
Mojo, la pièce manquante de l’offre créateurs de Dailymotion
Dailymotion, filiale du groupe CANAL+, poursuit sa transformation avec une opération discrète mais stratégique avec l’acquisition de Mojo, une application de création vidéo mobile assistée par intelligence artificielle. Cette intégration vient consolider le pilier « création » d’une plateforme qui, depuis plusieurs années, s’attache à reconstruire un écosystème complet pour les créateurs de contenus numériques.
Une brique technologique à fort usage
Lancée en 2018, Mojo propose une application mobile permettant de concevoir rapidement des vidéos animées à destination des réseaux sociaux. Modèles personnalisables, effets visuels, génération vidéo à partir de texte ou d’image, suppression d’arrière-plan, sous-titrage automatique : la solution combine simplicité d’usage et fonctionnalités avancées. Elle revendique plus de 50 millions de téléchargements et 300 000 abonnés payants, et 3 millions d’utilisateurs, avec une base active composée de créateurs indépendants, de professionnels du marketing et de journalistes visuels.
Le produit a trouvé son public auprès d’une nouvelle génération d’utilisateurs mobiles, située à la frontière entre le B2C et le B2B, parfois désignée sous le terme de prosumer. Pour Guillaume Clément, CEO de Dailymotion, l’intérêt de cette acquisition tient dans la capacité de Mojo à rendre la création accessible à tous, tout en produisant des rendus de qualité professionnelle. « Nous ajoutons une brique essentielle à notre écosystème », résume-t-il.
Compléter une offre par blocs fonctionnels
L’intégration de Mojo intervient dans le cadre d’un repositionnement entamé de longue date. Dailymotion articule désormais son activité autour de trois fonctions complémentaires :
- La distribution, avec un réseau de 5 000 éditeurs monétisés dans le monde et une audience revendiquée de 400 millions d’utilisateurs mensuels ;
- La monétisation, via sa technologie propriétaire destinée aux annonceurs ;
- La création, désormais enrichie de Mojo.
L’objectif est de proposer une plateforme tout-en-un où les créateurs peuvent concevoir, publier et rentabiliser leurs contenus sans quitter l’environnement Dailymotion. Une approche qui tranche avec les logiques de fragmentation habituelles, où la création se fait sur des outils tiers (CapCut, Canva, Premiere), la publication sur d’autres (Instagram, TikTok), et la monétisation souvent ailleurs encore.
Une intégration sans rupture
Mojo continuera d’exister comme application indépendante, mais ses fonctionnalités seront progressivement mises à disposition des clients de Dailymotion, notamment dans les offres Pro et à destination des annonceurs. L’enjeu consiste à générer une boucle vertueuse et transformer les spectateurs en créateurs, puis ces créateurs en éditeurs autonomes, monétisables directement via la plateforme.
Pour Jean Patry et Francescu Santoni, cofondateurs de Mojo, cette intégration s’inscrit dans une logique de continuité. « C’est une opportunité unique de remettre l’Europe au centre du jeu dans le domaine de la vidéo sociale », indiquent-ils, soulignant que l’approche mobile-first et no-code de Mojo a permis à des milliers d’utilisateurs, y compris non-techniciens, de produire des contenus à haute valeur ajoutée visuelle.
Une stratégie sobre mais structurée
Si le montant de la transaction n’a pas été communiqué, le rachat s’inscrit dans une série de mouvements ciblés visant à repositionner Dailymotion comme une alternative européenne aux plateformes dominantes. Le groupe CANAL+ précise que l’opération a été structurée sans impact significatif sur le capital du groupe.
Mojo, de WeWork à 40 millions de téléchargements
Fondée en 2018 par Francescu Martinez et Jean Patry, deux vétérans de la vidéo mobile (ex-Stupeflix, ex-GoPro), Mojo est née de la conviction que le mobile deviendrait l’outil principal de création de contenu vidéo professionnel, même pour les non-designers.
Après un passage remarqué par Y Combinator, les fondateurs itèrent rapidement pour lancer une première version de l’application, centrée sur les stories et reels. Leur ambition est de rendre le motion design accessible, en simplifiant radicalement les interfaces et en misant sur la qualité de rendu.
Le modèle économique repose sur un freemium avec abonnements in-app, combiné à une stratégie d’acquisition atypique, basée sur la viralité du contenu généré, que les utilisateurs partagent sur les réseaux sociaux. Ce « video output-based growth » devient leur principal levier d’expansion.
Dès 2020, Mojo franchit la barre des 20 millions de téléchargements, avec une forte adoption dans des pays comme les États-Unis ou le Brésil, où l’application devient un outil de communication pour des micro-entrepreneurs, agences ou indépendants.
En 2024, l’entreprise aurait atteint 1,2 million de dollars de revenus mensuels nets, tout en restant rentable, avec une équipe centrée produit et sans force commerciale traditionnelle. L’application est régulièrement mise en avant par Apple dans l’App Store.
Avec son ADN product-first, sa base d’utilisateurs hybride (B2C et prosumers) et sa maîtrise du mobile et du contenu vidéo, Mojo pourrait se révéler une pièce stratégique dans l’écosystème de Dailymotion, d’autant si la filiale du groupe Canal mise sur l’expérience des fondateurs de la startup.
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