
Airbnb repense son modèle, vers une super-app des services
Airbnb vient de dévoiler une refonte complète de son application et amorce un tournant stratégique. L’entreprise, historiquement positionnée sur le marché du voyage, élargit son périmètre d’action pour intégrer une offre de services à destination des voyageurs… et des résidents.
C’est à Los Angeles, que Brian Chesky, cofondateur et CEO d’Airbnb, a présenté ce qu’il considère comme « le début d’un nouveau chapitre ». Au-delà d’une mise à jour de l’interface, il s’agit d’une reconfiguration profonde de l’offre : la plateforme permettra désormais de réserver des services locaux, cours de cuisine, soins à domicile, guides touristiques, repas préparés ou prestations bien-être, et ce, dans sa propre ville autant qu’en déplacement.
« Les gens pensent qu’Airbnb est une entreprise de voyage. Nous sommes l’une des plus grandes marques du secteur, mais à partir d’aujourd’hui, nous ne sommes plus limités au voyage », a précisé Chesky dans une interview diffusée par CNBC.
Une redéfinition du modèle, inspirée d’Amazon
Le nouveau service repose sur une logique d’extension du modèle Airbnb à d’autres formes d’intermédiation humaine. « Et si l’on pouvait Airbnb-iser le monde entier ?« , a avancé Brian Chesky. L’ambition affichée est de devenir la plateforme de référence pour réserver des prestations de service, de manière fluide, comme on réserve un logement.
Le dirigeant cite en exemple Amazon, souvent décrit comme “the everything store”, mais avec une nuance importante : « Amazon, c’est tout ce qui tient dans une boîte en carton. Ce n’est pas les services. » Pour Chesky, ce vide crée un espace stratégique dans lequel Airbnb peut s’engager.
La société lancera cette nouvelle fonctionnalité dans dix catégories de services. À terme, elle estime qu’il pourrait exister des « dizaines, voire des centaines » de catégories exploitables.
Une offre de services intégrée, au-delà du voyage
Airbnb introduit ainsi dix premières catégories disponibles dans certaines villes pilotes, avec un objectif d’extension progressive. Parmi les services proposés :
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- Chefs à domicile : pour des repas privés sur place ou dans un logement loué.
- Massages et soins bien-être : prestations accessibles à domicile ou en itinérance.
- Visites guidées locales : activités culturelles ou naturelles menées par des locaux.
- Cours et ateliers : cuisine, photographie, yoga, poterie ou mixologie.
- Activités artisanales et créatives : proposées par des professionnels ou artistes.
- Expériences sportives : randonnées, surf, paddle, escalade, etc.
- Événements privés : dîners, concerts intimistes ou soirées à thème.
- Services pratiques : coiffure, coaching, soins esthétiques, etc.
- Activités pour enfants ou familles : formats adaptés à différents publics.
- Rencontres exclusives : avec des profils “inspirants”, sélectionnés par Airbnb.
L’application propose des fonctionnalités nouvelles associées à cette offre : recherche géolocalisée, profils enrichis, favoris locaux, messagerie continue et paiement intégré.
« Presque deux emplois sur trois aux États-Unis sont des emplois de services », justifie Chesky, qui voit dans ce marché vaste et fragmenté un potentiel comparable à celui du e-commerce à ses débuts.
Pourquoi Airbnb opte-t-elle pour cette diversification ?
Ce virage stratégique répond à plusieurs logiques économiques et concurrentielles. D’abord, il permet à Airbnb de réduire sa dépendance aux cycles touristiques. Les services de proximité peuvent être consommés en toutes saisons, dans sa ville d’origine, sans nécessité de voyage. Cela stabilise l’activité et élargit la base d’usage.
Ensuite, cette diversification s’appuie sur l’existant, Airbnb dispose d’une audience massive, de systèmes de paiement, de réputation, de support client, et d’une image de marque associée à l’expérience humaine. Elle peut ainsi valoriser ses infrastructures sans coûts d’acquisition externes.
Le développement de cette offre permet également de réactiver l’ancienne verticale « Expériences » lancée en 2016, qui avait été mise en veille pendant la pandémie. Elle revient aujourd’hui dans un format élargi, couvrant aussi les besoins du quotidien.
Il s’agit aussi d’un mouvement défensif face à la montée des acteurs comme Google Maps, Yelp ou des apps spécialisées dans les services urbains. Airbnb entend se positionner comme une « super-app » du lien humain et local, en captant des intentions de consommation autrefois extérieures à son périmètre.
Enfin, les services offrent à Airbnb de meilleurs leviers de marge, des prestations plus fréquentes, moins complexes logiquement que l’hébergement, avec des paniers plus petits mais des taux de commission potentiellement plus élevés.
Un chantier technologique et organisationnel de fond
Ce repositionnement a nécessité un travail en profondeur sur l’infrastructure. « Je pensais que nous pouvions simplement étendre notre modèle, mais il a fallu reconstruire notre stack technologique, réécrire notre application, repenser notre marketing. Il a fallu créer de nouveaux départements. Cela a mobilisé toute l’entreprise pendant un à deux ans« , a expliqué le co fondateur d’Airbnb
La nouvelle application permet également de créer des profils enrichis pour les utilisateurs et les hôtes, et d’initier des interactions durables entre participants à une même activité, y compris après l’expérience. Une orientation qui traduit une volonté de positionnement plus relationnel, voire communautaire.
Une logique d’ancrage local, au-delà du tourisme
Avec cette extension, Airbnb aspire à sortir du strict champ de la réservation touristique. L’application devient un outil de la vie quotidienne pour les utilisateurs dans leur propre ville, en lien avec leur quartier, leur communauté, et des prestataires de proximité.
Interrogé sur le risque de dilution de marque, Brian Chesky précise que l’entreprise ne se considère plus comme une simple OTA (Online Travel Agency) : « Nous essayons de tracer notre propre trajectoire, de créer notre propre catégorie. » Il ajoute : « Nous ne cherchons pas à créer un réseau social en ligne, mais à construire une forme de réseau social dans le monde réel. »
Cette évolution s’inscrit dans une tendance plus large de plateformes visant à capter l’attention et l’intention locale, jusque-là dominée par Google Maps, Yelp ou des acteurs verticaux comme Treatwell, Urban ou ClassPass.