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Cartographier les risques IA, c’est gouverner l’usage avant qu’il ne vous échappe

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Dans les entreprises comme dans les administrations, l’intelligence artificielle se déploie plus vite qu’elle n’est maîtrisée. Portées par les métiers, les expérimentations se multiplient via des outils en SaaS, des copilotes intégrés ou des modèles open source, sans validation IT ou juridique. Cette prolifération invisible expose les organisations à des risques majeurs (éthiques, juridiques, opérationnels) que seule une gouvernance rigoureuse peut contenir. Une approche pragmatique consiste à établir la cartographie des risques IA.

Des usages diffus, une visibilité lacunaire

Aujourd’hui, un responsable RH peut intégrer un assistant IA à ses outils de recrutement sans en référer à la DSI, un directeur marketing peut confier des données clients à un agent conversationnel sans analyse d’impact RGPD. Dans un grand groupe de distribution, un audit interne a ainsi mis au jour 17 cas d’usage IA non référencés, dont certains traitaient des données sensibles sans chiffrement.

Ces initiatives, souvent légitimes sur le fond, échappent aux circuits de validation habituels. Le phénomène s’accélère à mesure que les plateformes (Microsoft Copilot, Notion AI, Mistral, Claude…) s’intègrent aux outils métiers, sans effort de déploiement technique.

Cette opacité est, en elle-même, un premier niveau de risque, car sans visibilité, aucun contrôle n’est possible. Et sans contrôle, la probabilité d’incidents augmente significativement, qu’il s’agisse de fuites de données, d’erreurs décisionnelles ou de violation de normes sectorielles.

Une méthode en quatre étapes

Pour regagner la maîtrise, une démarche structurée s’impose, elle repose sur quatre piliers, simples dans leur principe mais exigeants dans leur mise en œuvre.

1. Recenser les cas d’usage IA actifs ou latents

Première étape : dresser un inventaire fonctionnel de toutes les initiatives, qu’elles soient en production ou en test, internes ou externes. Cela inclut :

  • les outils SaaS (ChatGPT, Claude, Midjourney…),
  • les fonctions métiers concernées (finance, RH, support client…),
  • les fournisseurs de modèles (OpenAI, Hugging Face, Mistral…).

2. Classer les données manipulées

Chaque cas d’usage doit être analysé selon la nature des données traitées :

  • personnelles (RGPD),
  • sensibles (santé, ethnicité),
  • stratégiques (documents juridiques, brevets),
  • confidentielles (roadmaps, codes source).

L’objectif est de croiser la sensibilité des données avec les exigences réglementaires et les capacités techniques de protection (chiffrement, pseudonymisation, auditabilité).

3. Évaluer les risques liés aux modèles

La complexité ne réside pas seulement dans l’usage, mais dans la nature même des modèles déployés :

  • LLM ouverts ou fermés, fine-tunés ou non ;
  • degré d’autonomie (suggestion, décision, exécution) ;
  • exposition à des attaques spécifiques (prompt injection, hallucinations, biais, dépendance au fournisseur).

Des référentiels comme OWASP Top 10 LLM ou MITRE ATLAS permettent d’objectiver ces vulnérabilités.

4. Formaliser une matrice de risques

Il s’agit de structurer une matrice croisant criticité, probabilité, impact et mesures de mitigation. Ce cadre de pilotage doit être vivant, mis à jour au fil des projets, et partagé avec les parties prenantes.

Exemple de matrice synthétique

Cas d’usage Données Modèle IA Criticité Probabilité Contrôle proposé
Génération d’e-mails RH Données personnelles GPT-4 via SaaS Élevée Moyenne Formation + anonymisation
Reporting marketing Données internes Mistral open source Moyenne Faible Déploiement local sécurisé
Agent support client Données clients API propriétaire Élevée Élevée Journalisation + monitoring

Une gouvernance transversale, une preuve de conformité

La cartographie des risques IA ne relève plus d’un seul service et implique la DSI, la direction juridique, la conformité, la cybersécurité et les métiers. Il est essentiel d’en faire une gouvernance partagée.

Cette approche devient indispensable à l’heure où les obligations réglementaires se durcissent :

  • AI Act européen : obligation d’évaluation d’impact, de traçabilité, d’explicabilité pour certains cas d’usage à risque.
  • ISO/IEC 42001 : norme de gouvernance des systèmes IA avec documentation, supervision humaine, gestion des incidents.
  • Exigences sectorielles (banque, santé, assurance) : obligation de pilotage des systèmes algorithmiques.

Idée de check-list  pour initier une cartographie IA dans son organisation

  • Avez-vous recensé les projets IA, y compris les POC et pilotes métiers ?
  • Avez-vous classé les types de données par niveau de sensibilité ?
  • Avez-vous identifié les vulnérabilités propres aux modèles utilisés ?
  • Disposez-vous d’une matrice risques / impacts / responsabilités ?
  • La gouvernance implique-t-elle toutes les parties prenantes ?
  • Votre dispositif est-il auditable par un régulateur ou un client B2B ?

Cartographier les risques IA, c’est lui donner un socle durable. Dans un environnement où les régulateurs avancent plus vite que jamais, où les clients deviennent plus exigeants, et où la réputation peut être affectée par un usage mal calibré, disposer d’un cadre clair est une nécessité stratégique. Gouverner l’IA, c’est d’abord savoir où elle se trouve, profitez de cette période estivale pour réaliser la cartographie IA de votre entreprise.

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