
Surexposés à la FrenchTech, pourquoi les LPs freinent leurs réinvestissements dans le venture français
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Après une décennie de croissance soutenue, le capital-risque français fait face à un retournement structurant, de nombreux investisseurs institutionnels, les LPs, freinent leurs réengagements dans les fonds tech. Non pas par désintérêt, mais par saturation, pour une partie d’entre eux, les lignes d’exposition à la French Tech sont pleines, les rendements tangibles se font attendre, et les allocations sont désormais conditionnées à une exigence de liquidité. Le message est que sans distribution réelle, les engagements futurs resteront gelés.
Ce phénomène s’inscrit dans un changement de cycle entamé depuis 2023. Alors que les années précédentes avaient été marquées par des levées records et un engouement généralisé pour l’innovation tricolore, le climat s’est considérablement durci. Le ralentissement des valorisations, la rareté des exits industriels ou boursiers et les difficultés de refinancement de certaines participations fragilisent la promesse implicite de rendement. Pour les LPs, dont les allocations dans les actifs non cotés sont par définition illiquides, l’enjeu devient celui du retour concret sur capital. Les acteurs du capital-risque ne peuvent plus uniquement raconter une histoire de création de valeur à long terme et doivent démontrer leur capacité à rendre de l’argent.
Dans cette nouvelle donne, les indicateurs de performance évoluent, le DPI, qui mesure les montants réellement retournés aux investisseurs, prend le pas sur les multiples de valorisation théorique. Les performances sur le papier séduisent moins que la preuve, en cash, de la capacité des fonds à sortir de leurs positions. Cela affecte la dynamique de levée, y compris pour des véhicules établis. Les re-ups, ces réengagements sur une nouvelle génération de fonds, deviennent plus sélectifs, plus dilués, parfois différés. Et pour les fonds émergents, la barre est d’autant plus haute que les LPs privilégient désormais la prudence à la nouveauté.
Ce repli s’explique aussi par une réalité structurelle, le faible nombre de sorties significatives dans la tech française. Si la scène a su générer des PME solides et même des ETI performantes, les véritables grands exits, capables d’alimenter durablement le cycle du capital-risque, restent l’exception. Dans cet environnement, certaines stratégies d’investissement très orientées sur des valorisations élevées, à l’entrée comme à la sortie, peinent à convaincre. La tension entre ambition et discipline devient centrale.
Face à cette pression, les fonds s’adaptent, l’heure est à la rationalisation des portefeuilles, à une gestion plus rigoureuse des tours de table, et à la recherche active de sorties, même intermédiaires. Les sociétés profitables ou proches du break-even, avec un ARR modéré mais visible, suscitent un intérêt croissant de la part des plateformes de consolidation privées. Le private equity devient ainsi un relais naturel pour une partie des participations, à condition que les valorisations d’entrée aient été maîtrisées.
Loin d’être une crise, ce resserrement marque une phase de maturité, il impose une nouvelle discipline à l’écosystème français, qui ne peut plus se contenter de capitaliser sur son élan. Il doit prouver qu’il sait distribuer, et pas seulement investir. Cette exigence, si elle ralentit certaines dynamiques, pourrait aussi consolider les bases d’un marché plus sain, et mieux aligné sur les attentes de ses financeurs.
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