intéresse aux chatbots depuis plus de 10 ans (les vrais, avec des morceaux entiers d’intelligence dedans), et ce mélange de marketing à deux balles et de bullshit à destination d’investisseurs qui n’y connaissent rien, c’est exactement ce que je ressens actuellement. Tiens, j’ai même mis sur mon site un lien vers ton article précédent (je te laisse chercher, je ne suis pas là pour me faire de la pub).
    Bon courage, ramer à contre-courant n’est pas le plus facile.

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