
Avec sa wishlist Summer 2025, l’accélérateur californien révèle une vision structurée du futur des startups à l’ère de l’intelligence artificielle.
Chaque saison, Y Combinator publie une liste d’idées qu’il souhaite voir émerger au sein de son programme. Celle de l’été 2025 dépasse l’exercice de style. Elle constitue un document d’orientation stratégique pour les fondateurs, les investisseurs et les opérateurs de l’écosystème. L’ensemble est dominé par une ambition de reconstruire, à partir de briques d’intelligence artificielle, des systèmes complets (métiers, organisations, produits) capables de concurrencer directement les modèles existants.
La montée en puissance des agents IA
Plusieurs propositions mettent en avant un changement de paradigme dans la conception du logiciel. Ce ne sont plus des outils que Y Combinator souhaite voir émerger, mais des agents, capables d’agir de manière autonome à la place de l’utilisateur. Le traitement des emails, la gestion d’un agenda, la réponse téléphonique ou encore l’organisation de tâches administratives ne relèveraient plus de l’utilisateur ou d’un assistant humain, mais d’un agent doté de mémoire contextuelle et d’une capacité d’action.
Tom Blomfield, ancien fondateur de Monzo, imagine un assistant personnel qui n’organise pas des tâches, mais les accomplit. Pete Koomen, cofondateur d’Optimizely, évoque quant à lui une tendance structurelle : dans chaque entreprise, chaque salarié sera bientôt en mesure de créer son propre agent pour automatiser les tâches récurrentes. Ces scénarios sont aujourd’hui rendus techniquement possibles par les progrès récents des modèles de langage.
Des startups verticalisées dès l’origine
L’une des propositions les plus marquantes vient de Jared Friedman, partenaire de Y Combinator, plutôt que de créer un outil à destination d’un secteur traditionnel, avec par exemple un agent pour les cabinets juridiques. Et du coup, pourquoi ne pas créer directement une nouvelle structure qui intègre ces agents à sa chaîne de valeur ? Une forme de verticalisation radicale où la startup ne vend pas un produit à un acteur en place, mais devient elle-même cet acteur, réinventé par l’IA.
Ce modèle “full-stack” implique une approche plus capitalistique, plus complexe à opérer, mais potentiellement plus défendable à long terme. Il s’inscrit dans une volonté de rompre avec les cycles classiques de vente B2B et de réduire la dépendance aux grandes entreprises comme premiers clients.
La priorité donnée aux verticales à forte inertie
Y Combinator met l’accent sur plusieurs secteurs considérés comme mûrs pour une transformation en profondeur via l’IA. C’est le cas de la santé, où Gustaf Alströmer pointe le poids colossal des coûts administratifs. C’est également le cas de la finance personnelle, où les biais humains et le coût des conseils individualisés laissent la place à des solutions automatisées.
L’éducation est un autre secteur clé, considéré comme difficile à transformer mais essentiel à long terme. Harj Taggar et Tom Blomfield évoquent la possibilité de créer des tuteurs personnalisés capables de s’adapter aux rythmes et aux méthodes d’apprentissage de chaque élève, à travers des interfaces multimodales intégrant texte, image, audio et animation.
La recherche scientifique, enfin, est perçue comme un territoire stratégique. Diana Hu appelle à concevoir des outils permettant d’accélérer la modélisation, la découverte et l’expérimentation dans des domaines complexes comme la chimie, la physique des matériaux ou l’optimisation industrielle.
Une robotique à la veille de son “moment GPT”
Contrairement à d’autres secteurs, la robotique n’a pas encore connu de rupture liée aux modèles d’IA générative. Mais pour Diana Hu, cette étape est proche. L’élément déclencheur serait l’intégration de modèles de perception et de décision suffisamment performants pour permettre à des robots de fonctionner dans des environnements réels non balisés.
Plutôt que de créer des robots eux-mêmes, YC s’intéresse aux outils logiciels qui permettent aux autres de les concevoir plus facilement. Cette approche indirecte pourrait favoriser l’émergence de nouveaux standards techniques, notamment pour les usages industriels ou agricoles.
Un appel à une nouvelle génération de fondateurs
Enfin, plusieurs publications du programme expriment une volonté d’élargir le profil des fondateurs. Aaron Epstein met en avant les designers, perçus comme dotés d’une capacité à traduire une intention produit en expérience utilisateur cohérente, sans laquelle une technologie même avancée peut rester inopérante.
Jared Friedman relance, de son côté, un appel à la création de laboratoires de recherche indépendants. Il rappelle que OpenAI est né au sein de YC Research et affirme que le programme peut également soutenir des projets scientifiques longs, sans impératif de commercialisation immédiate. La notion de “startup” s’élargit ainsi à des structures d’exploration, capables de poser les bases technologiques des prochaines vagues.