Les données des consommateurs, nouvelle mine d’or de la grande distribution depuis l’avènement de l’e-commerce
AFP
Au passage en caisse ou sur les applications de courses, la grande distribution collecte des données sur ses clients, qui constituent désormais une précieuse source de revenus. Le phénomène n’est pas nouveau: les distributeurs ont toujours examiné les tickets de caisse pour adapter leur offre. Lorsqu’un client souscrit à une carte de fidélité, ils peuvent en plus relier ses achats à son nom, son âge ou encore son adresse.
Mais depuis l’avènement de l’e-commerce et d’outils de traitement de la donnée, votre supermarché ne sait plus seulement quelle marque de lait vous achetez et dans quel magasin, mais aussi combien de temps vous avez passé à hésiter sur les chips et si vous avez été exposé à une publicité avant de choisir vos yaourts bio. Il suffit d’avoir coché quelques cases lors de votre inscription et d’avoir accepté les « cookies », petits traceurs informatiques présents sur tous les sites. Les distributeurs disposent ainsi d’énormes bases de données de millions de profils clients et de milliards de transactions.
« Ils ont un volume et une diversité d’informations plus importants que d’autres très gros acteurs comme Amazon par exemple », indique à l’AFP Olivier Salomon, spécialiste de la distribution chez AlixPartners. Ces données sont utilisées pour s’adapter aux tendances du marché mais aussi et surtout pour présenter à chaque client des offres et des promotions personnalisées. Sur le site en ligne du supermarché que vous avez l’habitude de fréquenter, les produits achetés fréquemment sont automatiquement mis en avant et il est possible de bénéficier d’une réduction sur ces produits que les autres consommateurs ne verront pas. « Cela nous permet d’avoir des clients beaucoup plus fidèles », assure Elodie Perthuisot, directrice exécutive e-commerce, data et transformation digitale chez Carrefour.
« Un outil stratégique »
Ce service intéresse aussi les marques. Les distributeurs ont donc créé des régies publicitaires qui leur vendent des mots-clés et des espaces sur leurs sites d’e-commerce pour mettre en avant certains produits de manière personnalisée: c’est ce qu’on appelle le « retail media ». En faisant une recherche de papier-toilette par exemple, on trouvera sa marque préférée mise en avant mais aussi des recommandations d’autres marques similaires en bonne place, qui ont payé pour y être. Comme la publicité est directement sur le site d’achat, la carte bleue n’est jamais loin… « Tout l’enjeu est de faire en sorte que le produit soit bien adapté à la recherche », indique Cyril Bourgois, directeur de la transformation digitale de Casino et directeur général de RelevanC, la filiale « retail data » du groupe.
La régie publicitaire peut aussi organiser des campagnes ciblées sur les réseaux sociaux et en mesurer directement l’impact en magasin. « Notre objectif est de pouvoir réorienter les budgets marketing des marques », qui sont traditionnellement plutôt utilisés pour des campagnes à la télévision ou auprès de géants de la publicité en ligne comme Google, Facebook et Amazon, indique Elodie Perthuisot. Au premier semestre 2021, le « retail media » a généré près de 300 millions d’euros de recettes en France, +41% par rapport à l’an dernier. Les distributeurs tentent désormais de s’imposer sur ce secteur, en s’alliant avec d’autres sociétés ou en éditant leurs propres logiciels, comme Casino avec sa société RelevanC.
« C’est un outil stratégique pour le groupe […] et une activité à part entière », souligne Cyril Bourgois. RelevanC, qui a réalisé 55 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, vend désormais ses solutions à d’autres distributeurs sous marque blanche. Une difficulté demeure pour ces entreprises selon Olivier Salomon: mesurer jusqu’où la personnalisation doit aller sans paraître intrusive pour le client. Toutes insistent en tout cas sur leur respect du règlement général de protection des données personnelles (RGPD): les consommateurs peuvent demander à tout moment à consulter les données recueillies et revenir sur leur consentement à les partager.
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