
Trois ans d’aides aux podcasts, un dispositif utile mais sans effet structurant
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Depuis 2021, le ministère de la Culture consacre 500 000 euros par an au soutien des autrices et auteurs de podcasts natifs. Conçu comme un dispositif expérimental, ce fonds visait à financer l’écriture sonore, encourager de nouveaux talents et diversifier l’offre éditoriale. Trois éditions ont permis d’accompagner 326 projets. L’évaluation conduite par l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) met en lumière un paradoxe, si l’aide a soutenu l’écriture, elle n’a pas réussi à transformer la création en véritable filière.
Une dynamique réelle sur l’écriture des podcast
Selon l’IGAC, 79 % des lauréats de 2021 et 67 % de ceux de 2022 ont finalisé leur travail, contre seulement 29 % et 21 % pour les candidats non retenus. La subvention, comprise entre 3 000 et 5 000 euros, a apporté un cadre et une reconnaissance symbolique qui ont renforcé la motivation des bénéficiaires. L’aide a également favorisé l’accès à une production professionnalisée, un quart des projets aidés ont trouvé un producteur, contre moins de 10 % parmi les non-lauréats.
Une diffusion des projets aidés encore marginale
Là où le dispositif montre ses limites, c’est dans la visibilité des œuvres. Seuls 29 % des projets aidés ont été diffusés, souvent par des médias publics comme Radio France ou Arte Radio. Les créations issues de cette aide restent peu présentes sur les plateformes grand public, dominées par une poignée de titres qui concentrent 95 % des écoutes. Même si la probabilité d’être diffusé est deux à trois fois plus forte avec l’aide, l’essentiel de la production financée reste invisible pour le public.
Des lauréats déjà professionnalisés
Pensée pour favoriser l’émergence, l’aide a en réalité bénéficié majoritairement à des profils déjà installés. 85 % des lauréats des deux premières éditions appartiennent au champ audiovisuel, auteurs, réalisateurs, journalistes, producteurs. La majorité se situe dans la tranche d’âge 30/49 ans, et un cinquième a déjà reçu d’autres bourses ou prix. Sur le plan géographique, l’Île-de-France domine largement, les candidats ultramarins représentant moins de 4 % en 2022 et seulement 1 % en 2023. Le dispositif reproduit ainsi les inégalités d’accès habituelles aux soutiens culturels avec une forte concentration parisienne, des bénéficiaires diplômés et déjà insérés dans les réseaux professionnels.
Le modèle économique des podcasts toujours introuvable
L’évaluation de l’IGAC rappelle le problème de fond du podcast natif, qui n’a pas trouvé de modèle économique viable. Les tentatives d’abonnement payant ont échoué, le marché publicitaire reste instable et sous-dimensionné, et les plateformes internationales (Spotify, Apple) se sont retirées du financement direct. Dans ce contexte, le poids de Radio France a été déterminant mais limite la place des producteurs indépendants. L’aide à l’écriture apparaît dès lors comme un geste symbolique, utile pour l’amont mais incapable d’irriguer la filière.
Quelles perspectives pour les aides du ministère de la Culture?
L’IGAC recommande de refonder le dispositif afin de recentrer l’aide à la création sur un nombre réduit de projets dotés de financements plus conséquents, assortis d’un accompagnement professionnalisant, ainsi que créer une aide sélective à la production, couvrant jusqu’à 40 % des coûts de projets structurants et conditionnée à un engagement de diffusion. Enfin, renforcer la diffusion via les radios publiques et associatives. La France doit désormais décider si elle veut traiter le podcast comme une véritable filière avec une logique comparable à celle de la técinéma ou de la musique — ou le maintenir comme un laboratoire artistique marginal, financé à la marge mais sans perspectives économiques solides.
Un choix stratégique en suspens
Trois ans après le lancement, l’État a reconnu le podcast comme un objet culturel à part entière. Mais le bilan met en lumière une ambiguïté, l’aide a soutenu des projets, pas un secteur. La Ministère de la culture doit désormais décider s’il veut traiter le podcast comme une véritable filière ou le maintenir comme un laboratoire artistique marginal, financé à la marge mais sans perspectives économiques solides.
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