
Lancer 20 produits en parallèle, la méthode Revolut pour industrialiser l’innovation
Chez Revolut, l’innovation est un processus rigoureux, cadencé, et scalable. Aux antipodes des cycles longs et centralisés de développement, Nik Storonsky revendique une approche fondée sur la répétition, le volume et la sélection par les chiffres. En trois ans, la fintech a lancé 27 “bets” produits, dont cinq se sont imposés comme relais de croissance majeurs. Autopsie d’un modèle d’innovation à haute fréquence.
Une philosophie produit fondée sur l’expérimentation structurée
L’équipe produit de Revolut n’avance pas à l’intuition. Chaque lancement repose sur une logique de pari — un bet — mené par une micro-équipe autonome d’une dizaine de personnes. Ces équipes fonctionnent comme des unités indépendantes, avec un budget d’expérimentation évalué entre 2 et 3 millions de livres sterling par an.
« On peut mener 20 paris en parallèle sans friction, car chaque équipe est indépendante », explique Nik Storonsky. L’enjeu est de tester à coût maîtrisé, sans diluer l’attention ni surcharger les structures existantes.
Des critères de succès clairs dès les premiers mois
Le système repose sur une règle simple, à savoir que les produits doivent démontrer une traction mesurable dans les trois premiers mois. Si les courbes ne montent pas rapidement, les équipes ne sont pas renforcées. À l’inverse, lorsqu’un pari décolle, l’entreprise débloque des ressources supplémentaires pour accélérer.
« On compare les revenus générés par chaque bet sur les quatre premiers mois. Le top 30-40 % obtient le droit de scaler. Une équipe devient deux, puis trois. Et ça devient un département. »
Parmi les paris gagnants récents, l’offre eSIM, saluée pour sa simplicité d’usage, ou encore RevPoints, le système de fidélité intégré.
Un outil de pilotage granulaire
Revolut a développé une interface interne pour piloter son portefeuille de paris. Chaque bet est suivi dans Jira, agrégé dans des dashboards qui centralisent la performance (revenus bruts, taux de croissance, adoption). L’état d’avancement (développement, mise en production, scaling) y est également visualisé.
Ce tableau de bord permet aux équipes dirigeantes de prendre des décisions rapides sans dépendre de comités lourds. La logique est data-driven, mais localisée : les arbitrages sont pris produit par produit, sans vision monolithique.
Un taux de réussite assumé, un rendement optimisé
Sur les 27 paris lancés, environ 5 ont été des succès clairs, 5 à 6 ont échoué, et le reste se situe entre les deux. Ce rendement est cohérent avec une approche type “venture studio” : peu de projets gagnants, mais à fort levier de croissance. « Si l’on regarde la génération de cash globale, le portefeuille est exponentiel », affirme t il.
Le filtre initial ne repose pas uniquement sur le potentiel perçu. Revolut consulte un comité d’anciens responsables produits. Lorsque le consensus est positif, le projet est lancé. Si les avis sont partagés, il est lancé quand même.
Une capacité à tuer vite ce qui ne fonctionne pas
Le cas du produit “Salary Advance” illustre cette culture de l’itération sèche. Pensé comme une alternative au crédit à la consommation, le produit permettait de débloquer une partie du salaire avant la fin du mois. Le concept n’a pas pris, le funnel d’adoption étant trop complexe : vente à l’entreprise, puis à ses salariés, intégration avec les logiciels de paie.
« Pour beaucoup d’efforts, nous n’avions que quelques centaines d’utilisateurs. On a arrêté », tranche Storonsky.
Un modèle à part dans l’industrie
Ce système de “multi-bets” fait de Revolut une exception dans l’univers bancaire. Là où les néobanques itèrent à bas bruit sur un produit unique, Revolut construit un portefeuille complet de services — crédits, eSIM, points de fidélité, trading, etc. — avec une logique d’expansion modulaire.
La clé réside dans l’indépendance des équipes, la vitesse de test, et la discipline de sélection. Chaque produit est jugé sur sa performance intrinsèque, et seuls les meilleurs accèdent aux moyens d’un déploiement massif.
📌 En synthèse :
Élément | Données clés |
---|---|
Paris lancés en 3 ans | 27 |
Paris menés en parallèle | 20+ |
Budget moyen par pari | 2 à 3 M£ |
Taux de succès clair | 5 sur 27 |
Mode de scaling | Progression équipe → département |
Critère de sélection | Traction dès mois 1-3, marge brute, adoption |